NOS FUTURS 2021. LES RÉSEAUX SOCIAUX, PASSAGE OBLIGÉ POUR LES MÉDIAS ?

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Nos futurs première édition, photo de Julien Mignot

L’événement Nos Futurs, la parole à la relève s’est déroulé du 22 au 27 mars 2022 aux Champs Libres de Rennes. Lycéens, étudiants et jeunes actifs ont eu carte blanche pour organiser un événement autour de la question d’une société durable et soucieuse du vivant. De leurs réflexions sont nées cinq thématiques. Parmi elles, « S’informer, comprendre le monde ». Comment s’informer aujourd’hui ? Les réseaux sociaux sont-ils un passage obligé pour les médias ? Les invité.e.s, les journalistes Samuel Étienne, Salomé Saqué et Syrielle Mejia, et la professeure d’histoire géographie Sarah Ouagueni, ont répondu aux questions du public.

Coorganisé par le Monde et les Champs Libres, avec le soutien de la Métropole de Rennes, l’événement Nos Futurs, la parole à la relève, du 22 au 27 mars 2022, donnait la parole à la jeunesse. Lycéens, étudiants et jeunes actifs avaient pensé une programmation riche et diverse autour de la question : quelle société durable et soucieuse du vivant pouvons-nous construire ensemble ? Un programme à l’image des problématiques sociétales qui bousculent le pays ces dernières années, et révélateur des questionnements de ceux qui construiront le monde de demain.

Parmi les cinq thèmes au programme, « S’informer, comprendre le monde » traitait de la question de l’information et du journalisme à l’heure des réseaux sociaux. Face à la présence de plus en plus forte des médias sur les réseaux sociaux, une rencontre a été proposée vendredi 25 mars 2022, dans l’auditorium des Champs Libres. L’événement s’est fait en compagnie de Samuel Étienne, journaliste et animateur de France TV, streamer sur Twitch ; Salomé Saqué, journaliste pour LCP, Blast et Arte ; Syrielle Mejias, journaliste sur Tik Tok /  Snapchat du Monde ; et Sarah Ouagueni, professeure d’histoire-géographie dans un lycée classé REP + (réseau d’éducation prioritaire) de Roubaix.

nos futurs rennes

« Le journaliste est celui qui met des mots sur la marche du monde, comment il fonctionne ou plutôt comment il ne fonctionne pas. »  

Samuel Étienne. 

Ce n’est pas un secret, allumer la télévision n’est plus forcément un réflexe de nos jours. Pour s’informer, les Français se connectent davantage sur leur smartphone. Les jeunes, désabusés par l’actualité et la politique ou détachés, s’éloignent des médias traditionnels et/ou de la radio au profit des réseaux sociaux. Chaînes YouTube, comptes Tik Tok et Snapchat, ou encore streams (diffusions en direct) sur la plateforme Twitch, ces symboles du divertissement apparaissent comme la nouvelle vitrine des médias.

Révélateurs d’un nouveau mode de consommation de l’information, ils sont aujourd’hui un organe indispensable à la diffusion et à la visibilité des contenus. Certains nouveaux médias, généralement indépendants, ont même construit leur modèle sur cette base. Alors, face à ce constat, médias et politiques ont investi les réseaux sociaux et plateformes interactives. Chaque journal adopte à sa manière les codes des plateformes en vogue dans le but d’attirer l’attention et d’accroître son public, particulièrement en direction de la jeunesse. De cette évolution découle une multiplicité de contenus qui vit au rythme effréné de la société. Mais cette abondance interroge également quant à la fiabilité des informations diffusées. Au milieu de cette profusion, comment lutter contre les fausses informations ?

Véritable terrain médiatique avec des audiences qui battent parfois celles de la télévision, Internet a sans conteste révolutionné les manières d’informer la population et de diffuser l’actualité. Le monde connecté dans lequel nous vivons donne accès à l’actualité du monde entier en un clic, et à n’importe quelle image en temps réel. Cette évolution numérique a de ce fait entraîné une nouvelle approche du journalisme dans sa présentation. Cependant, la désinformation, les théories complotistes, ou encore le cyberharcèlement sont autant de dérives que de dangers. Alors, les médias traditionnels doivent-ils prendre ce virage ? Pourquoi les nouveaux médias indépendants choisissent-ils ce modèle ? Quels en sont les avantages ? Et comment faire le tri au milieu de cette abondance informative ?

