Nicolas Lecaussin, L’obsession antilibérale française

Le rejet du libéralisme est un sujet d’intérêt national dans notre pays. Dans son dernier ouvrage, Nicolas Lecaussin s’attaque à « l’obsession antilibérale française ». Il s’emploie à dénoncer plusieurs coupables : politiques, médias, intellectuels. Présentation sous forme d’extraits choisis d’un livre qui ne manquera pas de faire polémique.

« Le libéralisme est le règne du droit, la liberté dans les règles du jeu : liberté de conscience, liberté d’expression, libertés politiques. Ces libertés sont voulues comme individuelles, contrairement aux communautés, ordres et corporations. De cette conception philosophique et politique découle une conduite : un respect d’autrui traduit en pratique par la tolérance envers les opinions. Politiquement, elle se traduit par une charte des droits et devoirs, par la règle de droit et par la participation du plus grand nombre au gouvernement du pays. L’économie n’est qu’une annexe, tardivement autonome ; surtout un outil de la puissance d’une société et de son État. »

Nicolas Lecaussin examine pourquoi la France, en ses profondeurs, n’est pas politiquement libérale. Pourquoi ? Une comparaison avec le voisin immédiat qui a cofondé avec Marianne le parlementarisme est déterminante. La sortie de la féodalité, la montée de l’individualisme moderne et la conception de l’État ont emprunté des chemins qui divergent de plus en plus.

« Un autre paradoxe de cette obsession antilibérale française, c’est que celle-ci perdure au moment où partout ailleurs dans le monde, les idées libérales gagnent du terrain. Depuis la chute du communisme, en effet, la très grande majorité des États sur la planète a choisi son camp : celui de la démocratie libérale. En France, on continue à croire au mythe de la “dictature néolibérale” et l’on se méfie de la mondialisation qui “appauvrit” les pauvres et qui enrichit les riches… »

En France, où les préjugés sont légion, et les idées formatées, l’antilibéralisme ne connaît pas les frontières politiques. Il serait partout, selon l’auteur ; lequel souligne que, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Nicolas Sarkozy et François Hollande, tous les leaders politiques français ont critiqué (ou critiquent) encore le libre-échange, la mondialisation et le marché en affirmant qu’ils sont à l’origine de la crise économique. Ils continuent à proposer plus de réglementations et l’intervention de l’État. Toujours selon Nicolas Lecaussin, cette obsession antilibérale a fini de pénétrer et d’irriguer toute une partie des médias qui ont repris en boucle les clichés économiques des politiques tandis que les Français tombent dans le piège de l’économiquement correct. L’antilibéralisme n’est donc pas un phénomène conjoncturel, mais une composante systémique en France.

 « Pour de nombreux Français, le libéralisme est la cause de tous les maux de la planète et l’origine, surtout, de tous leurs malheurs. Les politiques l’ont très bien compris, car tous les candidats (une dizaine) à l’élection présidentielle de 2012 ont fait campagne contre le libéralisme économique (pardon, il faut dire “ultralibéralisme” ou “libéralisme sauvage”). C’est une position typiquement française que l’on ne rencontre pas chez nos partenaires européens, chez lesquels l’un des candidats au moins se déclare “libéral”… En France, le mot “social” est la clef de la réussite politique, alors que le mot “libéral” est tabou, car il risquerait de nuire à toute carrière politique. Durant les dernières années de sa présidence, Nicolas Sarkozy a tout fait pour que l’on n’accole pas cette étiquette à son image. “Je ne suis pas le président des riches”, répétait-il à longueur de journée. »

nicolas lecaussin l'obsession antilibéraleL’ouvrage de Nicolas Lecaussin se divise en plusieurs parties. Dans le cadre imparti de cet article, on retiendra principalement les affirmations et interrogations centrales : 1) le libéralisme ou la présomption de culpabilité. 2) Le libéralisme ne connaît pas de frontières politiques. 3) Pourquoi tant de haine ou les sources de la pathologie antilibérale française ? 4) L’interventionnisme est une maladie chez nos décideurs. 5) L’Éducation nationale et les manuels d’économie sont opposés aux libertés économiques et l’entreprise.

