Le phénomène des NDE (Near Death Experience), en français EMI (Expériences de Mort Imminente), fut découvert en France grâce à l’ouvrage de Raymond Moody « la vie après la vie » paru en 1977[1]. Cet ouvrage décrivait pour la première fois des témoignages de personnes ayant subi un état de mort clinique. Les témoins racontaient une expérience consciente mémorisée durant cette phase. L’apparition relativement récente de ce phénomène associé au grand nombre de témoignages collectés fut sans doute liée aux progrès des techniques de réanimation. Ces dernières permettent depuis une cinquantaine d’années de sauver de nombreuses personnes en état de mort clinique. L’analyse des témoignages mit en évidence une grande similitude dans leur contenu, quelque soit la culture et l’origine des témoins.
« Si l’invraisemblable arrive, c’est donc que l’invraisemblable est vraisemblable » (Aristote)
Pour des raisons évidentes, c’est le monde médical qui fut dès le début en première ligne pour rapporter ces informations. Par conséquent, depuis plus de 40 ans, ce sont des médecins et spécialistes de la santé qui étudient ce phénomène. En 2007, le Dr Jean-Pierre Jourdan publie un ouvrage[2] résumant 20 ans de recherches dans le domaine. Il propose une interprétation rationnelle et originale en terme d’espace-temps du contenu de ces expériences qui pourrait bien, de l’avis de certains, bouleverser l’idée que l’on se fait de l’univers. Cette avancée majeure sera traitée dans un article suivant. Ce présent article propose au préalable d’opérer une synthèse des données déjà collectées. Leur analyse renseigne sur le problème fondamental de la localisation de la conscience.
A. UNE MINE D’INFORMATIONS COHÉRENTES
Au préalable, il est nécessaire d’examiner le concept de « conscience » qui n’est pas ontologiquement clairement défini par la science. En effet, plusieurs termes existent qui tournent autour de ce dernier en incluant parfois des aspects irrationnels ou non-rationnels (comme les croyances religieuses).
Conscience — Esprit — Âme
Conscience
Même s’il n’y a pas consensus sur la définition du terme « conscience », chacun en fait en permanence l’expérience concrète ! Par défaut, on dira que la conscience est la faculté mentale d’appréhender de façon subjective les phénomènes extérieurs ou intérieurs et plus généralement sa propre existence.
Esprit
L’esprit est un concept proche de la conscience, cependant même si sa signification reste assez floue, cette dernière garde un sens métaphysique car elle laisse entendre une dualité entre la matière et la conscience : c’est l’approche dualiste. Cette dualité n’est pas encore admise en tant qu’hypothèse par la biologie car elle considère la conscience comme une propriété émergente de la matière (l’homme neuronal). Cette science n’admet donc à priori qu’une seule hypothèse appelée le monisme.
Âme
La notion d’âme quant à elle possède une connotation religieuse, ce qui interdit son emploi pour parler scientifiquement de notre sujet. Cependant, si on « laïcisait » ce terme, il comblerait le vide conceptuel laissé par la science quant à l’hypothèse dualiste, en considérant qu’il n’y a aucune raison pour que cette dernière ne puisse être prise en compte et le cas échéant démontrée.
Définition proposée
Puisqu’il n’y a pas consensus sur ces notions, nous allons conserver le terme « conscience » et choisir une définition proposée par J.P. Jourdan[2] qui présente l’avantage d’être ouverte et non restrictive : la conscience est ce qui permet de vivre, d’expérimenter et de mémoriser n’importe quel vécu.
Le contenu des témoignages NDE/EMI
Depuis les années 70, le corps médical a collecté des milliers de témoignages avérés qui racontent une expérience dont le scénario est toujours similaire. Ce dernier est constituée de 2 phases distinctes :
– Phase EHC : Expérience Hors du Corps localisée dans notre environnement familier
– Phase dite « transcendante » localisée « ailleurs »
Les 2 phases peuvent être reliées par ce que les témoins décrivent comme une chute dans un tunnel. Chaque témoignage peut cependant être partiel et ne comprendre qu’une ou plusieurs parties de l’ensemble.
Les conditions d’apparition d’une expérience de NDE sont de plusieurs natures :
— état de mort clinique (premiers témoignages)
— coma
— anesthésie
— autres (overdose, par exemple)
Le terme NDE est donc impropre, mais c’est celui-ci qui a été utilisé historiquement pour nommer ces phénomènes. L’expérience de NDE n’est bien entendu pas systématiquement relatée lors du passage dans l’un des états précédents, l’ordre de grandeur de la proportion de NDE mémorisée est de 15 à 20%.