D’applications pour se divertir, les réseaux sociaux ont mué en moyen de se renseigner. De par un langage plus accessible, une vulgarisation intelligente des sujets d’actualité et un format adapté, les journalistes de l’ère numérique déploient leurs compétences selon des codes propres aux réseaux sociaux. Ils s’adressent ainsi à une cible plus jeune, peut-être moins encline à s’intéresser à la presse écrite ou aux journaux télévisés pour cause de défiance ou de désintérêt… « Internet permet une liberté totale de format, contrairement à la télévision, très formatée et précise, et avec des conditions strictes », déclare Salomé Saqué, journaliste pour LCP, Blast et Arte.

Contrairement à la télévision, la presse écrite, ou la radio, les réseaux sociaux permettent la création d’une communauté, d’un lien interactif entre journaliste et internaute. Lieux d’échange, de discussion, et de débat, ils proposent une proximité nouvelle et une manière pour le public de donner son avis sur le sujet traité. Cette interaction possible tend, du moins les journaliste présents l’espèrent, à renouer la confiance perdue chez une tranche d’âge de la population, et d’amoindrir leur défiance concernant des médias traditionnels, et historiques tels Le Monde. « Le Monde a déjà une identité propre, une image sérieuse. Il doit montrer qu’il peut s’adresser également aux jeunes par le biais justement des réseaux sociaux », répond Syrielle Mejias.

Certains journalistes tentent également par ce moyen de faire tomber le mur qui se dressent entre les journalistes et les citoyens, et plus largement entre les politiques et les citoyens. Samuel Étienne a par exemple développé une idée on ne peut plus improbable sur Twitch. Plateforme de gamers lancée en 2011, elle s’est depuis ouverte à d’autres sujets tels la cuisine, la littérature, le cinéma, mais également la politique. Passionné par cette dernière, le journaliste et présentateur s’est lancé dans la lecture de journaux en direct, et invite des politiques pour des lives de plus d’une heure. Des prises de parole qui révèlent parfois, et malheureusement, le fossé entre les citoyens et les politiciens, telle l’intervention du premier ministre Jean Castex.

Adaptant le ton, une présentation formelle pour Salomé Saqué et le média indépendant Blast, le souffle de l’info, et un ton léger chez Syrielle Mejias pour Le Monde, les journalistes cherchent l’équilibre entre l’accessibilité et la rigueur journalistique dans le respect de la déontologie du journalisme. « Présenter les informations avec un ton monocorde est un choix. On peut utiliser d’autres codes. Comme Salomé, j’ai envie de faire des vidéos que moi-même j’ai envie de voir, dynamiques plus qu’ennuyantes. C’est de la simplification, mais pas de l’infantilisation », explique Syrielle Mejias. Et Salomé Saqué de rajouter : « J’ai choisi une présentation sérieuse pour Blast qui a un positionnement très critique des politiques majoritaires. Peut-être est-ce dû aussi au fait que je sois une femme. J’ai l’impression que je serais peut-être plus prise au sérieux. »

L’intérêt est d’attiser la curiosité de par des alternatives nouvelles, mais l’important demeure la recherche de la vérité et de la nuance, avec la même précision. Car avec le boom des médias sur les réseaux sociaux, la course à l’attention et aux clics, la diffusion de fake news ne peut être que plus importante. Pour cette raison, il est conseillé de multiplier les regards, de croiser les sources et de ne pas se contenter d’un angle. Entre presse écrite, télévision et internet, le but n’est pas d’opposer les supports, mais plutôt de créer une passerelle entre tous. Comme la radio n’a pas tué la presse écrite ni la télé la radio, les réseaux sociaux ne tendent pas à faire disparaître les médias traditionnels… Ils livrent seulement une autre façon d’écrire, en phase avec un public plus jeune. Ainsi, la question n’est pas tant de se demander si les médias traditionnels doivent se tourner vers ce type d’applications, mais plutôt, comment se servir à bon escient de ces derniers, devenus un support comme un autre, comme le souligne à juste titre Samuel Étienne.

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