Michaël Foessel invité à Rennes 2 pour parler souffrance et reconnaissance

Michaël Foessel était vendredi 18 mars l’invité du séminaire « Quotidienneté, souffrance et politisation : de la vie ordinaire à la théorie sociale ». Depuis novembre 2015, le laboratoire PREFics propose « un regard pluriel sur la problématique de la souffrance sociale ». La qualité des interventions ne se dément pas : le meilleur reste encore à venir.

 

Michaël Foessel RennesCe séminaire, organisé à Rennes 2 par Romain Huet, Alexandre Rouxel et Olivier Sarrouy, compose avec « un matériau sociologique tout à fait inédit » : un corpus retraçant les échanges entre des bénévoles d’une association de prévention contre le suicide et des individus en situation de souffrance. Ce méga-roman joycien de la souffrance représente plusieurs milliers de pages. Ces milliers de récits anonymes sont recueillis par des associations d’aide à distance utilisant la messagerie instantanée comme outil d’écoute. Le séminaire ne provient pas du département de psychologie de Rennes 2 mais bien des sciences de l’information et de la communication, dont les organisateurs font partie en tant que chercheurs. « Des analyses séminales de Durkheim sur le suicide jusqu’aux plus récentes réflexions d’Emmanuel Renault, de Guillaume Le Blanc, de Mickaël Foessel et de bien d’autres, la sociologie et la philosophie sociale n’ont eu de cesse de réaffirmer le caractère sociale de la souffrance – et de soustraire ainsi son savoir à l’autorité exclusive de la psychologie », nous dit la présentation. Ce projet interroge moins le contenu des messages que la relation entre l’écoutant et l’écouté, et finalement la signification et les modalités par lesquelles la souffrance se dit. Pour ce faire, les organisateurs ont invité philosophes et sociologues à s’emparer d’une partie de ce corpus et d’en parler et d’en débattre par rapport à leur propre champ de recherche.

Michaël Foessel Rennes

Vendredi, le philosophe Michaël Foessel s’est rendu à l’université Rennes 2 pour en parler. Ce spécialiste de Kant et de Paul Ricœur – qu’il citera d’ailleurs dans son intervention – a succédé à Alain Finkielkraut à la chaire de philosophie de Polytechnique. Sans être ultra-médiatique, Michaël Foessel est un philosophe que l’on peut entendre sur France Culture ou lire dans les pages de Libération. Il dirige notamment la collection « L’ordre philosophique » aux éditions du Seuil et participe à la revue Esprit. Il est l’auteur  entre autre d’Après la fin du monde : Critique de la raison apocalyptique et Le Temps de la consolation. Pour le séminaire, il a choisi de traiter une notion sur laquelle il travaille en ce moment : la reconnaissance. Pour lui, « l’énoncé de la souffrance » dénote « une exigence de reconnaissance ». C’est avec le « plaisir » du philosophe qu’il s’est emparé de ces « énoncés ». Il cite une phrase, prise au hasard : « Je suis une femme, donc frappée, mais ce n’est pas grave ». Les réponses des écoutants demeurent souvent normatives.

foesselMichaël Foessel propose de « remettre en cause cette consécution » (le « donc, frappée ») pour « inquiéter le sujet ». La relation des écoutés aux écoutants pose quelquefois problème : les derniers croient parfois, par exemple, que les seconds sont des robots. Intéresse aussi le philosophe la colère à l’œuvre parfois dans les énoncés, contre soi-même, le réel ou l’écoutant. En citant les « banques de colère » – une notion de Peter Sloterdijk pour désigner, par exemple, les églises ou les partis politiques révolutionnaires – il éclaire ce corpus. Selon lui, comme « le loup hurlant à la lune », comme le cri, les larmes ou le silence, ces énoncés de la souffrance sont une contestation de l’ordre établi et donc, feraient partie du champ politique.

Les questions, à la fin de l’intervention, suggèrent toute l’ampleur critique de l’objet porté par le corpus. Au centre s’agrègent les problématiques du psychologique, de la gouvernementalité, des dispositifs techniques. Au-delà, c’est aussi à une certaine vision des sciences de l’information et de la communication que ce séminaire appelle. Le 25 mars, Anselm Jappe viendra parler du corpus et de l’objet du séminaire : l’auteur de Crédit à mort, théoricien de la « nouvelle critique de la valeur », est aussi un spécialiste de Guy Debord. Suivront Erik Bordeleau, le 1 avril, Bernard Aspe le 29 avril et Guillaume Le Blanc le 13 mai. Avec des initiatives comme ce séminaire, Rennes porte véritablement son titre de ville universitaire.

Pour en savoir plus sur le séminaire

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