Larmor Baden est une commune privilégiée, nichée au cœur du golfe du Morbihan, qui donne accès à de véritables trésors bretons. Parmi eux, l’île Berder. La propriété privée, espace remarquable entouré par l’eau à marée haute, est néanmoins accessible aux promeneurs à marée basse…
À marée descendante, il est un spectacle à Larmor Baden en tout point joli dont la région Bretagne a le secret. Quand l’eau se retire, un pont émerge et l’île Berder à marée haute devient alors une presqu’île rattachée à la commune de moins de 900 habitants… Le passage ouvre un chemin en direction d’un univers naturel très fréquenté en haute saison, mais néanmoins calme et apaisant où il fait bon se balader ou se poser pour admirer la beauté du paysage breton. Au gré de la promenade, les pierres et la nature foisonnante racontent une histoire, plusieurs même puisque l’île a vécu au fil de ses propriétaires successifs.
Avant de devenir la propriété du groupe Giboire et l’ère Dillon-Uzès – à la fin du XIXe siècle -, l’île Berder abritait une exploitation agricole. Mais les vestiges de deux dolmens attestent aussi la fréquentation du lieu par des hommes du Néolithique.
En 1879, Berder devint la propriété du comte Arthur Dillon, à l’origine des principaux édifices encore visibles sur la petite île de 23 ha. De l’extérieur, on aperçoit le manoir autrefois entouré d’un jardin de 10 hectares aux essences tropicales. L’histoire du comte raconte en quelque sorte celle de l’île puisque, dès 1881, l’homme renoue avec le général Boulanger, ex-camarade de Saint-Cyr. Dillon sera l’intendant du Boulangisme, épisode de la vie de la IIIe République. Entre 1886 et 1889, ce mouvement politique réunit un grand nombre d’opposants au régime. Il fit passer l’idéal patriotique d’une gauche jacobine à une droite nationaliste. C’est à cette période qu’il rencontre la duchesse d’Uzès, financière du parti et future propriétaire de l’île, sans qu’il le sache encore…
Sur l’île, la forêt cache en son sein la chapelle édifiée en 1885 pour le mariage de son fils en 1885 et dans laquelle le comte fut enterré avec sa femme. Le long de sentier côtier gisent des bateaux de pêche en décomposition et, au loin, les ruines de la tour construite en 1900. Cette dernière s’est écroulée en 2021 en raison de sa vétusté.
Berder sera vendue à la duchesse en 1920. Condamné par la Haute-Cour en 1889 à la déportation en enceinte fortifiée, Arthur Dillon attendra son amnistie en 1895 pour vivre définitivement sur son ilôt mais l’homme, ruiné, sera obligé de céder l’île à sa richissime amie. Cette dernière lui en laissa cependant la jouissance jusqu’à sa mort en 1922.
En 1927, les Oblats de Marie l’Immaculée deviennent propriétaires, puis c’est au tour des Petites sœurs de saint François d’Assise dix ans plus tard, et ce jusqu’en 1991. Longtemps louée à une association spécialisée dans le tourisme social, l’île fut un temps à la SIMYR (Société Immobilière Yves Rocher) avant d’être vendue à Giboire en 2016.
Le groupe immobilier souhaitait construire un hôtel de luxe, mais le projet agita la ville de Larmor Baden et divisa les habitants : d’un côté, les pro-Giboire qui pensaient aux retombées économiques ; de l’autre, ceux qui souhaitaient conserver le site public. Le projet controversé est finalement abandonné en juillet 2021, après une décision du tribunal administratif de Rennes d’annuler partiellement le Plan local d’urbanisme (PLU).
En novembre de la même année, le collectif Berder ensemble a demandé à l’actuel propriétaire la vente de l’île à une collectivité dans le but de la rendre publique et de sauver son patrimoine, mais Giboire refusa. Le 30 juin 2023, la cour d’appel de Nantes a contraint la préfecture du Morbihan à infliger une amende au propriétaire de l’île Berder pour l’utilisation des bâtiments « à des fins privées ». L’histoire n’a pas encore de point final, mais la petite île paradisiaque est toujours accessible.
En 2024, le collectif reste toujours aussi mobilisé pour que l’île redevienne publique. Après plusieurs refus de David Lappartient, président du Conseil Départemental du Morbihan, l’association lui a adressé une lettre ouverte fin avril.
Pour visiter l’île Berder, les promeneurs sont invités à consulter les horaires de marées affichés sur le panneau à l’entrée du passage submersible, pour éviter de rester coincés plusieurs heures sur l’île inhabitée, jusqu’à la marée descendante.
À marée montante, le pont est submergé par un courant d’eau violent, le courant de la Jument, deuxième courant le plus fort d’Europe qui peut atteindre près de 9 nœuds. Et le sol devient glissant à cause des algues. Plusieurs noyades ont eu lieu, il est demandé aux promeneurs de rester vigilants et de ne pas tenter de passer à la dernière minute.