« Notre Éducation nationale est phagocytée par des syndicats marxistes et des enseignants de gauche. Un sondage réalisé en novembre 2013 par OpinionWay auprès des enseignants du second degré démontre à quel point ceux-ci méconnaissent ou rejettent l’entreprise. Pour 90 % d’entre eux, le premier synonyme qui leur vient à l’esprit lorsque l’on parle de l’entreprise, c’est le mot “stress” ! Pour 62 % d’entre eux, c’est le mot “exploitation” ! »

D’où vient cette opposition maladive au système libéral et à ses différentes déclinaisons – interroge l’auteur ? Pourquoi s’accroche-t-on à des recettes qui ont fait faillite partout dans le monde et pourquoi stigmatise-t-on le seul modèle économique qui fonctionne au lieu de s’atteler à en corriger les erreurs afin de l’optimiser ? Qu’est-ce qui empêche les politiques français – contrairement à leurs homologues européens – de procéder à des réformes nécessaires pour que l’économie soit réellement au service de tous ? Conséquence pour Nicolas Lecaussin :

« L’un des arguments les plus souvent invoqués par les antilibéraux est le modèle social français. Ce fameux modèle que tout le monde nous envie – mais que personne ne copie – serait menacé par le libéralisme économique… Grâce à lui, notre pays bat des records. Celui du chômage par exemple, contre lequel (tous les hommes politiques de droite et de gauche nous l’ont assuré) notre modèle social allait nous protéger… Ni les États-Unis ni la Grande-Bretagne n’ont atteint notre niveau de chômage même aux pires moments de leur crise ! De plus, le taux est deux fois plus élevé qu’en Allemagne. Qui dit mieux ? »

Pour Nicolas Lecaussin, être « libéral » en France est synonyme d’une accusation terrible et inexcusable. D’où le fait que les économistes sont en France, à quelques exceptions, des antilibéraux convaincus. L’appareil législatif de la France est naturellement porté à prendre des mesures étatistes. « Sur 577 députés, environ 250 (44 %) font partie du secteur de l’État ». La cohérence voudrait que l’on instaure chez les élus français une obligation de temps de présence dans l’entreprise privée.

« D’après nos hommes politiques, plus on taxe, plus les caisses de l’État se remplissent… C’est une politique qui tue à petit feu les entreprises et les incite davantage à la délocalisation… Regardons en détail les différents taux d’impôts sur les sociétés et les rentrées fiscales correspondantes. Parmi les membres de l’OCDE, c’est en Norvège que l’IS génère le plus de rentrées fiscales (11 % du PIB). Et pourtant, le taux de l’IS se situe à 24 %, plus de 10 points de moins que l’IS français. »

Un ouvrage que les médias nationaux sont rares à chroniquer… De fait, il en réjouira certains et fera grincer des dents les autres. Ce qui en soi donne déjà à réfléchir…

Nicolas Lecaussin L’obsession antilibérale française – Editions Libr’Echange – 228 pages, 18€

 

Nicolas Lecaussin est Directeur de l’IREF (Institut de Recherches Economiques et Fiscales et auteur de plusieurs ouvrages dont Cet état qui tue la France et l’Absolutisme efficace, tous deux publiés chez Plon. Il anime un séminaire consacré aux think tanks à l’Université de Cergy Pontoise.

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Laurence Biava
Écrivain et chroniqueuse littéraire, Laurence Biava contribue à plusieurs revues culturelles. Elle a créé, en 2011, l’association Rive gauche à Paris afin de créer et de soutenir des événements culturels liés au milieu littéraire ainsi que deux Prix littéraires. Le premier, le Prix Rive gauche à Paris, rend hommage à l’esprit rive gauche parisienne depuis le 19e siècle, et récompense une œuvre littéraire en langue française, qui privilégie la fiction. Le second, le Prix littéraire du Savoir et de la Recherche, est tourné vers tous les savoirs et les sciences.

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