En 56 avant notre ère, une flotte de galères romaines commandée par Decimus Brutus a vaincu les lourds navires vénètes très probablement en baie de Quiberon. Des centaines de bateaux se sont affrontés. De ces navires vénètes, on ne connaît que ce que Jules César en a écrit dans la Guerre des Gaules (De Bello Gallico). Cette page d’Histoire de la Bretagne a souvent été oubliée au profit d’une celtitude aujourd’hui discutée. Cette occultation de la Vénétie d’Armorique est-elle en train de se terminer ? Par exemple, au printemps dernier, la commune de Locmariaquer a inauguré un monument à la mémoire des Vénètes. Des conférences sur les Vénètes se multiplient dans les associations du Morbihan et des publications sont en cours. Qui étaient ces Vénètes ? D’où venaient-ils ? Quels étaient leurs navires ? Ont-ils été victimes d’un « génocide » lors de la conquête romaine ?
Les Vénètes venaient d’une migration depuis l’Asie mineure. Est-ce le même peuple que celui de Venise comme le suggérait l’invitation de Venise à la dernière Semaine du Golfe ? La linguistique et plus récemment la génétique semblent le prouver : une grave pathologie cardiaque (la DVDA) se retrouve en effet à Venise et dans le Morbihan. Cela ne veut pas dire qu’ils étaient des peuples frères : les Vénètes d’Italie ont combattu au côté des Romains et, plus tard, ceux du Morbihan ont combattu les Romains. Ont-ils été exterminés après la défaite de 56 ? Probablement non, car les Romains avaient intérêt à conserver le potentiel de cette riche Vénétie d’Armorique.
Une question non complètement résolue est celle de savoir comment étaient les bateaux vénètes. La seule source (indirecte) est la description de Jules César. Aucune épave (source directe) n’a été retrouvée malgré plusieurs campagnes d’exploration sous-marine en baie de Quiberon.
L’association Mor er Wenediz 56* s’est fixée comme objectif de construire une réplique navigante de 15 mètres. Une première étape a été une recherche en archéologie comparée sur les épaves explorées depuis environ 30 ans et considérées comme similaires (notamment celles de Blackfriars 1 trouvée à Londres, celle de Guernesey et quelques autres). Ces épaves ont toutes (sauf Guernesey) été retrouvées dans des fleuves côtiers ou des estuaires et donc classées comme fluvio-maritimes alors que les navires vénètes devaient, selon Jules César, être hauturiers.
Un travail est en cours (simulations sur ordinateur) pour voir les caractéristiques de navigabilité (plan de forme, angle d’envahissement…) différenciant ces épaves « fluviales » (notamment celle de Berteau II trouvée dans la Charente) des navires hauturiers comme les navires vénètes supposés. Dans le processus de restitution des navires antiques, la construction d’une maquette au dixième est une étape classique : celle du navire vénète est en cours d’achèvement après un an de travail.
Toutefois un consensus semble réunir les archéologues navals sur ce que devait être l’architecture du navire vénète : une construction en chêne (nombreux dans le Morbihan à ces époques), à franc bord, sur sole (fond plat et non une quille), avec des allonges actives fixées sur les varangues. Le gréément comportait une voile carrée, en cuir selon Jules César, et une chaîne de mouillage en fer, ce qui était très en avance sur son temps. Ceci correspondrait à une époque peu connue de l’évolution de l’architecture navale avec une construction qualifiée de « proto-membrure première », une sorte d’étape intermédiaire entre la construction « bordé premier » et la construction « membrure première ». Cette architecture se distingue nettement des navires scandinaves à clins et des navires méditerranéens.
Cela fait tout l’intérêt des recherches actuelles sur le navire vénète même si l’archéologie maritime du Ponant est moins développée que celle du Levant avec les nombreuses épaves de la mare nostrum des Romains et le dynamisme du centre Camille Jullian à l’université d’Aix-Marseille. Si la Vénétie d’Armorique a été bien étudiée sur terre, notamment avec le gros livre de l’archéologue Patrick Galliou**, son aspect maritime reste moins connu bien que certains n’aient pas hésité à parler de thalassocratie.
* créée en 2021 et déclarée d’intérêt public (Maison des Associations, 31 rue Guillaume Le Bartz, 56000-Vannes, bateau-venete@outlook.com)
** Les Vénètes d’Armorique, Coop Breizh 2017