BYNATH, cette nouvelle marque vegan et éthique de vêtements pour hommes et pour femmes a fleuri à Rennes en 2017. Avec des messages forts, du coton bio et des convictions honorables, la créatrice Nathalie Le Mérour tente de démocratiser la mode végane et de sensibiliser aux conséquences de nos choix de consommation. Entretien.
Unidivers – Un mois d’immersion dans un refuge d’animaux aux États-Unis (2015) a été l’élément déclencheur du projet BYNATH. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Nathalie Le Mérour – Quand j’ai commencé ce bénévolat, je travaillais encore en tant que chef de projet dans le secteur privé. Je vivais mon véganisme à titre personnel, mais j’avais envie de m’investir davantage. J’avais envie de sortir de mon petit confort et de me rendre utile.
Pendant un mois, nous avons été isolés en pleine nature et ne sortions qu’une fois par semaine pour les courses. On s’occupait des animaux et d’autres tâches relatives au travail à la ferme. C’était un mois incroyable. Cette organisation possède plusieurs sanctuaires aux États-Unis. Ils adoptent tous les animaux de ferme dans le but de sensibiliser à leur cause. Certains ont été maltraités, d’autres étaient malades ou ont été abandonnés… Chacun a sa propre histoire, on ne peut rester insensible face à ce qu’ils subissent avec l’exploitation. Ce voyage m’a enrichi autant d’un point de vue professionnel que personnel. Être loin de sa famille et de son compagnon, libérée du quotidien du travail et de toute charge mentale fait réfléchir. J’aimais beaucoup mon travail, mais je n’arrivais pas à y développer une visée humanitaire.
Avant de fonder BYNATH, je me suis demandée comment créer un emploi en adéquation avec mes idées.
Unidivers – Pourquoi la mode en particulier ?
Nathalie Le Mérour – Petite, j’étais déjà obsédée par la mode. Ma chambre était décorée de posters de Jean-Paul Gaultier, je portais des robes de princesse et ma mère était couturière.
Je suis sensible au vêtement depuis toujours. Il représente ma personnalité et mon humeur.
La mode éthique est une démarche fabuleuse et la question de l’éthique de BYNATH ne s’est pas posée. Quand on crée une marque de vêtements, deux choix s’offrent à vous : faire du polluant ou essayer de sensibiliser à une mode éco-responsable.
Unidivers – Vous vous occupez essentiellement des messages sur les pièces BYNATH, tous les vêtements sont importés par un fournisseur. Comment vous procurez-vous cette matière première ?
Nathalie Le Mérour – Comme je n’ai pas de formation de stylisme, je me suis demandée s’il valait mieux partir de zéro ou créer une marque avec les moyens du bord qui correspondent à mes exigences. BYNATH pourra évoluer, mais il s’agissait surtout de l’envie de faire naître un projet créatif rapidement et tester le marché. Les clients ont également la sécurité que le vêtement ne se déforme pas après le lavage.
Mon fournisseur s’appelle Stanley/Stella (Bangladesh), beaucoup de créateurs font appel à eux, car ils suivent une charte écologique et humaine. Ils se développent beaucoup, mais restent une entreprise à taille humaine. Ils soutiennent la cause vegan et mettent en avant les initiatives mises en place.
Unidivers – Qu’en est-il des impressions textiles ?
Nathalie Le Mérour – Je travaille avec l’entreprise locale Ker Crea (Thorigné-Fouillard). Il est équipementier sportif à l’origine et imprime sur les justaucorps et maillots de foot. Collaborer avec un auto-entrepreneur rennais est agréable, on s’entend très bien. Il me conseille sur les différentes techniques d’impression, les matières, et au moindre souci, je suis à côté.
Unidivers – Antispéciste, captive no more, vegan, etc. Vos visuels sont engagés et s’affichent comme des slogans. Comment pensez-vous vos collections ?
Nathalie Le Mérour – Le mot ” collection ” peut être trompeur, je ne cherche pas à m’inscrire dans une démarche d’hyper production avec une nouveauté toutes les semaines. On est sans cesse surchargé d’informations et j’aimerais que BYNATH sensibilise et permette de mieux consommer. La question du budget n’est pas négligeable non plus. Mes ventes ne me permettent pas d’en vivre, donc actuellement je fais en sorte que mon entreprise survive.
Selon moi, la création ne se commande pas. Je sors un nouveau visuel quand j’ai un message à faire passer et une envie aussi.
Je reçois plusieurs demandes client.e.s et j’ai quelques messages en tête… sortir un visuel me titille en ce moment. Quand c’est comme ça, je vais voir ce que propose Stanley/Stella… J’opte pour des couleurs intemporelles qui conviennent à toutes les saisons et les messages viennent d’inspirations très diverses : l’art, la musique, le cinéma, ce que je vois dans la rue, Instagram, etc. J’ai visualisé le mot vegan dans ma tête par exemple, ça m’est juste apparu (rires). Ce message est assumé, mais délicat à exprimer. C’est un mode de vie que j’assume complètement, mais certains client.e.s peuvent être embêtés à l’idée de l’afficher de la sorte.
J’aimerai sortir un pull de Noël cette année avec un message sympa, pas dans le style « Pas de sang à ma table à Noël » (rires). L’idée n’est pas d’attaquer. Pourquoi pas un cliché par rapport à une chanson ?
Unidivers – Pourquoi le pull « vegan » interpelle et interroge selon vous ?
Nathalie Le Mérour – Ce n’est pas tant la réception qui dérange le porteur du vêtement. Ils hésitent, car le cliché d’une personne qui mange des graines persiste dans les mentalités… Venir avec un sweat « vegan » passe parfois pour de la provocation. Moi-même je ne le porte pas dans certains lieux pour ne pas être embêtée avec des questions ou remarques désobligeantes.
