Nolwenn Brod présente l’exposition de photo Les Hautes solitudes aux Champs libres du 26 novembre 2022 au 30 avril 2023. Au programme : une série de photos, mais aussi des courts métrages, réalisés par l’artiste. Le sujet ? La ville. Pourtant, cette exposition reste un mystère dans lequel on voit une multitude de choses, sauf la ville…
Le dialogue perpétuel entre l’homme, l’animal, le végétal, le minéral qui s’influencent, interagissent pour au final se confondre presque, imprègne les expositions de Nolwenn Brod. Sa dernière née, Les Hautes solitudes, reste dans la continuité de son art singulier. En 2012, sa première, Va-t’en me perdre où tu voudras, initiait cette idée qui la suit comme une signature, que l’essentiel réside dans ce que les yeux ne voient pas aux premiers abords. Il est ailleurs. Caché.
Dès le titre de son exposition, les dés sont jetés et le ton est donné. Donner Les hautes solitudes comme titre pour son exposition qui parle de Brest, sa ville natale, reflète immédiatement l’idée qui lui tient à cœur, que la ville n’est en réalité constituée que d’une multitude de soi. Les murs de la ville ont quelque chose à raconter, comme les habitants qu’ils abritent, les deux composant ensemble une drôle de symphonie aux yeux tristes.
Le choix de la ville, d’abord, n’est pas anodin. Brest. C’est la ville de naissance de Nolwenn Brod, pourtant elle ne la connaissait que très peu. À l’occasion d’une résidence de création de plusieurs mois proposée par le musée de Bretagne, elle a pu découvrir cette ville, ses habitants, et son histoire marquée de violence. Rasée par la guerre, Brest a été reconstruite en remodelant la terre, et surélevant la ville. Le titre Les hautes solitudes peut ainsi faire référence à cette urbanisation.
La première partie de l’exposition de Nolwenn Brod aux Champs Libres évoque la lutte traditionnelle bretonne pratiquée par son père et son grand-père avec lui, l’Ar gouren. Dans cette série, sept photos et un court métrage sont présentés, inspirés de la peinture de Paul Gauguin de 1888 : La Vision après le sermon, ou La Lutte de Jacob avec l’ange. On retrouve, comme dans ses photographies, le corps à corps sur une terre rouge.
La suite de l’exposition est consacrée à la série Les hautes solitudes, constituée d’une cinquantaine de photographies et d’un moyen métrage. Là, le rapport au corps et à l’intime face à la ville est frappant. Dans la salle, les scènes de la vie extérieure brestoise, presque tout en noir et blanc, où pleut averse, et où le ciel n’a presque pas sa place, sont exposées aux côtés de photographies, en couleurs chaudes cette fois, de personnes habitant Brest, de paysages, d’animaux.
Dans la seconde salle de cette série, le regard de l’objectif change, tout en restant très intimiste et pictural. Les habitants sont capturés dans des scènes en gros plan évoquant les clairs obscurs des peintures à l’huile du XVIe siècle comme Caravage. Une photographie de sa série lui a d’ailleurs fait penser, une fois capturée, à la peinture Boys smoking, de Lucian Freund peinte en 1950.
La saisissante photographie de couverture d’annonce des hautes solitudes, Adèle rue Blaveau Brest, est la seconde partie d’un diptyque photographique . Kreigsmarine, la première photographie, montre le mur d’un hôpital souterrain allemand, écorché et abimé par le temps et la guerre. A ses cotés, Adèle rue Blaveau Brest représente une jeune femme lascivement allongée, les bras mutilés, comme le mur. Intérieur et tus ou connu de tous, l’un comme l’autre, ils ont vécu une guerre. Les deux comportent leur lot d’histoires, les deux cohabitent.
Comme le titre le laisse imaginer, l’exposition est emplie d’un sentiment de profonde solitude. Chaque individu, chaque détail crée le tout, mais on est toujours tout seul. « Je voulais résumer l’idée que la ville n’est qu’un groupement, une multitude de solitudes » conclut Nolwenn Brod.
Qu’on nous permette de conclure avec cette citation de Daniel Pennac dans son livre Comme un Roman (1995):
« L’homme construit des maisons parce qu’il est vivant, mais il écrit des livres parce qu’il se sait mortel. Il habite en bande parce qu’il est grégaire, mais il lit parce qu’il se sait seul. »