Jocelyn Cottencin proposait le 27 novembre, au Garage du Musée de la danse, une première représentation de Monumental en guise d’ouverture publique de sa résidence. L’œuvre a deux formats : le film et la représentation scénique. Un décloisonnement de la danse.
Monumental a pour cadre des baguettes de bois peintes d’environ 3 mètres. Elles dessinent au sol et de biais un rectangle. Autour de ce rectangle des vêtements de toutes natures (blousons, chemises, T shirts, pantalon, jupes, bonnets, chapeaux, chaussures, etc) disposés par couleurs (monochromes et vives) ainsi que douze danseurs déjà bizarrement accoutrés. Ils se changent au gré de leur inspiration, investissant dans un premier temps la périphérie de la scène sur une musique pop rock.
La musique cesse. Les danseurs forment un cercle au centre du rectangle et après un bref temps quasi de recueillement commencent un enchaînement de figures qu’ils nomment pendant, avant ou après leur réalisation.
Comme le précise Jocelyn Cottencin, le travail préparatoire au spectacle s’est construit autour de la question du monument. Qu’est-ce qui fait monument ? Une enquête a été menée dans les trois villes commanditaires de la pièce ( Caen, Calais et Sainsbury ) avec des historiens et une collecte d’oeuvres1 a été effectuée, basée sur la statuaire, le monument, l’architecture, les oeuvres contemporaines.
La réinterprétation des monuments est étudiée autour de quatre axes de travail afin qu’émerge l’endroit de circulation, de brassage et de partage de l’imaginaire des signifiants. Le récit contenu dans chaque œuvre, la forme de celle-ci ainsi que son environnement, le visage, la figure et l’architecture.
Bien qu’ayant un parcours important avec la danse ( j’ai fait beaucoup de scénographie pour Loïc Touzé et Emmanuelle Huynh) ma profession n’est pas chorégraphe et il m’a fallu éviter leur schéma. Lors du premier jour de rencontre avec les danseurs, la toute première chose a été de s’échauffer ensemble2 et ensuite garder un esprit ludique a été très important.
Mais il m’a aussi fallu sortir Monumental du champs de la performance pour l’inscrire dans celui de la danse. Ainsi le public est face à la scène et non pas autour comme s’est souvent le cas pour une performance.
Nous avons travaillé avec les danseurs sur la manière de rentrer sur scène et accentué la périphérie. Elle est ambivalente avec le cadre et renseigne presque autant que celui-ci qui devient quasi central. La musique du début du spectacle permet de contrer l’idée d’une entrée perfomative et je nomme les gens au début de la pièce pour introduire la notion de récit et détourner l’anonymat.
Nous avons défini ensemble des biotopes à partir d’éléments caractéristiques des œuvres qui nous ont inspirés. Par exemple pour le Du Guesclin nous retenons la chevauchée, la monstruosité, l’idée de camouflage, de la guérilla. Nous convoquons les images de l’histoire de l’art et jouons avec. Le réengagement systématique nous permet de ne pas être dans le refaire, de ne pas fixer les images, le projet.
La dynamique réside en une tension permanente entre des oppositions sémiotiques et corporelles. Monumental danse le monument, la statue, le bâtiment, le patrimoine. Ils sont immobiles, composés de matériaux froids (parfois un seul matériau), monochromes ou dans des teintes proches. Ils suivent des règles de construction précises et sont généralement destinés à la plus grande longévité.
Une sémiotique représentée par des êtres vivants continuellement en mouvement changeant constamment de costumes aux couleurs vives et contrastées détournés à loisir de leur fonction initiale : le blouson est porté comme un pantalon, les chaussettes deviennent de longs gants, etc. Les baguettes de bois qui dessinaient le cadre sont utilisées comme accessoires pour réaliser un étendard, permettre à un pull oiseau de voler au-dessus des danseurs, etc. Ce cadre est bientôt totalement désagrégé ; ce sont les danseurs qui délimitent désormais le cadre disparu. Ces danseurs dont la contribution, la créativité sont remarquables. La force collective est palpable et autorise une interprétation des œuvres sources qui supplante le figuratif pour emmener le public vers une exploration sensible du ressenti face au monument, décrispe le temps.
Jocelyn Cottencin dit de Monumental que c’est son histoire de la danse.
Le film sera prochainement visible au Nouveau festival du Centre national d’art et de culture Geoges-Pompidou.
1 Les couleurs des baguettes et des vêtements viennent des œuvres sources.
2 Traditionnellement, lors des répétitions pour un spectacle de danse contemporaine, chaque danseur s’est échauffé avant le début du travail avec le chorégraphe.
conception : Jocelyn Cottencin
danseurs : Katerina Andreou, Yaïr Barelli, Nuno Bizarro, Bryan Campbell, Ondine Cloez, Volmir Cordeiro, Matthieu Doze, Madeleine Fournier, Yves-Noël Genod, Carole Perdereau, Mickael Phelippeau, Agnieszka Ryszkiewicz
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