Autrefois programmes phares de TF1 et M6, ces deux télé-crochets tentent de trouver une seconde jeunesse sur les chaînes de la TNT, Direct 8 pour la Nouvelle Star et NRJ12 pour Star Academy. Deux chaines au public bien différent pour deux formats à l’avenant !
Rien n’a vraiment changé dans ces programmes. À part la taille des plateaux et les animateurs-coachs. Du côté des chaînes, D8 s’emploie à être une chaine généraliste, avec en plus un parisianisme très « canal+ ». NRJ12 mise sur un public adolescent avec des programmes ouvertement « télé réalité », comme les « Anges de la télé-réalité » qui ont fait un carton. Aussi, le choix de ces deux programmes colle-t-il parfaitement au public des deux chaines. Du moins en théorie.
Année après année, La Nouvelle Star s’était forgé une image élitiste, plus branchée avec Christophe Willem puis Julien Doré. Même si les derniers gagnants ont sombré dans l’oubli… Ce n’est pas le cas de Star Academy qui captait un public familial à l’aide d’un mélange de télé-crochet (pour alimenter le catalogue Universal) et de télé-réalité (le coté Endemol du programme). Ce dernier aspect a rebuté pas mal d’artistes en herbe : Olivia Ruiz demi-finaliste de la première saison préfère ne plus évoquer cette cette période. Maureen Angot, partie de son plein gré de la septième saison, a préféré réapparaître dans… The Voice. On les comprend à voir le traitement plus que limite des élèves avec des “profs” leur faisant faire de pseudo-exercices histoire de mieux les monter les uns contre les autres pour alimenter une quotidienne en images (une des spécificités de Star Academy).
NRJ12 a donc choisi de rajeunir Star Academy sans s’éloigner du modèle. C’est un duo de présentateurs qui officie : le gentil Matthieu Delormeau secondé par l’ancienne actrice de Sous le Soleil, Tonya Kitzinger – cette dernière palliant les lacunes d’anglais de notre animateur francophone. Rajeunissement aussi pour la programmation musicale qui colle davantage à ce que passe la radio du même nom. À part Serge Lama, aucun artiste français de plus de 50 ans n’est venu sur la scène de l’émission. Car Star Academy mise sur des duos avec des artistes reconnus (reconnus…ce n’est pas vraiment le cas pour cette version NRJ12). À la différence de la Nouvelle Star qui donne dans la reprise de standards ou de titres plus récents parfois. Cette différence impose donc un traitement différent pour le son :
- PlayBack Orchestré (PBO), c’est à dire musique plus choeurs pour Star Academy ainsi que des artifices comme un préenregistrement des titres, un reverb trop prononcé, voire même de l’overdub (plusieurs fois la même voix). Le son paraît artificiel.Le jugement des « profs » parait alors arbitraire et orienté par le scénario retenu par la production.
- Véritables musiciens jouant en direct pour la Nouvelle Star, mais avec un choix de titres et d’arrangements qui peut orienter le jugement selon le scénario retenu aussi. Ainsi, lors du premier prime, certains ont eu droit à un réarrangement novateur tandis que d’autres faisaient leur possible sur un titre « casse gueule » et daté. Quelques effets de reverb plus discrets viendront aider dans les passages difficiles.
Pourtant les genres musicaux abordés paraissent timides, en sus d’être édulcorés. Pas de Hard-Rock ou de Metal, ni de Rap, ni de Jazz, mais au mieux des arrangements jazzy, ni d’opérette ou de chanson française traditionnelle (un candidat tout à fait valable misant sur ce décalage de genre a été malheureusement éliminé prématurément sans raison). Non, la Nouvelle Star mise sur la pop et le pop-rock avec ce qu’il faut de touche branchouille (entendez electro ou jazzy) pour contenter le public. Rien à voir avec la pop dance et le « Arènebi », les artistes éphémères du moment et autres titres vite faits vite oubliés qui sont programmés sur Star Academy en plus de hits anglo-saxons massacrés par des élèves à l’anglais approximatif. Les amoureux de la langue de Shakespeare se désoleront en effet des baragouinages d’un Sidoine, Paul ou Timothée dans les deux programmes – suffit-il de tordre sa bouche et les lettres pour parler anglais ? Les mots ne sont pas que des sons, ils portent une signification.
Enfin, dans Star Academy, le chanteur se doit d’être aussi danseur et de participer à des tableaux chorégraphiés non plus par Kamel Ouali mais par Haspop, danseur recalé de “La meilleure danse” sur M6 et spécialiste du popping. Pas sur que le Philippe de la nouvelle star, vu comme guitariste avec son groupe en première partie de Status Quo (voir notre article) , aurait apprécié ce type d’émission. Là encore, c’est une vision nord américaine, celle du chanteur performeur qui sait tout faire, même si maintenant ils ont supprimé les cours de théâtre au profit du théâtre d’une vie scénarisée.
Dans les deux programmes, le gagnant n’est jamais une évidence. Ce fut patent durant une bonne partie des saisons passées. Les bons élèves de Star Academy (Daniel, Vanina) serviront vite de faire-valoir à des gagnants rameutant plus de SMS par une personnalité plus conforme au public visé. Le vote consensuel de la Nouvelle Star éliminera vite la rageuse Julie, la trop parfaite Sophie Tith ou le mystérieux Florian. Voilà tout le souci de ces programmes qui servent à alimenter les maisons de disques en artistes tout en assurant une promo et composant avec l’audimat et un public plus avide de moments de télévision que de musique.
Ces programmes répondent à un besoin des maisons de disques de placer et de faire la promotion d’artistes. Pascal Nègre l’avouait sans ambages dans son livre (voir notre article) en ce qui concerne le choix de Jenifer ou de Gregory Lemarchal ; mais d’autres ont été sacrifiés. À voir la réaction du jury à l’élimination de l’insipide Mathilde à Star Academy, un grain de sable est toujours possible. Le gagnant n’est pas obligatoirement celui qui sortira du lot (les derniers gagnants d’X-factor, StarAcademy ont été simplement exécuté par une maison de disque qui ne croyait pas en eux) ni le public votant celui qui achètera la musique.
En croyant que le public Starac était proche de celui des Anges de la Téléréalité, NRJ12 s’est déjà trompé et a du réajuster son concept. D8 a raccourci le sien pour ne pas entrer en conflit avec celui de TF1, The Voice, une sorte de mélange des deux (pas de téléréalité, mais un jury qui devient coach). Ces programmes donnent une image industrielle de la musique, ne laissant pas de place ni à l’erreur ni à la différence, si ce n’est une différence très marketée. Pour découvrir de véritable ovnis, il faudra attendre encore. Et quand on voit ce que fait Christophe Willem avec tout son talent, on peut s’interroger sur la prédominance du marketing sur l’émotion des sens.