La phase EHC
Dans cette phase, le témoin se retrouve soudain au voisinage de son corps physique, en général situé à une position qui semble être à la verticale de ce dernier comme « collé au plafond ». La particularité de ce qui est perçu vient du fait que la vision est « sphérique », le témoin voit « partout en même temps ». Il perçoit également les dialogues de la scène mais d’une manière qu’il qualifie lui même de « télépathique » et non par captation des ondes sonores. Le témoin peut se « déplacer » en « traversant » les obstacles (murs, portes). L’impression globale en terme de perception est de vivre une réalité bien plus réelle que celle que nous connaissons. L’un des témoins illustre cette différence avec le monde familier par une analogie entre une image VHS (320×200, 256 couleurs) et une image 3D visualisée sur un écran géant en mode Full HD (1920×1080 sur 32 bits) ! Le témoin n’est que spectateur des événements, il ne peut (sauf exception) communiquer avec les êtres humains du voisinage même s’il capte parfaitement ce qui se dit, en informatique on appellerait cela mode « lecture seule » (Read Only). Un point clé de ces témoignages est que le témoin effectue une acquisition d’informations objectives qui peuvent être ultérieurement vérifiées.
La phase transcendante
Le passage entre les 2 phases (quand il est mémorisé) est décrit comme une chute dans un tunnel sombre à la sortie irradie une lumière non éblouissante mais de très forte intensité. Arrivés à cette lumière, les témoins décrivent un contact avec une ou plusieurs présences dont certaines sont reconnues comme étant des personnes décédées. La lumière proprement dite semble être une entité particulière qui propose un choix au témoin : soit il retourne dans son corps pour « terminer sa mission sur terre », soit il poursuit sa route mais sans retour possible. On note donc l’existence d’un point limite ou de non-retour. Dans cette phase, le témoin a la possibilité de communiquer interactivement avec les entités rencontrées, il y a échange d’informations. Un dialogue peut donc s’instaurer entre le témoin et les personnes décédées qui sont en général des ascendants familiaux du témoin ou des personnes qui lui furent proches.
L’apparence de ces personnes (si ce terme reste adapté) est assez différente selon les cas. Elle peut être de type humaine avec un buste assez net et le reste du corps caché par une sorte de brouillard. Autrement, cette apparence peut être lumineuse sans forme distincte bien que le témoin « sait » parfaitement de qui il s’agit. Un fait fondamental est que le témoin a la possibilité de revoir l’ensemble de son existence avec la possibilité de « zoomer » sur telle ou telle période de cette dernière. Cette rétrospective contribue grandement à aider le témoin à effectuer le choix qui lui est proposé. Bien entendu, 100% des témoins ont fait le choix du retour !
Acquisition d’informations
L’un des points clés de la phase 1 (et dans une moindre mesure de la phase 2) est la vérification a posteriori des informations fournies par le témoin. Ce dernier n’était pas en mesure de les obtenir par voie sensorielle durant l’expérience car :
— le corps du témoin est immobile
— ce dernier est en phase d’arrêt total des fonctions cérébrales
Conséquences sur la vie des témoins
Pour être complet, il faut évoquer les conséquences de ces expériences sur la mentalité des témoins. En effet, ces derniers changent en général leur système de valeurs au profit d’un humanisme qui devient prépondérant. L’un des nombreux cas étudiés est particulièrement significatif, il s’agit de celui de Pam Reynolds en 1991.
Le cas de Pamela Reynolds
Ce cas a été étudié par le cardiologue Michael Sabom à l’origine sceptique sur ces phénomènes et qui a changé d’avis après analyse de nombreux témoignages. Pam Reynolds a subi une ablation d’un anévrisme à l’hôpital de Phoenix en 1991. Sur une intervention d’une durée de six heures, le traitement de l’anévrisme lui-même a duré une demi-heure. Durant cette période, pas une goutte de sang ne doit circuler dans le cerveau. La solution : placer ce dernier en hypothermie à 15.8°C puis le vider de son sang ! Durant l’intervention, tout fut enregistré :
— électro-encéphalogramme
— activité du tronc cérébral
— dialogues des intervenants
Après son réveil, Pam Reynolds décrit avec précision ce qui s’est passé durant l’intervention : dialogues, description des outils utilisés, etc. L’horodatage du contenu de son témoignage fut comparé aux enregistrements réalisés lors de l’intervention. Cette comparaison a démontré que ce témoignage était parfaitement synchronisé avec la phase où l’activité cérébrale était totalement stoppée : EEG nulle, pression sanguine dans le cerveau nulle.
