Alignés les uns à la suite des autres, les ateliers du Mur Habité recèle un joli lot de créativité rennaise. Parmi eux, la plumassière Mélissa Pasquiet. Ils sont encore très peu en France, mais la jeune femme a fait de cet artisanat d’art sa spécialité. Que signifie être une artisane plumassière ? De quelle manière travaille t-on la plume ? Comment la conserver ? À travers son parcours et ses expériences, Mélissa Pasquiet nous parle de ce métier méconnu.
Qu’est-ce que la plumasserie ? Cette activité concerne la préparation de plumes d’oiseaux et leur utilisation dans la confection d’objets ou d’ornements souvent vestimentaires. Il est difficile d’imaginer toutes les possibilités de la plume, cette matière volatile et douce aux couleurs parfois étonnantes.
Aux origines, il y a l’art plumaire, art ancien et sacré d’Amérique latine. Les plumes habillaient alors les coiffes traditionnelles lors de grands événements, pratiques rituelles et cérémonies chez les amérindiens. Son utilisation connaît un grand succès au XIXe siècle avant de se perdre au début du XXe siècle. Et que reste t-il aujourd’hui de cet artisanat ? On affilie généralement la plume au cabaret et à la Haute-Couture : elle est extravagante et volumineuse dans les tenues de Valentino, discrète et sophistiquée dans celles de Karl Lagerfeld pour Chanel. Elle est parfois tellement travaillée que l’on oublie de quelle matière il s’agit.
« Travailler la plume s’est fait naturellement »
La couture était un rêve d’enfant. Mélissa Pasquiet est entrée dans ce monde par la porte de la Haute-Couture. Après un BTVCM – Brevet Technique Vêtement Création Mesure, elle se rend à Paris suivre la formation FCIL (Formation Complémentaire d’Initiative Locale) Arts de la mode afin d’apprendre la broderie en 2011. « J’ai appris toutes les bases de ce que l’on appelle arts de la mode : chapeau, broderie, plume et fleur artificielle. »
« Le milieu de la Haute-Couture fonctionne essentiellement par Interim. Les effectifs sont triplés, voire quadruplés, sur les périodes de collections. À la fin de ma formation en 2012, l’atelier de plumasserie à Paris commençait à rechercher des personnes avec cette compétence. » La future plumassière s’est alors forgée une expérience en devenant une petite main parmi tant d’autres lors la conception de vêtements, accessoires et bijoux pour de grandes maisons de Haute-Couture telles que Dior, Valentino, Yves Saint-Laurent et Chanel lors des Fashion Weeks Paris. « Le travail était passionnant. Je ne me suis jamais ennuyée. Selon les projets, j’apprenais une nouvelle manière de travailler la plume. J’ai découvert une matière fascinante et diversifiée avec de grandes possibilités. » L’artisane préfère néanmoins rester discrète sur ce travail, car « je ne suis qu’en bout de chaîne. Je n’ai pas travaillé seule. »
Elle décide de poursuivre cette activité et de proposer ce savoir-faire en dehors de la capitale, soit dans notre belle ville bretonne. « J’aimerais allier le travail en Haute-Couture et mon activité à Rennes. »
Mélissa Pasquiet débute seulement son activité, mais ses collaborations avec l’abat-jouriste Aurélie Cousin révèlent déjà la finesse de son travail. Un simple pan de toutes les possibilités qui s’offre à elle… L’artisane plumassière apporte douceur et légèreté sur les abat-jours, appliques murales Marylou et lampes THELMA de l’artisane abat-jouriste. Le Mur Habité c’est aussi cela : un savant mélange de savoir-faire artisanaux. Et il semble que cette collaboration ne semble pas prête de s’arrêter (pour le plus grand plaisir de nos intérieurs). « Dans l’idéal, j’aimerais que des clients viennent me rencontrer avec des envies et des idées. J’apprécie de montrer ce qu’il est possible de faire avec cette matière », déclare la plumassière.
