Journée des droits des femmes. Odette du Puigaudeau, exploratrice de sa Bretagne

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En ce 8 mars 2024, journée internationale des droits des femmes, la rédaction célèbre différentes figures féminines, d’ici et d’ailleurs, qui ont marqué l’histoire, mais dont leur récit reste parfois méconnu. Parmi elles, Odette du Puigaudeau. Dans une biographie émouvante richement documentée, Monique Vérité raconte l’histoire d’Odette du Puigaudeau et la Bretagne, un ouvrage publié au éditions Locus Solus. L’auteure revient sur les racines bretonnes de l’ethnologue du désert, région qui fut une source d’inspiration pour maintes aventures journalistiques.

Connaissez-vous Odette du Puigaudeau, femme libre et aventureuse, pionnière comme l’ont été Anita Conti ou Alexandra David-Neel ? Née en 1894 à Saint-Nazaire et décédée en 1991 à Rabat, elle était la fille du peintre postimpressionniste Ferdinand du Puigaudeau et de la dessinatrice Henriette van den Broucke, mais sa vie est loin de se résumer à cela.

Grande observatrice avec un goût prononcé pour l’aventure, elle fut tour à tour dessinatrice, journaliste, auteure, exploratrice et ethnologue du monde maure. « Odette du Puigaudeau dont on connaît les hasardeux et passionnants voyages en Afrique, a visité des pays moins lointains mais tout aussi mystérieux : les côtes de Bretagne », était-il écrit dans l’accroche d’un article de la journaliste dans l’hebdomadaire Vendredi en date de 9 septembre 1938. Auteure d’Odette du Puigaudeau, une Bretonne au désert (1992), Monique Vérité s’attache dans un nouvel ouvrage à la partie bretonne, région chère à son cœur, de la vie de celle dont le seul rêve fut d’explorer l’ailleurs. 

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« Ma naissance à Saint-Nazaire a eu sur ma destinée une profonde influence. Il me semble qu’une enfant dont les yeux se sont ouverts sur l’estuaire de la Loire […] ne peut échapper à la passion de la mer et au rêve des voyages. »,   

Odette du Puigaudeau, Odette du Puigaudeau et la Bretagne de Monique Vérité, p. 103.

« Je rêvais de voyages lointains. Je suis Bretonne, ça explique tout. » Ces quelques mots d’Odette du Puigaudeau, seule enfant d’une famille bourgeoise baignant dans le milieu culturel de l’époque, résume une vie. Elle n’a cessé de vouloir l’inconnu et l’étranger, tout en chérissant sa région natale. Car Odette du P. « s’ancre dans la lignée de nombreux Bretons coureurs de mer, voyageurs, missionnaires ou explorateurs ».

De son adolescence à Croisic, au manoir de Kervaudu, on retient l’école à la maison : sa mère lui dispensait les matières scolaires et son père, le dessin, la peinture et les sciences naturelles. « C’est auprès de lui qu’elle acquiert, dès la prime enfance, le goût de la nature, source privilégiée de l’inspiration du peintre. » Ce dernier l’élève d’ailleurs comme le garçon qu’il aurait aimé avoir : il l’initie à la chasse et au jeu de cartes. Cette éducation lui confère une liberté rare à l’époque, mais elle se retrouve souvent seule, même si elle n’est jamais à court d’imagination pour s’évader. « À la barre d’une vieille caisse en bois, rafistolée par son père en guise d’embarcation, elle est Jacques Cassard, le célèbre corsaire nantais, et elle navigue sur la lande et pourfend l’Anglais », relate Monique Vérité dans la biographie.

Dans les années 1910, elle a alors une vingtaine d’années, la jeune femme alterne entre isolement dans la forteresse familiale qu’est devenu, pour elle, le manoir l’hiver et foyer culturel et mondanité l’été. Et ce jusqu’en 1926 où “le faux fils”, selon la propre formule de l’ethnologue, monte à Paris pour vivre pour elle-même. « Il ne faut pas imaginer Odette de Puigaudeau en femme rebelle, montant l’assaut de la capitale, rejetant et reniant son passé. » Elle devient artiste naturaliste à la Sorbonne, au muséum national d’Histoire Naturelle ou encore à la faculté de médecine. Mais son rêve d’explorer l’étranger demeure…

L’artiste naturaliste trouve refuge en Bretagne pour s’éloigner de la vie parisienne qu’elle n’apprécie pas tant. Les relations conflictuelles avec ses parents au manoir la poussent à partir découvrir la région. Se réveille alors une autre passion : l’écriture.

