Opéra de Rennes. Les ailes du désir de Othman Louati emportent haut le public

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Le vendredi 14 mai, l’opéra de Rennes a offert ce qui sera probablement un des événements majeurs de cette saison 2024. Les ailes du désir, spectacle inspiré du film éponyme de Wim Wenders s’est révélé être une création marquée de toutes les qualités. Poésie, rêve, exaltation, rien ne manque et pendant une heure et trente minutes le public est entraîné dans une dimension onirique sur un fond noir et blanc.

Conformément au film, l’intrigue se déroule à Berlin, ville coupée en deux où deux anges, Damielle et Cassiel écoutent les pensées des humains, leurs angoisses comme leurs aspirations. Il ne s’agit en aucun cas d’un copié collé du film mais d’une libre interprétation utilisant ce chef-d’œuvre de 1987 comme toile de fond.

La mise en scène proposée par Grégory Voillemet et la scénographie de Johanny Bert participent beaucoup au succès de cette coproduction. A l’inverse de nombre de leur collègues, plutôt que de retomber dans les habituels clichés éculés aux nauséabonds parfums sadomasochistes, ils ont fait preuve d’une remarquable créativité, et leur travail fourmille d’idées qui, sans discontinuer, stimulent l’auditeur et le maintiennent dans un état d’émerveillement et aussi de questionnement. A aucun moment on ne s’ennuie et l’heure et demie de spectacle passe le temps d’ une respiration. Certains personnages, incarnés par des marionnettes grandeur nature, sont animés avec adresse par deux à trois intervenants, lesquels, en plus de donner vie à leurs poupées, ont l’adresse de se faire oublier, à tel point que, dés la première apparition, celle d’un enfant, bien des spectateurs pensaient qu’il s’agissait d’un véritable être humain. L’illusion est si forte que l’on se prend à ressentir de l’empathie pour ces personnages, on souffre avec Peter, l’aimant jamais aimé, et lorsqu’il décide de se jeter du haut d’un immeuble, c’est toute l’assistance qui retient son souffle et s’attriste de sa fin tragique comme de sa vie stérile.

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Chacune de ses douze marionnettes prend vie par la voix du chanteur ou de la chanteuse qui l’incarne, et tous méritent d’être cités, Shigeko Hata excelle dans le rôle de l’enfant, comme Mathilde Ortsheidt en mère sans insouciance et en directrice du cirque, idem pour Camille Merckx en Marion, et Ronan Nédelec en vieux rescapé et en employé du cirque. Couronnant cette pléiade de talents, Marie-Laure Garnier en Damielle, campe un personnage complexe, décidé à abandonner son éternité après avoir découvert l’amour, cette part du divin accordée aux humains, face à elle, Romain Dayez propose un Cassiel impressionnant de rectitude, servi par une voix claire et une diction sans faille.Les deux rôles titres s’imposent comme une véritable colonne vertébrale de la dramaturgie.

S’il est un rôle informel qu’il convient de ne pas oublier, c’est indiscutablement, à la création lumières, le travail remarquable proposé par Jean-Philippe Viguié. Faire vivre une scène où tout s’exprime en noir et blanc, tel un théâtre d’ombres chinoises, n’est pas chose aisée et pourtant il s’en tire avec une adresse digne de bien des louanges. Ses éclairages donnent une vie particulière à chacun des personnages. Lorsqu’il peut enfin donner de la couleur, puisque Damielle est devenue humaine, ses qualités s’expriment avec encore plus de nuances et créent chez le spectateur un regard nouveau.

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La musique de Othman Louati est proposée avec talent par l’ ensemble «Miroirs étendus» composé d’une majorité de jeunes musiciens, lesquels sous la baguette de Fiona Monbet, servent une partition étonnante, allant des sonorités contemporaines en flirtant parfois avec des sons issus d’autres esthétiques musicales. Un bref passage chanté rappelle Nina Hagen, ce qui, à Berlin n’a rien d’incongru, alors que le remarquable duo proposé dans le dernier tableau par Shigeko Hata et Mathilde Ortscheidt, n’est pas sans évoquer les créations les plus psychédéliques de pink floyd et, nous laissant bouche bée, nous séduit bien au delà de nos espérances.

Le résumé de cette expérience musicale pourrait être «on ne s’attendait pas à cela», et de façon évidente, au sortir de l’opéra, la réaction du public était unanime et tous se félicitaient d’avoir assisté à cet événement.Il n’est d’ailleurs pas trop tard pour le faire, puisque «Les ailes du désir» seront à nouveau représentées à Rennes le mercredi 15 mai à 20h, le 17 à 20h et enfin le 18 à 18h.

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Avant d’entrer à l’opéra, nous nous posions la question de savoir, à l’instar des grandes œuvres classiques que nous écoutons avec délectation, Tosca, Norma, Don Giovanni,ce qu’il resterait dans un siècle, de cette musique contemporaine? Survivra t-elle au temps et à l’oubli, Othman Louati vient d’apporter un début de réponse et ce n’est pas la moindre des choses.

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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