En synthèse
Les recoupements
Les témoignages de NDE comportent 2 phases dont l’une est parfaitement vérifiable par recoupements, elle se déroule en effet au voisinage du corps inanimé du témoin. La phase 2 est bien entendu non vérifiable sauf dans certains cas particuliers où des informations inconnues du témoin furent transmises puis vérifiées a posteriori. À noter que si la véracité de la phase 1 peut être prouvée, pourquoi la phase 2 serait elle alors pure création de l’esprit ?
Les invariants
Les points suivants sont récurrents dans l’ensemble des témoignages :
— mémorisation de l’expérience au réveil du témoin
— souvenir de l’expérience beaucoup plus fort et rémanent que ceux de la vie courante
— acquisition d’information
— vision à 360° ou sphérique, et plus généralement perception beaucoup plus riche et globale que par les 5 sens
— le temps ne semble pas s’écouler
— déplacement sans impression de mouvement
— passage à travers les objets solides (portes, murs…)
— perception des sentiments et des pensées des personnes présentes
— passage par un tunnel
— rencontre avec une entité lumineuse « consciente » et transcendante
— rencontre avec des personnes décédées avec certains cas d’acquisition d’informations inconnues du témoin
— compréhension et connaissance instantanée de « tout »
— notion de point de non-retour et choix de revenir ou de poursuivre
— revue de vie avec possibilité de « zoomer » sur des moments particuliers
B. ANALYSE DES DONNÉES
Avant d’aborder les principales hypothèses permettant d’interpréter ces témoignages, il est important d’évoquer le phénomène psychologique de dissonance cognitive.
La dissonance cognitive
C’est un concept de psychologie élaboré par Leon Festinger en 1956. Chacun (y compris les scientifiques !) est guidé par un ensemble de croyances liées à sa culture et à son éducation. Dès lors qu’un élément nouveau incompatible avec ces croyances émerge au plan cognitif, l’individu éprouve un état de tension désagréable : c’est la dissonance cognitive. Pour supprimer cet état, l’individu a alors 2 choix :
— soit lutter contre l’élément nouveau en le rejetant ou en l’ignorant
— soit modifier son système de croyances en intégrant cet élément
Le phénomène des EMI est justement un élément nouveau dans notre culture, aussi bien pour la frange des gens qui croient à une religion quelconque que pour celle des athées qui ne croient en rien (ou presque). Et comme l’a justement noté Henri Poincaré : « Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »
Le cycle de l’information
Nous baignons dans un environnement constitué d’un foisonnement d’ondes électromagnétiques variées (lumière, radio), de matière (molécules diverses), de gaz (air) et de liquides : la perception de ces éléments peut être considérée comme une acquisition d’information externe. Si toutes ces informations étaient reçues « brutes de fonderie », nous percevrions tout un fatras inexploitable avec plein de choses qui se déplacent dans tous les sens. C’est pourquoi le monde extérieur est d’abord détecté par des capteurs : les 5 sens de l’être humain puis interprété et engrangé par le cerveau. La détection par les sens est limitée aux informations jugées utiles pour la survie des bipèdes que nous sommes. Certaines d’entre elles sont donc non détectées (ex : ondes radio, infrarouges, etc.). La séquence de traitement de ces informations est la suivante :
— capture des informations extérieures par les 5 sens
— transfert de ces informations au cerveau à l’aide d’un réseau nerveux de transmission de données
— traitement automatique et non conscient de ces informations par le cerveau. Ce dernier les formate en un ensemble cohérent dans le cadre de notre perception de l’espace-temps 3D + T
— stockage de ces informations dans différents types de mémoire
— transfert des qualia à la conscience
Qualia
Les qualia sont les informations extérieures mises en forme par le cerveau :
— couleurs
— formes
— odeurs
— sons
— sensations tactiles (chaud, froid…)
Ces qualia arrivent donc en permanence à la conscience, cette dernière peut également à loisir aller rechercher des informations stockées pour son propre usage. En effet, quelques rares personnes sont capables d’analyser par elles-mêmes les informations stockées dans leur mémoire, l’activité correspondante s’appelle la « réflexion » !
L’hypothèse moniste ou matérialiste
L’hypothèse moniste part du principe que la conscience est une propriété émergente du réseau neuronique du cerveau. Ce modèle est aujourd’hui le seul à être envisagé par les biologistes et les neurologues. La conscience serait donc d’après eux localisée dans le cerveau et disparaitrait avec la mort de ce dernier.
