Naïri Nahapétian > Dernier refrain à Ispahan

Interdit de montrer ses cheveux. Interdit de s’habiller sans respecter l’uniforme islamique. Et interdit de chanter en public. Les ayatollahs ne manquent pas d’idées quand il s’agit d’entraver la liberté des femmes. Pourtant, lorsque la grande chanteuse Roxana revient dans la ville de son enfance, après un long exil aux États-Unis, certains de ses airs résonnent encore dans les taxis d’Ispahan. Son projet ? Donner un concert dans lequel se produiront d’autres femmes. Un projet qui ne verra jamais le jour, car Roxana sera définitivement réduite au silence. Et elle ne sera pas la seule à subir ce sort… C’est justement à ce moment-là que Narek, un jeune journaliste franco-iranien venu prendre le pouls de la révolte de 2009, rejoint la ville. Cette enquête lui permettra encore une fois de découvrir une facette insoupçonnée de la réalité iranienne.

Roxana est une chanteuse iranienne exilée après la chute du Shah et qui revient à Ispahan, sa ville natale pour un concert clandestin. Elle est assassinée et le lendemain une autre chanteuse est retrouvée morte, avec chacune des tulipes en soie sur le corps, symbole des martyrs de la révolution. Mona, l’amie d’enfance de Roxana s’interroge sur le mobile de ces meurtres.

Dès lors, le lecteur est plongé au cœur de l’actualité. Avec toutes les turbulences propres à la zone géographique où se déroule l’action de ce roman. Et dans l’Iran post-révolutionnaire, rien n’a changé en profondeur. Pire, la liberté accordée aux femmes a régressé.

Voilà une étonnante plongée dans les paradoxes d’un pays où coutumes ancestrales se mêlent aux goûts occidentaux, où la liberté est autant prônée que son contraire. Une atmosphère complexe et contradictoire favorables aux secrets et aux espoirs (souvent déçus).

L’histoire est habilement construite. Le propos est intéressant. Le lecteur appréciera de déambuler dans la ville en accompagnant la résolution de l’enquête. L’écriture sans artifice est très accessible.

Un livre à lire, agréable, intéressant et sans prétention.

Lorsque son amie lui proposa un rendez-vous peu après minuit, Roxana n’hésita pas à la rejoindre. Cela faisait vingt-quatre heures déjà qu’elle était sans nouvelles   d’elle, et le message, laconique, laissait entendre que Shadi avait besoin d’aide. Roxana enfila une robe, revêtit son imperméable, le foulard de rigueur, et se glissa hors de sa chambre. Elle guetta un instant les bruits de la maison endormie, puis descendit les escaliers. Au volant de sa Porsche, elle fonça jusqu’à l’impasse du vieux théâtre, où elle découvrit le flanc défoncé du bâtiment. Un lampadaire désaxé éclairait le portail en bois, barré d’une planche cloutée. Les cartons qui, jusque-là, recouvraient les fenêtres gisaient au pied des colonnes, et l’un des murs n’était plus qu’un monceau de gravats. Quant à Shadi, elle ne se trouvait pas dans l’allée. Roxana fit quelques pas devant le théâtre avant de partir à sa recherche. Pensaient-ils la réduire ainsi au silence ? se demanda-t-elle en longeant les décombres. Ne savaient-ils pas qui elle était ? Roxana, l’une des plus belles voix d’Orient ! Ses chansons avaient fait le tour du monde, ses concerts attiraient des millions de personnes. Alors qu’elle venait d’avoir vingt ans, elle avait été reçue par le Shah, avant de dîner à la table de la reine.

David

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Liana Levi, coll. Policiers, fév. 2012, 224 p., 15,30 €

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