Martin Buber est un philosophe et pédagogue israélien d’origine autrichienne. Il quitte l’Allemagne en 1938 pour s’installer à Jérusalem. A l’Université hébraïque de Jérusalem, il professe l’anthropologie et la sociologie. Il oeuvre toute sa vie à une meilleure entente entre Israéliens et Arabes, se faisant l’apôtre d’un État bi-national et démocratique en Palestine. Il se forme durant sa jeunesse à la philosophie par l’intermédiaire de Kant, Nietzsche et Kierkegaard. Mais il est frappé par la découverte des écrits hassidiques. La doctrine hassidique enseigne que l’on atteint la sagesse non en se détachant du monde, mais en s’en imprégnant profondément pour mieux le comprendre. Il s’emploie à la renouveler pour lui restituer son universalité sous-jacente. Sa pensée et son existentialisme religieux sont aujourd’hui considérés comme l’un des principaux sous-bassement de la philosophie juive moderne.
« Commencer par soi, mais non finir par soi ; se prendre pour point de départ, mais non pour but ; se connaître, mais non se pré-occuper de soi. »
«À force de sonder la vie des choses et la nature de leur relativité, tu arriveras à l’insoluble ; à force de contester la vie des choses et leur relativité, tu arriveras au néant; en sanctifiant les choses, tu rencontreras le Dieu vivant. »
Pour Buber, l’être humain est par essence homo dialogus, et ne peut s’accomplir sans communier avec l’humanité, la création et le Créateur. Il est aussi homo religiosus, car l’amour de l’humanité conduit à l’amour de Dieu et réciproquement. Il est donc impensable de parler aux hommes sans parler à Dieu, et réciproquement. La divine Présence participe donc à toute rencontre authentique entre les êtres humains et habite ceux qui instaurent le véritable dialogue.
Dans son ouvrage le plus célèbre, Je et Tu (1935), Martin Buber souligne l’attitude duelle à l’égard du monde: la relation Je-Tu et la relation Je-cela.
- Ni le Je ni le Tu ne vivent séparément, ils n’existent que dans le contexte Je-Tu, qui précède la sphère du Je et la sphère du Tu.
- De même, ni le Je ni le cela n’existent séparément, ils existent uniquement dans la sphère du Je-cela.
- La relation Je-Tu n’est absolue qu’à l’égard de Dieu – le Tu éternel – et ne peut être pleinement réalisée dans les autres domaines de l’existence, y compris dans les relations humaines, ou Je-Tu fait souvent place à Je-cela. L’être humain ne peut être transfiguré et accéder à la vie authentique que s’il entre dans la relation Je-Tu, confirmant ainsi «l’altérité de l’autre», ce qui suppose un engagement total: «La parole première Je-Tu ne peut être dite qu’avec l’être tout entier, alors que la parole première Je-cela ne peut jamais être dite avec l’être tout entier». Je et Tu sont deux êtres souverains dont aucun ne cherche à impressionner l’autre ni à l’utiliser.
- Selon Buber, l’homme peut vivre sans dialogue mais qui n’a jamais rencontré un Tu n’est pas véritablement un être humain. Cependant, celui qui pénètre dans l’univers du dialogue prend un risque considérable puisque la relation Je-Tu exige une ouverture totale du Je, qui s’expose ainsi à un refus et à un rejet total.
- La réalité subjective Je-Tu s’enracine dans le dialogue, tandis que le rapport instrumental Je-cela s’ancre dans le monologue, qui transforme le monde et l’être humain en objet. Dans l’ordre du monologue, l’autre est réifié – il est perçu et utilisé – alors que dans l’ordre du dialogue, il est rencontré, reconnu et nommé comme être singulier.
Les conceptions de Buber s’opposent tant à l’individualisme, où l’autre n’est perçu que par rapport à soi-même, qu’à la perspective collective, où l’individu est occulté au profit de la société. Dès lors, il s’agit pour l’homme de rechercher Dieu « dans l’intervalle même qui nous sépare les uns des autres ».