TDN 2022. Marching Band Roazhon Project, une parade inclusive à Rennes

--> Pour recevoir chaque semaine par courriel les derniers articles relatifs à Rennes, cliquez ici

La parade Marching Band Roazhon Project se produira à Rennes les 2 et 3 juillet 2022 pour le festival des Tombées de la nuit. Patchwork de pratiques artistiques imaginé par Frédéric Nauczyciel, elle se veut un espace de rencontre des cultures associant voguing, marching band, danse et musique bretonne et baroque. Entre le FRAC Bretagne, le TNB, les Champs libres et les rues de la ville, la troupe hétéroclite composée d’amateurs et amatrices se propose de transformer l’espace public et les lieux de culture aux couleurs d’une fête inclusive et populaire.

Alors que nous précisions à Frédéric Nauczyciel le nom de notre média, lui vient tout de suite à la bouche l’anecdote de la création de la Comédie française, union forcée de deux troupes parisiennes préexistantes qui prit pour devise la formule latine « Simul et singulis », « être ensemble et rester soi-même ». C’est, à n’en pas douter, une réminiscence de son spectacle Singulis et Simul, créé en novembre 2021, qui allie voguing, musique et danse baroque, danse baladi orientale et fanfares de rue.

frederic nauczyciel
Frédéric Nauczyciel © Maurine Tric

Ce dernier spectacle renouvelle sur scène les idées à l’œuvre dans ses projets de Marching Band, une performance ambulatoire qui prend la forme d’une parade aux multiples facettes. Frédéric Nauczyciel l’a pensée comme un espace de rencontre d’horizons pluriels, à la croisée des cultures marching band, voguing, baroque et, pour cette nouvelle version présentée pour la première fois à Rennes les 2 et 3 juillet 2022, bretonne. 

« La question identitaire est un sujet central aujourd’hui, même obsessionnel », affirme Frédéric Nauczyciel, avant de poursuivre à propos de son travail : « on peut être tout à fait singulier, divers, mais réussir à construire ensemble. Ce qui ne veut pas dire unifier par le haut ou de manière violente. L’idée est de trouver des espaces d’écoute, de respect, qui nous le permettent. Le marching band, c’est censé être ça, créer un unisson, plutôt qu’une unité ». Et de reprendre la devise à l’œuvre dans les marching band, « One band, one sound » (un groupe, un son).

marching band roazhon project
© Louise Quignon / Hans Lucas

Du voguing au marching band, lieux d’expression afro-américaine

Frédéric Nauczyciel est un artiste visuel à la pratique multiple. Ancien administrateur dans le domaine de la danse contemporaine, il a longuement collaboré avec le danseur et chorégraphe américain Andy De Groat avant de se lancer dans la photographie. En 2011, il découvre Baltimore aux États-Unis, et plus particulièrement la scène voguing de la ville. Danse née dans les communautés transgenres et homosexuelles afro-américaines, inspirée des poses de mannequins (comme celles visibles en couverture de Vogue), « le voguing est une communauté qui permet à ses membres de se construire, de s’aimer, d’exister dans une société où a priori ils n’existent pas », témoigne Frédéric. Il fait la rencontre de Marquis Revlon, chef de la maison de voguing Revlon, avec qui il entame une collaboration artistique. On retrouve encore Marquis dans son dernier spectacle Singulis et Simul.

marquis revlon
Vogue ! Baltimore, Marquis Revlon, 2011. Une photo de Frédéric Nauczyciel.

L’étape suivante dans la genèse de Marching Band Roazhon Project est la découverte de la culture du marching band, ces fanfares héritières des marches militaires, particulièrement fédératrices dans les quartiers noirs américains. « Un jour, j’apprends que Marquis est aussi membre d’un marching band depuis tout petit. Il m’emmène pour la première fois en 2014. J’y ai trouvé un sens de la communauté passionnant », raconte Frédéric Nauczyciel. Des groupes nombreux pouvant compter 100 à 150 musiciens de tous âges, la transmission qui s’y opère, des amateurs experts en leur domaine, autant d’observations qui stimulent Frédéric. « Contre l’idée qu’il y a un ordre établi de la culture savante qui détiendrait le pouvoir, qui de fait est excluante, il y a des moyens de travailler à des endroits où la connaissance est un outil de transmission et d’inclusion », s’enthousiasme-t-il.

