Succès populaire depuis sa création en 2009, Opéra sur écran(s) revient le 9 juin à 20h avec l’opéra la chauve-souris. Champagne pour tout le monde !
De l’aveu même de ses dirigeants cela faisait près de 20 ans que cette œuvre majeure du maître de la valse avait été donnée à l’Opéra de Rennes. Depuis quelques jours cette faille dans le temps est comblée et de quelle manière ! Cette coproduction réunissant Angers-Nantes-Opéra, l’Opéra Grand Avignon, l’Opéra de Toulon et bien entendu l’Opéra de Rennes est tout simplement éblouissante, pétillante, pétulante, étincelante … Que dire encore, les mots nous manquent.
Le livret de Karl Haffner et Richard Genée puise à différentes sources, d’un côté « Le réveillon », vaudeville à succès de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, facétieux et fréquents complices de Jacques Offenbach, mais également d’une pièce de théâtre allemande de Julius Roderich Benedix intitulée « Das Gefängnis », la prison.
L’écueil représenté par le côté souvent touffu des livrets, la multiplicité des personnages et l’interprétation en langue allemande est évité avec brio par l’ajout d’un narrateur en français, en l’occurrence une narratrice et quelle narratrice ! Anne Girouard, connue du grand public pour son rôle de souveraine nunuche dans une fameuse série télévisée d’Alexandre Astier, montre avec autorité l’étendue de ses qualités de comédienne. Omniprésente, elle est un véritable fil rouge tout au long de l’œuvre et fait montre d’une énergie et d’un talent qui nous laissent pantois. Changeant de voix à l’envi, elle fait les dialogues, les soliloques, intervient à tout propos et ne laisse à aucun moment l’attention du public retomber. Au troisième acte, dans le rôle du geôlier ivrogne Frosch, elle sort totalement du cadre en entamant un curieux échange avec un percussionniste puis avec Claude Schnitzler lui-même, tout cela sans se priver de coups d’œil appuyés adressés à l’assistance.
L’argument de l’œuvre est simple ; deux fêtards incorrigibles s’enivrent au-delà du raisonnable, le premier Gabriel von Eisenstein, le second le notaire Falke. Celui-ci, après avoir totalement perdu ses moyens, est abandonné par son compagnon sous un arbre dans un parc et se voit, le matin suivant, obligé de traverser la ville, affublé d’un ridicule costume de chauve-souris, ce qui lui vaut moqueries et quolibets de la part de la populace.
L’humiliation est cuisante, pire sera la vengeance qu’il détermine alors d’en tirer. Une fête des plus galantes organisée par le prince Orlofski va lui fournir le cadre idéal pour atteindre son objectif.
Sous la baguette familière de Claude Schnitzler, fort apprécié du public rennais, l’Orchestre National de Bretagne, quoiqu’en effectif réduit, va donner de cette œuvre une interprétation joyeuse, vivifiante et musicalement irréprochable.
Le rideau s’ouvre sur ce qui pourrait être le mur d’une riche maison bourgeoise du second empire, couvert de cadres en bois doré, de toutes les formes, à l’intérieur desquels les personnages de la farce, après une sobre présentation, dialoguent, s’interpellent, à l’occasion marivaudent, et souvent complotent. L’effet est des plus plaisants et démontre dès l’ouverture des hostilités que la complicité entre le metteur en scène, Jean Lacornerie, et le scénographe et costumier Bruno de Lavenère, a fonctionné de façon optimale. Tout est là, et sans perdre un instant le public est plongé dans un ravissement pailleté où flotte sans modération la douce odeur du champagne.
Du côté des voix, pas d’erreur de casting, tout y est solide, professionnel et exempt de reproches. Stephan Genz dans le rôle Gabriel von Eisenstein fait merveille et démontre de belles qualités vocales, on y sent une solide expérience et son personnage est parfaitement crédible. Face à lui, son épouse, Rosalinde, trouve avec Eleonore Marguerre une interprète qui démontre des qualités équivalentes, une belle présence scénique, tout cela est cohérent et concourt à notre plaisir. Alfred, maître de musique et amant de Rosalinde trouvera avec l’excellent Milos Bulajic un représentant de choix.
Dans la tradition du vaudeville, il y a souvent une servante, indisciplinée et insolente et dans la Chauve-souris elle ne manque pas à l’appel, c’est Adèle ! Ce rôle dévolu à la soprano colorature canadienne Claire de Sévigné sera, sans doute aucun, notre petit coup de cœur tant elle domine son instrument, se promenant avec aisance au milieu d’aigus vertigineux, usant des ornements permis par son rôle avec désinvolture mais sans erreur, elle est un pur plaisir à elle seule.
