Mircea Eliade, par-delà le temps !

Mircea Eliade nous a quittés il y a un quart de siècle. Mais, à vrai dire, le célèbre historien des religions et romancier adepte du réalisme magique s’est toujours joué du temps à travers ses voyages dans la profondeur. Eliade, la Mémoire, l’exil et le sacré…

Mircea Eliade, Hervé Colombet, religions, réalisme magique, borgès, Dumézil, homo religiosus, Le Sacré et le profane, symbole, axis mundi, Eranos, jung, Ascona,Né à Bucarest le 9 mars 1907 et décédé le 22 avril 1986 à Chicago où il enseignait, Mircea Eliade part à l’âge de 21 ans pour un  séjour fondateur de trois ans en Inde. Il étudie le sanscrit à Calcutta et fréquente les ermitages himalayens. À son retour, il continue ses études de philosophie et sa thèse portera sur le Yoga. Son engagement de jeunesse proche de la Garde de Fer lui vaudra par la suite maints anathèmes. En 1940, il est attaché culturel diplomatique à Londres puis à Lisbonne. En 1945, à l’invitation bienvenue de Georges Dumézil, il donne des cours à l’École Pratique des Hautes Études, publie son Traité d’histoire des religions, Technique du yoga, le Mythe de l’éternel retour (1949)… Son immense savoir éclate au grand jour et il se voit reconnu en devenant en 1957 directeur du département d’histoire des religions à l’Université de Chicago où il dirige 1500 chercheurs et universitaires pour la somme monumentale en seize volumes de l’Encyclopédie des religions. Il ne cessera alors de voyager, une dizaine d’universités le feront docteur Honoris Causa, et de participer à de multiples congrès et aussi aux fameuses rencontres d’Eranos à Ascona fondées par Jung,

Véritable écrivain, ses vingt romans ou recueils de nouvelles en témoignent, il n’en demeure pas moins ce savant qui en quarante ouvrages (son plus célèbre est Le Sacré et le profane paru en 1956) renouvela en profondeur l’anthropologie, l’épistémologie et l’histoire des religions. Il montre la cohérence de la structure métaphysique des cultures dites archaïques, les racines profondes du folklore et des traditions populaires, l’importance du symbolique dans les sociétés. Il pointe la pérennité du sacré comme élément essentiel de la condition humaine, la permanence de l’homo religiosus et de l’expérience religieuse à travers mille manifestations. Au carrefour des archétypes, des mythes, des méthodes ascétiques, Mircea Eliade a ainsi créé une « anthropologie des profondeurs » parallèle aux travaux de Jung sur le plan psychologique.

De la Roumanie à l’Inde, du chamanisme au tantrisme, du temps cyclique à l’axis mundi… Eliade, partout et peut-être nulle part,  « étranger à moi-même et alors pleinement heureux » aimait-il à dire !

Hervé Colombet

 

Pour découvrir ou retrouver le visage-grimoire et les paroles de Mircea Éliade, visionnez son portrait filmé peu avant sa mort, La Redécouverte du sacré (1987. 58 minutes), par Paul Barba-Négra. Disponible sur le site de l’INA (institut national de l’audiovisuel).

On peut aussi se procurer le DVD de L’Homme sans âge, un film datant de novembre 2007 de Francis Ford Coppola. Avec Tim Roth, Bruno Ganz, Alexandra Maria Lara. Durée : 2 h05. C’est grâce à une de ses amies, professeur à l’université de Chicago et qui dirige actuellement la chaire Mircea Eliade, que Coppola découvre le romancier roumain et décide de mettre en images Le Temps centenaire, une nouvelle rééditée récemment chez Folio Gallimard. « La conscience humaine me semblait être une des dernières frontières à laquelle le cinéma puisse se confronter. » Un vieux professeur de linguistique, Dominic Matei, frappé par la foudre se voit rajeunir et doté de remarquables facultés. Comme nous sommes en 1938, les Nazis vont bientôt partir en chasse de l’homme «  nouveau » et de sa quête de l’origine du langage.  L’exil et le changement d’identité le sauveront.  Quelques détours par l’Inde et un amour de jeunesse retrouvé  font aussi de ce film «  une fable, une parabole qui nous permet de nous interroger sur le réel». Coppola qui a tourné ce film en Roumanie a signé là une belle interprétation du « réalisme magique » cher à Borges et Éliade.

 

Article précédentRentrée littéraire > Le Sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari est drôle mais maladroit
Article suivantLa dernière lettre de Mircea Eliade à Stefan J. Fay

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici