Avec Bianco, Nofit State Circus met à nu les arts du cirque !

Avec Bianco, le Nofit State circus nous plonge dans un univers frénétique de chaos esthétique où les frontières se déplacent jusqu’à presque s’effacer dans une circulation commune. Artistes, techniciens, spectateurs, chacun dans sa sphère, se meuvent dans un mouvement que le spectacle, lui-même, a initié et contrôle. Voici que viennent les dragons !

 

Bianco
Bianco, le 3 juillet 2014, aux Tombées de la Nuit de Rennes (photo : Nat Anita Carmen)

Au-delà de la subjugation devant des numéros de voltiges, d’équilibre et de jonglages exécutés avec fougue et brio, Bianco s’ingénie à faire bouger les lignes. À faire tourner le regard, à impliquer les corps. Bianco imprime son mouvement et met le spectateur au défi de rester statique. L’espace du spectacle devient mouvement.

Chaque membre de la troupe du Nofit State Circus est tour à tour artiste et technicien. Avec la même dextérité, la même célérité, ils/elles enchaînent les acrobaties les plus périlleuses et l’installation des agrès. En groupe ou en solo, les numéros font appel à tous.

Photographie : Bianco par Nat Anita Carmen
Bianco  (photo : Nat Anita Carmen)

Le contrepoids nécessaire aux numéros de voltige aérienne est assuré par les artistes et la performance prend alors plus encore l’allure d’un ballet vertigineux. Pas de dissimulation, le « décor » et la structure font corps… Apparente et manœuvrée par des mains et des corps habiles, la mécanique s’humanise. Elle prend une part active à l’esthétique du chaos et s’anime d’un visage amical malgré les mouvements parfois rapides et presque violents que la troupe lui imprime. Mais elle s’amuse. Comme toute la troupe, elle s’amuse à faire peur, à surprendre. Bianco vient vous chercher, vous provoquer dans votre quant-à-soi de « spectateur roi ». Vous bousculer dans vos certitudes de regardeur aguerri.

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Bianco (photo : Nat Anita Carmen)

Les groupes de spectateurs dessinent eux-mêmes la piste centrale dématérialisée, toujours mouvante. Les groupes sont scindés et dirigés par des membres du Nofit State Circus qui jouent le rôle de guides lors des déambulations du décor. En dehors de ces instants, chacun est libre de circuler. De changer de point de vue.

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Bianco (photo : Nat Anita Carmen)

Le regard du spectateur n’est pas captif. Il avance libre lui aussi de composer, de participer pleinement de cette représentation en continuelle refonte. Bouge, tourne, tend l’oreille, regarde, par là, non là-bas, il se passe quelque chose ou quelque chose va se passer… Fer, cages, cordes, filins, tout ce qui limite et entrave devient, à un rythme effréné, possibilité de grâce, moyen d’envol… les corps se ligotent et se libèrent dans une frénésie spasmodique. Le risque de la chute n’est jamais exclu ; il est là. Il irise les corps, avant d’être finalement enjambé.

Pas de temps mort, les numéros s’enchaînent dans le tourbillon d’une chorégraphie inclusive. Les actes techniques s’intègrent au spectacle dans une curieuse sensation de précision foutraque. Chaque membre du groupe à une personnalité et une spécialité. Toutefois, en dehors de leur numéro spécifique, chacun se met entièrement au service du grand et terrible amusement collectif.

Bianco
Bianco (photo : Nat Anita Carmen)

Le tout au son d’un orchestre qui jongle avec les instruments, les styles et les sonorités parfaitement adaptés aux différents tableaux. Les musiques ne sont pas jouées pour être une illustration ou un remplissage, elles portent l’histoire, suggèrent les couleurs, les efforts, les douleurs ou les joies. Elles sont du spectacle, jamais à côté ou décalées. Et avec quelques trouvailles, comme le souffle extatique de tel acrobate mêlé par son micro au son de la musique…

L’intensité nue de numéros de voltige dépouillés des apparats classiques du cirque, admirables de prouesses et de grâce. L’esthétique du chaos du Nofit State Circus joue ici à plein volume et parvient à déjouer toutes les paresses de la pesanteur. Un maelström trépidant. Un spectacle unique.  Et une renversante réussite pour ces Tombées de la Nuit 2014.

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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