Imagine dans ta tête des monstres et des perroquets aussi… est le nom de la première exposition en solo de Sophie Morille, ayant lieu à la galerie Le Rayon Vert. À l’image de son titre fantasque, l’exposition nous emmène dans un univers où humain et plantes se confondent, où les forces de la nature exaltent leurs puissances poétiques… Un monde coloré, inquiétant et sensible à découvrir jusqu’au 9 octobre 2022.
Monstres et perroquets, perroquets et monstres… Dès le départ, le titre de l’exposition nous invite au jeu des polarités entre attraction et répulsion, peur et bonheur, légèreté et profondeur. Les œuvres de Sophie Morille – sans pour autant être nombrilistes – sont en prise directe avec son vécu et les problèmes de santé qu’elle a connus. Les thèmes de la guérison, du doute et de la transmission y sont donc récurrents. L’artiste parle bien d’“ombre” et de “lumière” pour décrire sa production mais il faut moins y voir l’opposition rébarbative du “bien” et du “mal”, que celle de la reconstruction et de l’inconnu : cette partie de nous même qu’il nous reste à comprendre pour guérir.
Que ce soit à travers les matériaux qu’elle utilise ou les motifs qu’elle emploie, le lien à la nature est toujours présent dans le travail de la plasticienne. Situé dans un registre plus symbolique, sa série de gravures Noir et blanc imagine des têtes, des mains et des pieds humains d’où sortent des filaments fins comme le mycélium – la racine – d’un champignon. Une rêverie d’êtres hybrides moitié humain, moitié végétal, qui ouvre des passerelles entre les règnes du vivant à la manière des mythes antiques et œuvres de science-fiction. Cette métamorphose, purement poétique, étend le corps mais le libère aussi, le faisant renaître sous une forme nouvelle et monstrueuse ! Qui sait si ces chimères plongent leurs racines dans le sol pour se ressourcer ?
« Les thématiques que j’ai réalisées en partant d’expériences personnelles touchent, au final, à l’universel. »
Bien que Sophie Morille pratique tant le volume que la tenture, cette dernière reste sa technique fétiche. Une alchimie réjouissante qui convoque quasiment tous les ingrédients de la nature. Le travail de la couleur est un jeu entre les bons pigments et les mordants – des sels métalliques comme l’alun ou le sulfate de fer – qui viennent fixer la couleur, l’altérer et permettre de tracer des motifs. Si la majorité des plantes en France permettent de produire du jaune comme le sophora, la gaude ou la camomille, le choix est beaucoup plus restreint pour le violet qui se fabrique à partir de cochenille ou d’un bois brésilien, le campêche. Les bleus constituent un monde complètement à part, extraits des indigotiers or le vert ne s’obtenant qu’en mélangeant le jaune à l’indigo, il est la couleur la plus compliquée à réaliser. Plus simple, le rouge provient de racine de garance. Quant au noir, on en tire de belles teintes à partir de sumac et de noix de galle. Un savoir-faire passionnant, trop vite relégué aux rayons des antiquités depuis l’avènement des colorants de synthèse en 1890.
Voilà maintenant dix-huit ans que Sophie Morille connait les arcanes de la tenture végétale mais à quoi bon garder tout sa maestria pour elle-même ? En plus d’intervenir dans l’enseignement secondaire comme ce fut le cas à Blain, elle organise des cours d’initiation à la tenture dans son propre atelier situé, non loin de Nantes, à La Montagne. Mis en place la plupart du temps le samedi matin sur trois à quatre heures, ces stages proposent diverses thématiques : “zéro déchet” pour apprendre à teindre avec ses restes de cuisine (fanes de carotte, peau et noyau d’avocat, pelures d’oignon…) ; “impression” pour travailler les motifs ; ou encore “parents-enfants” pour des activités plus familiales. Les techniques et recettes ainsi transmises sont à refaire chez soi pour que chaque participant soit réellement autonome.
Le lieu qui accueille Imagine dans ta tête des monstres et des perroquets aussi… n’est autre que la familière galerie associative de la butte Saint-Anne, Le Rayon Vert. Fondée il y a trente ans par l’artiste Cécile Nivet et ses amis, elle défendait, à l’origine, la peinture qui était dédaignée par les institutions dans les années quatre-vingt-dix. Aujourd’hui implantée dans l’ancienne cure de l’église Sainte-Anne, Le Rayon Vert a pour objectif de faire connaître les artistes locaux au plus grand nombre, d’où sa participation le week-end du 23 septembre à La Balade des Ateliers de Chantenay – Saint-Anne, où elle sera ouverte le dimanche de 11h à 17h. Si vous vous demandez encore pourquoi Le Rayon Vert s’appelle ainsi, voici pour terminer un court extrait du roman éponyme de Jules Verne, auquel la galerie fait directement allusion :
« Mais ce que Miss Campbell ne leur dit pas, c’est que précisément ce rayon vert se rapportait à une vieille légende, dont le sens intime lui avait échappé jusqu’alors. Légende inexpliquée entre tant d’autres, née au pays des England’s, et qui affirme ceci : c’est que ce rayon a pour vertu de faire ce que celui qui l’a vu ne peut plus se tromper dans les choses de sentiment, c’est que son apparition détruit illusion et mensonge, c’est que celui qui a été assez heureux pour l’apercevoir une fois, voit clair dans son cœur et dans celui des autres. »
INFORMATIONS PRATIQUES
Imagine dans ta tête des monstres et des perroquets aussi… est une exposition de Sophie Morille visible jusqu’au 9 octobre 2022, à la galerie nantaise Le Rayon Vert au 1 rue Sainte-Marthe. Ouvert du mercredi au samedi de 14h à 18h et le dimanche de 11h à 13h.
Tél: 02 40 71 88 27