L’œuvre de Kamel Khélif demeure largement méconnue en France, sans doute à cause de sa singularité́. Elle est à l’image de Monozande, à la fois artistique, littéraire et mémorielle, toute entière vouée à l’observation du monde, à l’empathie.
En 2014, dans le cadre de l’exposition Conflict, Time, Photography à la Tate Modern de Londres, le photographe Jim Goldberg propose une carte blanche à Kamel Khélif, qui décide alors de transmettre l’histoire de N’Diho Monozande. En 2008, cet homme avait vu au Congo son épouse et leurs huit enfants assassinés par un groupe armé. Lui-même fut laissé pour mort après avoir reçu un coup de machette. Les peintures et le texte que l’artiste lui a dédiés n’avaient jamais été publiés depuis.
L’auteur Kamel Khélif
Né à Alger le 25 décembre 1959, Kamel Khélif débarque avec sa famille à Marseille en 1964. Après avoir passé deux années dans une baraque, les parents et les sept enfants se voient relo- gés dans un appartement de 36 m2, dans ce qu’on appelle alors une cité de transit, au nord de la ville. Kamel Khélif va y vivre jusqu’à ses 28 ans. Attiré dès son enfance par le dessin, il apprend néanmoins les métiers de mécanicien-tourneur puis de dessinateur industriel tout en découvrant, au hasard de ses recherches personnelles, des œuvres comme la correspondance de Van Gogh ou encore les Lettres à un jeune poète de Rilke. Parvenu à l’âge adulte, il travaille en tant qu’animateur auprès des jeunes des quartiers Nord de Marseille jusqu’en 1990. C’est à cette date qu’il décide de se dédier pleinement au dessin et à la peinture et de s’installer dans le vieux centre de Marseille. Depuis plus de trente ans désormais, Kamel Khélif peint et écrit ainsi chaque jour dans un atelier sous les toits, qui est aussi son domicile.
Rapidement, son parcours attire l’attention. Le dessinateur Edmond Baudoin témoigne dès le début des années 1990 de leur rencontre dans un livre (La Mort du peintre, rééditée en 2005 aux éditions Six pieds sous terre). L’écrivain et psychanalyste Nabile Farès (1940-2016) se lie aussi d’amitié avec lui. Ensemble, ils produiront quatre livres, dont le dernier, La Jeune Femme et la Mort, fut publié par les éditions Rackham en 2010. En 2014, l’artiste et photographe Jim Goldberg l’associe à une exposition à la Tate Modern de Londres pour présenter les planches réalisées sur N’Diho Monozande.
Khélif demeure largement méconnue en France, sans doute à cause de sa singularité. Elle est à l’image de Monozande, à la fois artistique, littéraire et mémorielle, tout entière vouée à l’observation du monde, à l’empathie. D’Homicide (avec Amine Medjdoub, Z’éditions, 1995) au Temps des crocodiles (avec Mathieu Belezi, Le Tripode, 2024), elle invoque comme aucune autre notre rapport à l’autre, à la culture, à l’exil. Portée par une expérience sans repos et des techniques artistiques inhabituelles, elle demeure marginale dans ses fondations. Construite sous des formes expérimentales, au croisement de la bande dessinée et de la peinture, cette œuvre offre d’un livre à l’autre une narration qui se déploie entre les mots et les images, la poésie et l’essai, la sensation et la méditation, la mémoire et le questionnement.
Monozande
Récit graphique
48 pages
Tripode
Prix: 13,90 €
Parution: 5 septembre 2024
Rencontrez Kamel Khélif à Port Brigneau :