Les EMI, un coup dur porté au modèle matérialiste
L’acquisition d’informations — cerveau stoppé — dont de multiples preuves continuent à être collectées à travers les expériences de NDE/EMI est incompatible avec le modèle moniste. En effet, un sujet dont la chaine de traitement de l’information incluant le cerveau est à l’arrêt continue cependant à collecter et à stocker des informations. Le modèle moniste ne s’applique plus, il doit donc être modifié pour prendre en compte ces données.
L’hypothèse dualiste
L’hypothèse dualiste est fondée sur le fait que la conscience est extériorisée (ou extériorisable) par rapport au corps humain et en particulier par rapport au cerveau. Elle est la seule à pouvoir expliquer les expériences de NDE selon un mécanisme assez simple. Lors des expériences NDE, la conscience est libérée des limitations du corps et détecte le monde extérieur selon une perception globale (partout en même temps). Puisque ces informations sont mémorisées, il existe donc un second système de stockage lié à la conscience qui est extérieur à l’organisme physique. Le problème de la localisation exacte de la conscience est relativement secondaire à partir du moment où cette dernière devient indépendante du corps physique.
Le processus global d’acquisition/mémorisation devient :
-> début de la NDE : fonctions vitales stoppées [1]
-> acquisition d’informations par la conscience externalisée [2]
-> stockage externe (St2) de ces informations [3]
-> fn de la NDE : réveil du sujet [4]
-> transfert d’informations (St2 -> St1) de la conscience vers le cerveau [5]
-> interprétation de ces informations par le cerveau [6]
-> stockage (St1) des informations dans le cerveau [6]
-> témoignage !
Point de jonction et mode de transmission
On remarque dans ce schéma une nouvelle liaison de données entre l’ensemble conscience/stockage-externe et le cerveau matériel. Un nouvel axe de recherche apparait : il concerne le point de jonction de cet ensemble au système nerveux central avec le mode de transmission des informations associées.
Immortalité de l’âme ?
À ce point de l’analyse, une question se pose immédiatement. En effet, si l’on admet que la conscience poursuit son activité lorsque le corps est à l’arrêt, rien ne nous empêche de supposer qu’il en est de même lorsque ce dernier est en arrêt définitif, autrement dit après la mort physique. Cela expliquerait les récits issus de la phase 2 où les témoins évoquent une rencontre avec des personnes décédées. Ces dernières seraient donc en quelque sorte en expérience « DDE » ou Definite Death Experience !
Espace de modélisation
Des informations objectives étant collectées en dehors du système sensoriel classique, une autre question concerne l’espace de modélisation au sens Jorion dans lequel situer ces expériences.
Rappelons les 3 espaces de modélisation :
(1) Être donné : le monde réel dans son intégralité
(2) Monde sensible : le monde perçu à travers les 5 sens
(3) Réalité objective : le monde des modèles scientifiques
Les expériences de NDE peuvent sans aucun doute être situées dans le cadre du « Monde sensible »(2). En effet, même si elles n’ont pas été collectées directement à travers les 5 sens, le transfert d’informations de la mémoire externe le cerveau les a transformées en sensations interprétées par ce dernier.
C. CONCLUSION
Le phénomène des NDE fait partie des sujets dérangeants. En effet, les données expérimentales issues des témoignages collectés ne sont pas compatibles avec la vision matérialiste dominante. Elles font entrer ceux qui ont des certitudes sur ce sujet en dissonance cognitive, la majorité de ces derniers font le choix de les ignorer par une attitude de déni. Cependant, la vérité a la peau dure, les témoignages et les preuves continuent de s’accumuler. L’autre choix pour résoudre cette dissonance consiste à changer de paradigme et à considérer que l’on a ici des preuves irréfutables de la capacité d’extériorisation de la conscience de notre organisme matériel. Il ne s’agit que d’une question de temps pour que ce nouveau modèle soit admis majoritairement. Un parallèle peut être fait avec le passage du modèle géocentrique au modèle héliocentrique qui a mis environ 200 ans à s’imposer, après tout la recherche scientifique sur les NDE est récente, elle n’a qu’une quarantaine d’années ! En attendant, ceux qui ont d’ores et déjà opté pour un changement de paradigme avancent et poursuivent les recherches avec succès comme le montrera un prochain article.
Jean-Luc Piova
Notes
[1] La vie après la vie, Raymond Moody
[2] Deadline, dernière limite, Jean Pierre Jourdan
[3] « L’Expérience de Mort Imminente », Actes du colloques de Martigues en 2006
[4] « Near-death experience in survivors of cardiac arrest: a prospective study in the Netherlands» Dr Pirn van Lommel in The lancet
[5] IANDS France