« C’est toujours un plaisir de retourner à Paris et de participer à la fabrication de pièces que je ne pourrais pas réaliser toute seule. »
« Il existe trois grandes techniques en plumasserie »
Pendant sa formation, la plumassière a principalement appris des techniques traditionnelles. « J’utilise la technique du collage, employée notamment au XIXe siècle, pour ma dernière collaboration avec Aurélie Cousin », déclare t-elle. Après la préparation des plumes, l’artisane met un point de colle sur la plume avant de la poser sur le support. De la même manière, on peut utiliser l’encollage pour la marqueterie : « la plume est recouverte de colle. Ainsi, on peut la découper et créer des motifs figuratifs par exemple. L’aspect est plus rigide. » À la tradition s’ajoute la modernité avec la technique de la couture, méthode plus contemporaine qui permet un maintien plus solide au niveau du vêtement. « La couture se fait généralement avec les grandes plumes. On utilise un point zigzag sur le milieu de la plume que l’on appelle la côte. Les amérindiens utilisent également le tissage, une technique que nous n’apprenons pas – précise t-elle. La dernière technique, la monture, permet de travailler la plume en volume. C’est avec cette technique que je réalise mes fleurs. »
Dans ses créations, Mélissa Pasquiet laisse parler son imagination. Elle réfléchit aux techniques avant de poser les plumes, une à une. De ce travail méticuleux naît des créations légères et raffinées, des guirlandes et des tableaux. « Pour les tableaux, je suis partie d’un mouvement avec l’envie de proposer une technique particulière, la plume pincée. Cette manière de travailler la plume lui donne une forme de pétale. Ce type de créations demande plusieurs heures de travail ».
Sur les étagères, des caisses sont remplies de sacs transparents de plumes de tailles et couleurs diverses. Elles attendent que l’artisane les sorte de leur cage plastifiée, mais protectrice. « Les plumes se conservent des années, mais les insectes et les mites sont nos plus grands ennemis. » Et contrairement à ce que l’on pense, la fausse plume n’existe pas. Il est bien trop difficile d’avoir un rendu semblable à la véritable texture de la plume. Ainsi, la question de la matière animale peut aisément se poser : « La problématique autour du travail des plumes animales est la même que celle avec le cuir. Je me suis longtemps questionnée avant de me mettre à mon compte. Néanmoins, la plume doit rester belle pour que l’on puisse la travailler. Cela m’étonnerait qu’il s’agisse d’oiseaux collés les uns aux autres ou maltraités… »
« Le commerce de plumes est réglementé par la convention de Washington. » Adoptée en 1973 et mise en vigueur en 1975, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), dite la Convention de Washington, réglemente le commerce des espèces afin d’assurer leur survie. « Cette convention autorise la récupération de plumes des animaux que l’on mange exclusivement : le coq, la poule, l’oie, le canard, le faisan, le paon ou encore l’autruche. Et c’est amplement suffisant. Sur un même oiseau, la plume peut être différente en termes de qualité, de densité et de toucher. À titre d’exemple, le coq et le faisan possèdent trois plumes différentes. »
« Un oiseau mue une à deux fois par an. »
Dans un future proche, Mélissa Pasquiet aimerait proposer une collection capsule d’accessoires de mariage. Appréciant particulièrement concevoir des fleurs en plumes, l’artisane pense à des bouquets, mais également à des coiffes de mariée, des broches, des décorations de poche pour le marié et pourquoi pas des nœuds papillon ? Un détail qui sublimerait une tenue et se conserverait tel un doux trésor…
Les artisans du Mur Habité inaugurent officiellement les lieux samedi 3 octobre 2020 (de 11h à 18h). Une occasion de venir discuter de cet artisanat singulier qui mérite une plus grande visibilité.
Mélissa Pasquiet, artisane plumassière
Les Ateliers du Mur Habité
Rue Gisèle Freund
35 000 Rennes
RENNES RÉCOMPENSÉ POUR LE MUR HABITÉ ET SES ARTISANS CRÉATEURS !