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Avec Odette du Puigaudeau et la Bretagne, Monique Vérité sort du schéma classique de la biographie par chronologie. Elle aborde le lien à la Bretagne de celle que son père appelait « Robert » les premières années de sa vie par thématique.

L’ouvrage est nourri des entretiens que l’auteure a eus avec Odette du Puigaudeau avant sa mort et d’extraits de reportages de la journaliste. La centaine de pages permet « la découverte, la mise en lumière, l’éclairage, la sortie de l’anonymat d’une femme d’exception, au destin hors du commun, pionnière avant-gardiste, moderne, en avant sur son époque », comme le souligne justement Monique Vérité dans son préambule.

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Odette de Puigaudeau dut attendre 1928 pour son premier voyage en mer sur un bateau de pêche. Il ne fut que la promesse de nouveaux embarquements. Après une première publication en octobre 1930 pour le quotidien L’Intransigeant, récit d’une campagne de pêche de thoniers bretons, elle ne cessa de relater son amour pour tout ce qui touche à la mer dans des récits immersifs et précis. Parmi eux, de grands reportages sur les îliennes d’Ouessant, de Sein et de l’archipel de Molène. Gardiennes de l’île, « elles remplacent les hommes, affrontent aussi bien qu’eux tous les travaux qui rythment les jours et les saisons. Les hommes d’ailleurs dépendent d’elles ; à leur retour de mer, n’est-ce pas elles qui leur octroient l’argent de poche pour aller boire ? »

« […] Ouessant est dure. N’y cherchez rien de tendre, pas même sur les visages de femmes ; mais leurs yeux où se mélangent le vert de l’eau et le brun des algues ont le regard volontaire que donnent la lutte et les responsabilités […]. »

Odette de Puigaudeau, Grandeur des îles, p.36

Odette du P. s’est intéressée à la Bretagne maritime, mais aussi terrestre. Chaque reportage est une immersion, un partage des métiers de la mer et de la vie quotidienne. Il ressort de son écriture un investissement fort. Au fil des pages, Monique Vérité raconte l’histoire et la vie de la journaliste par le biais de ses récits et analyse son écriture. Odette du Puigaudeau relate les joies et peines de la population bretonne, Monique Vérité raconte les questionnements de la journaliste qui voit l’écriture comme un tremplin pour aller ailleurs, toujours plus loin.

Ce lointain prendra finalement le nom de Mauritanie, pays desservi par la flotte bretonne. L’exploratrice et sa compagne, l’artiste Marion Sénones, embarquent le 28 novembre 1933. Son arrivée au Sahara, « roux clair, plat, infini comme une mer » selon ses mots, constituera un moment charnière dans la vie d’Odette du P. qui concentrera toutes ses activités – littéraire, scientifique et militante – autour de l’axe saharien.

Dans ses écrits sur la Mauritanie, elle rapprochera sans cesse les deux territoires, breton et saharien, terre natal et terre d’adoption, paysage inconnu mais familier. Il ne fait nul doute, en tout cas, que le désert saharien deviendra tout à fait familier pour l’ethnologue des Maures qui s’éteindra en 1991 dans sa demeure à Rabat, au Maroc.

Dans la lignée de Je suis née au son du violon, La vie de Camille Urso, première musicienne féministe de Bénédicte Flye Saint Marie et Louise Bodin, la bolchévique aux bijoux de Colette Cosnier, Odette de Puigaudeau et la Bretagne s’inscrit dans la volonté actuelle des auteures de rendre visible un matrimoine breton longtemps resté méconnu.

Odette du Puigaudeau et la Bretagne de Monique VÉRITÉ, éditions Locus Solus, 144 pages N&B + 16 p. photos. Parution : 9 juin 2023, 18€. ISBN 978-2-36833-44-78

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