Certains client.e.s sont en passe de devenir vegan et n’ose pas le porter. Porter un vêtement avec l’inscription vegan revient à porter un badge et à être catalogué. Mais des copines le portent alors qu’elles mangent de la viande… Elles le trouvent cool et dissocie le message de qui elles sont. Ce n’est pas leur cause, mais elles la respectent. De la même manière que l’on peut soutenir et défendre la cause LGBT sans être homosexuel.le.
Les valeurs vegan touchent tellement à la personnalité que certains n’ont pas envie de l’afficher, ce que je respecte totalement d’ailleurs. Je veux juste ouvrir la parole et encourager les gens à promouvoir qui ils sont et ne pas s’en cacher, car on devrait en être fier justement.
Unidivers – Nombre de créateurs Haute Couture ont proscrit la fourrure et cette année, les collections automne-hiver 2019/2020 privilégient la fausse fourrure. Le fait que la mode s’empare de cet engagement peut-il aider à la sensibilisation ?
Nathalie Le Mérour – La mode se transforme, car la demande des consommateurs évolue. C’est plutôt positif qu’ils répondent à l’appel, autant dans l’industrie de la mode que dans l’alimentaire. Les produits vegan se développent et savoir que moins d’animaux sont torturés pour la mode est un grand pas. On peut être chic et montrer des signes de richesse sans porter de fourrure ou du cuir…
C’est un schéma de pensée à changer, mais le dairy free définit peut être justement le nouveau chic.
Un manteau en fausse fourrure n’est pas forcément cheap. Je suis des marques sur Instagram qui ne se sont pas accessibles à tous. C’est pour cette raison que j’essaie d’avoir des tarifs accessibles. 30 € pour un tee-shirt peut paraître excessif pour certains, mais pas autant que des marques comme Nike ou Super Dry. Sauf que BYNATH est une petite entreprise locale qui utilise du tissu bio et qui reverse une partie des bénéfices à un refuge pour animaux.
Unidivers – 1€ est en effet reversé à chaque article vendu. Pouvez-vous nous parler de l’association La Ferme des rescapés ?
Nathalie Le Mérour – Après mon séjour aux États-Unis, j’ai cherché un refuge semblable en France et j’ai découvert La Ferme des rescapés (46, Rocamadour, Lot). Le contact n’a pas été facile au début, les deux personnes en charge du refuge m’ont un peu testée. C’est compréhensible, beaucoup veulent faire du bénévolat à la ferme, mais la réalité du travail est autre. Il ne faut pas se leurrer, les animaux vivent, sentent, etc. Je savais à quoi m’attendre.
Après une semaine passée là-bas, une relation de confiance s’est créée et je me suis engagée à reverser une somme une fois BYNATH créée. Le montant dépend des ventes et le but n’est pas de me mettre en danger au profit d’une association, mais c’est un engagement de la marque envers elle. Ce n’est qu’une trentaine d’euros par mois, mais j’essaie de donner du sens et de faire ma part.
Dans l’idée, et sur du long terme, j’aimerais m’engager sur des projets concrets comme la reconstruction du chenil, le sauvetage d’animaux, etc.
Unidivers – En plus des tissus labellisés GOTS, la marque BYNATH détient la certification PETA APPROVED (« People for the Ethical Treatment of Animals », Personnes pour le Traitement Éthique des Animaux).
Nathalie le Mérour – Cette organisation américaine défend l’éthique pour les animaux. Ils réalisent diverses campagnes et soutiennent les marques éthiques et vegans qui veulent se lancer. La certification PETA APPROVED assure aux consommateurs certaines valeurs. L’organisation est sujette à certains débats, mais qu’on les aime ou non, ils sont présents et actifs.
Unidivers – Comment a été reçue la marque à ses débuts ? Pensez-vous que BYNATH peut s’inscrire durablement dans le dressing d’hommes et de femmes ?
Nathalie Le Mérour – La campagne de financement participatif pour le lancement de la marque a atteint l’objectif des 100 pièces. Cela montre qu’il y a une demande de la part des consommateurs.
De marque de vêtement vegan, BYNATH est passée marque vegan de vêtement. la marque est forte de son message, de son engagement, Le vêtement est le produit de cette marque et de la communauté.
La marque a été bien reçue, mais beaucoup de sensibilisation est à faire autour de la définition du mot vegan. Il peut être rédhibitoire pour certaines boutiques. Elles refusent et précisent qu’elles ne font pas de vegan, mais elles n’ont juste pas de marque vegan.
J’ai l’impression qu’il est plus facile de vendre quand le message est moins visible. C’est dommage. Ce n’est que mon avis, mais chaque achat que je fais ou ne fais pas est un acte militant afin de mieux consommer. Je ne veux pas faire de compromis sur l’aspect vegan ou édulcorer le message pour toucher plus de monde. Je préfère que ma marque dure moins longtemps qu’une autre, mais soit restée droite dans ses bottes plutôt que renier mon identité.
Je ne prétends pas pouvoir habiller une personne des pieds à la tête, mais si elle veut s’habiller avec une marque locale aux valeurs proches des siennes, qui se bat pour ce qu’elle croit juste, elle peut trouver une pièce qui lui plaît.
Unidivers – Je vous remercie Nathalie Le Mérour.
Retrouvez Nathalie Le Mérour et la marque vegan de mode BYNATH à la Vegan place de Rennes, place Hoche, samedi 12 octobre 2019 – De 11 h à 19 h.
et au Marché éthique d’Hiver, avec l’association La Tête Allant Vert, à Plélan-Le-Petit, les 23 et 24 novembre 2019.