Un marching band à Paris

De retour en France, passé désormais à la vidéo et à la performance, l’ancien photographe entre en résidence longue à MC93, scène nationale de Bobigny. Il a alors l’idée de convier Marquis Revlon pour un film-performance, un plan-séquence de 40 minutes retraçant une parade. « Dans l’utopie du film, on se dit qu’on va créer un vrai marching band qui pourrait continuer à exister après le film. C’est ce que j’appelle une œuvre générative, qui génère autre chose qui nous échappe », commente Frédéric Nauczyciel

Le Marching Band Paris Project voit le jour en 2016, mêlant des danseurs de voguing à des musiciens d’un orchestre amateur créé par Sylvain Cartigny, l’Orchestre de spectacle de Montreuil. Le répertoire musical présente aussi bien des styles musicaux du voguing (funk et disco notamment) que des compositions baroques de Jean-Philippe Rameau. La danse baroque s’intègre aussi à la performance, car c’est un courant artistique cher à Frédéric Nauczyciel, qu’il rapproche de la culture queer. « Le mot queer veut dire différent, original, qui a un défaut, comme barroco, la perle qui a un défaut et qui a donné son nom au baroque. Dans ces notions-là, ce qui est minoritaire, qui a un défaut, qui est normalement marginal devient central, beau, élégant », précise-t-il.

marching band roazhon project
© Louise Quignon / Hans Lucas

À l’origine seulement un film-performance, le Marching Band Paris Project finit bien par dépasser ses créateurs, Frédéric Nauczyciel le premier qui ne s’attendait pas à devenir directeur de marching band. Pluriel, aussi savant que populaire, le MBPP est invité à se produire dans des musées, comme sur des terrains de foot ou aux Galeries Lafayette à Paris. En 2020, le théâtre national de Bretagne invite Frédéric à en créer une nouvelle version, bretonne celle-ci.

Marching Band Roazhon Project

« Quand le TNB m’a proposé d’imaginer quelque chose en Bretagne, ce qui m’a intéressé ce sont les connivences entre la culture bretonne et la danse baroque. Ce sont les danses traditionnelles qui ont insufflé les mouvements de danse baroque, comme le pas de bourrée », explique Frédéric Nauczyciel. Au-delà de cette première ressemblance, l’artiste dresse d’autres parallèles entre les pratiques qu’il convoque. Le voguing, comme la danse bretonne, est une expression venue d’une minorité, une forme de résistance à la société dominante. Celles et ceux qui les dansent sont des amateurs, très peu en vivent, malgré qu’ils et elles soient expert.e.s dans ces domaines, des savant.e.s qui n’en ont pas le nom. Quant au marching band, il partage avec la culture bretonne le principe et la manière de transmettre : « des groupes intergénérationnels qui se voient deux fois par semaine, dans un gymnase ou un espace comme ça, qui s’entraînent ensemble, créent de nouvelles chorégraphies… », précise Frédéric Nauczyciel.

clement le goff
© Louise Quignon / Hans Lucas

Pour cette nouvelle mouture du marching band, Sylvain Cartigny est remplacé par Clément Le Goff, musicien rennais spécialiste de musique traditionnelle et représentant d’une culture bretonne contemporaine. L’objectif de Frédéric Nauczyciel est alors de créer un espace de rencontre entre Clément et Marquis, entre les danseurs venus du voguing ou du hip hop ou celles et ceux venu.e.s des danses bretonnes, de les sortir de leur zone de confort. Par exemple, comment intégrer la notion de cercle des danses bretonnes à la disposition du marching band, régi par la ligne ? Comment intégrer des pas de danses bretonnes à la gestuelle de danseurs voguing ? « Il va en sortir quelque chose qui va nous échapper, plus ou moins breton ou marching. À la fin, ce qui compte c’est qu’on a réussi à créer quelque chose ensemble, en réunissant des personnalités diverses », résume Frédéric.