Le second acte nous permet de participer à la fête chez le prince Orlofsky, personnage fort bien campé par Stéphanie Houtzeel, qui sera le complice narquois de la farce qui va se dérouler. Une véritable ambiance de cabaret laisse les corps s’abandonner à la danse, les convives aux chants, les gorges au champagne. C’est pour nous l’occasion attendue d’entendre s’exprimer les chœurs de l’Opéra de Rennes et, comme il fallait s’y attendre, ils s’en donnent à cœur joie et nous entraînent avec jubilation dans une bacchanale où paillettes, bulles de champagne et une féroce envie de s’amuser nous laissent abasourdis et ravis, nous en redemandons sans aucune mesure. Nous ne serons pas déçus.
Mais revenons à notre affaire. Gabriel von Eisenstein, condamné à quelques jours de cachot pour avoir malmené un argousin, va faire la rencontre de Franck, directeur de la prison, interprété de façon magistrale par Horst Lamnek. L’un et l’autre ayant choisi l’anonymat pour se rendre à la fête, se présentent sous l’identité du chevalier Chagrin et du marquis Renard. De son côté, Rosalinde a décidé de devenir une mystérieuse « comtesse hongroise », on voit sous nos yeux s’imbriquer tous les éléments de la vengeance.
C’est au troisième acte que tout va se découvrir et que cet imbroglio digne des jeux de l’amour et du hasard va trouver son heureuse conclusion. On s’y pardonne, on s’y congratule, on s’y embrasse à bouche que veux-tu, même si subsiste quelque-chose d’inachevé, allusion à fleuret moucheté à une société viennoise s’enfonçant voluptueusement dans une déliquescence très « fin de siècle ».
Les presque deux heures et demie du spectacle sont passées comme une soirée de fête. La remarquable mise en scène de Jean Lacornerie, la splendeur des décors et particulièrement des costumes, véritables réussites, sans oublier les lumières raffinées distillées subtilement ou avec éclat par un Kévin Briard facétieux et inspiré, tout concourt à l’époustouflante réussite de cette nouvelle production.
Si les contraintes sanitaires du moment empêchent le grand public d’assister à ce spectacle de façon classique, il sera possible cependant d’en profiter lors de la traditionnelle retransmission sur écrans, à l’extérieur, comme cela fut le cas les années antérieures pour la Traviata ou Carmen. La date à retenir est le mercredi 9 juin. La nécessaire distanciation rend impossible cette retransmission sur la place de la mairie de Rennes, mais d’autres lieux, en Bretagne et Pays de la Loire, vous attendent pour ce rendez-vous pétillant !
Agenda de la Chauve-souris :
Le 9 juin à 20h dans les différentes communes des régions Bretagne et Pays de la Loire :
Halle du Triangle
Vélodrome
Théâtre de Verdure du parc du Thabor
Maison des Associations
Le Tambour, Université Rennes 2
…et des terrasses des cafés
Autres communes de Rennes Métropole :
Bécherel
Betton
Cesson-Sévigné
Corps-Nuds
Cintré
La Chapelle-Thouarault
Noyal-Chatillon-sur-Seiche (en partenariat avec Chartres de Bretagne)
Orgères
Pacé
Parthenay-de-Bretagne
Thorigné-Fouillard
Romillé
Vern-sur-Seiche
Autres communes de la région Bretagne :
Arradon
La Bouexière
Loudéac
Lannion
Lamballe
Communes de la région Pays de la Loire :
Nantes :
Nef des Machines de l’Île
Hippodrome
Angers : Cloître Toussaint
Bouchemaine
Le Croisic
Saint-Nazaire
Et dans d’autres villes de la Région
le 9 juin à 20h30 sur les TV régionales :
La Chaîne Normande
LMtv Sarthe
Tebeo
Tebesud
Télénantes
TVR – Rennes
TV Tours
TV Vendée
France 3 Bretagne – site Internet
France 3 Pays de la Loire – site Internet
le 5 juin à 20h sur France Musique
Distribution :
Claude Schnitzler : Direction musicale
Jean Lacornerie : Mise en scène
Bruno de Lavenère : Scénographie, Costumes
Kevin Briard : Lumières
Raphaël Cottin : Chorégraphe, Collaborateur artistique
Katja Krüger : Dramaturge, metteuse en scène assistante
Orchestre National de Bretagne – Grant Llewellyn : Direction musicale
Chœur de Chambre Mélisme(s) – Gildas Pungier Direction
Avec :
Stephan Genz
Eleonore Marguerre
Claire de Sévigné
Veronika Seghers
Milos Bulajic
Thomas Tatzl
Horst Lamnek
Stephanie Houtzeel
François Piolino
Anne Girouard