  • marching band roazhon project
  • marching band roazhon project
  • marching band roazhon project
  • marching band roazhon project

Une première version du Marching Band Roazhon Project se prépare en 2020, avant d’être compromise par le deuxième confinement de l’année. La seconde sera la bonne. Elle se produira samedi 2 juillet pour deux performances au FRAC Bretagne, et dimanche 3 juillet lors d’une longue déambulation de la place Sainte-Anne au TNB, puis aux Champs libres. « L’intérêt d’un marching band, c’est son lien avec le happening : il apparaît quelque part, prend possession d’un lieu avant de repartir. C’est quelque chose qui se passe dans la rue, public, cathartique, qui n’est pas complètement contrôlable. Et par le simple fait qu’il ait traversé une ville, il l’a déjà changée un peu en créant quelque chose de festif », explique Frédéric Nauczyciel.

Plus bretonnante encore que la première, cette nouvelle version de Marching Band Roazhon Project radicalise la rencontre des cultures. Et Frédéric Nauczyciel se réjouit d’avance de son passage futur au festival des Cornouailles à Quimper, ou à l’Interceltique de Lorient, hauts lieux des musiques traditionnelles bretonnes. « On va poser, de par l’existence même de notre travail, des questions de diversité raciale, de représentation des cultures minoritaires et aussi des personnes queer. C’est ce qu’on appelle queeriser un espace : faire en sorte qu’à un niveau culturel il ne soit plus simplement blanc, traditionnel, hétérosexuel, mais qu’il devienne un endroit où les minorités peuvent exister en étant centrales. Je crois profondément que si on veut créer une société qui marche pour tout le monde, il faut s’intéresser à la réalité des cultures qu’on appelle en marge. Si on est capables de créer un espace où ces cultures, où ces personnes dites minorisées peuvent se sentir bien, tout le monde serait capable de s’y sentir bien ».

Aussi, c’est à un espace festif de déconstruction auquel vous convient les 2 et 3 juillet 2022 Frédéric Nauczyciel, Marquis Revlon, Clément Le Goff et les danseurs, danseuses, musiciens et musiciennes du Marching Band Roazhon Project. Un préambule idéal au lancement des Tombées de la nuit.

AU PROGRAMME


 28 07 – 03 07 
– 12h30, 14h30 et 16h30 : Projection du film Marching Band Project à l’auditorium du Frac Bretagne

 SAM 02 07
– 15h15 : Départ de la parade, de la Maison du Parc de Beauregard jusqu’au Frac Bretagne
– 15h30 : Performance au Frac Bretagne
– 17h30 : Performance au Frac Bretagne

 DIM 03 07 
– à partir de 12h : Installation à découvrir au TNB, salle Vilar
– 12h-15h : Brunch au Bar/Restaurant du TNB
– 13h45 : Performance au TNB, salle Vilar
– 14h30 : Performance sur la place Sainte-Anne, puis départ de la parade en direction du TNB
– 16h : Performance au TNB, salle Vilar
– 16h30 : Projection du film Marching Band Project au TNB, salle Vilar
– 18h : Départ de la parade, du TNB vers Les Champs Libres
– 18h15 : Arrivée aux Champs Libres, performance et bal

Article précédentTDN 2022. Heavy Motors, une pièce customisée pour les Tombées de la Nuit !
Article suivantSaint-Aignan (56). Paysages, rencontres poétiques Motten Morvan

--> Rennais, pour recevoir chaque semaine par courriel nos derniers articles, cliquez ici

Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici