Rennes. L’Opéra Tosca a transporté le public jeudi 6 juin

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C’est pour de nombreuses raisons que l’opéra Tosca de Giacomo Puccini était l’œuvre la plus attendue de cette saison 2023-2024. Le fait que ce soit l’un des opéras les plus joués au monde, comme les légendaires interprétations offertes par Maria Callas, tout concourait à créer une véritable effervescence. Le public de la première, proposée le jeudi 6 juin 2024, n’a pas regretté son déplacement tant tout fut passionné et épique.

Le retour à Rennes de la  cantatrice Grecque, Myrto Papatanasiu a aussi considérablement participé à l’engouement  du public. Si l’exigence d’un tel rôle l’oblige à alterner avec une autre chanteuse de renom, en l’occurrence Izabela Matula, le souvenir étincelant qu’elle avait laissé en juin 2013 lors de son passage pour remplacer une Traviata défaillante avait marqué au fer rouge l’esprit de tous les amateurs d’opéra, en un mot, elle y fut sublime. Ce qualificatif peut être repris pour sa première prestation dans le rôle de Tosca. Voix splendide, aux aigus affolants, tragédienne sûre de son fait, elle met à ses pieds  tout une assistance qui n’espérait que cela. Son « Vissi d’arte vissi d’amore » nous déchire l’âme et c’est tant mieux. Mais, soyons justes, elle n’est pas seule, et à dire la vérité elle est plutôt bien accompagnée.

Andeka Gorrotxategi, le ténor interprétant le rôle de Mario Cavaradossi étonne par la puissance de sa voix, même si elle va quelquefois un peu au-delà de ce que peut recevoir une salle comme l’opéra de Rennes, mais qu’importe, son implication est telle qu’il nous bouleverse et donne une réponse à la mesure de Myrtò Papatanasiu. Forcément attendu dans l’air «E lucevan le stelle» il nous tire des larmes par la simple beauté de son  interprétation et la violente émotion qu’il nous fait ressentir. Dans ce trio des rôles titres, le chef de la police Scarpia, interprété par Stefano Meo, ne reste en rien en second plan. Bien au contraire. Sa vision du personnage confine à la perfection. Il est, de plus, servi par une voix de basse ample et autoritaire. Méphitique et cruel à souhait, il emplit la scène de sa malveillante présence. On en frémit de plaisir.

Parmi les autres chanteurs on reconnaîtra en sacristain facétieux celui qui est un habitué de Rennes en la personne de Marc Scoffoni, égal à lui même, il apporte une note souriante qui contraste agréablement avec la solennité ambiante. Belle retrouvaille aussi, dans le rôle de Cesare Angelotti, avec un chanteur originaire de Rennes, Jean-Vincent Blot, qui campe un personnage en souffrance avec une belle véracité.

A défaut de citer toute la distribution, notre petit coup de cœur ira vers les enfants de la maîtrise des Pays de la Loire, lesquels, en plus de bien chanter, auront un rôle de figuration assez important dont l’impact visuel apportera une touche de légèreté, d’innocence et souvent de franche gaîté. Tout ce petit monde est joliment fagoté par Valeria Donata Bettella, avec un regard particulier vers les très belles et très féminines tenues de Tosca, et l’ensemble des danseurs et danseuses en policiers sans visage est tout à fait réussi.

Tosca étant un opéra classique le décor en noir et blanc, qu’il est juste de qualifier de minimaliste, nous apparaît un peu sévère au regard de la flamboyance de l’œuvre. L’utilisation intelligente qui en est faite balaiera rapidement ce petit moment de doute. Le premier acte s’achèvera par un Te Deum vibrant qui pourtant nous laisse un peu perplexes, à ce moment la scène s’emplit d’une foule bigarrée, arborant des costumes dignes de la fuite hors d’Égypte, on se croirait dans les 10 commandements de Cécil B. de Mille, si c’est indiscutablement flatteur, cela pose un petit problème de cohérence avec l’approche minimaliste soulignée précédemment.

Qu’à cela ne tienne, ce final en apothéose reste malgré tout un grand moment visuel et musical. La mise en scène de Silvia Paoli n’en est pas moins millimétrée et pleine d’idées qui soutiennent avec conviction la dramaturgie. A aucun moment on ne s’ennuie et les paroxysmes de violence et de passion du deuxième acte, notamment la mort de Scarpia de la main de Tosca, sont d’une intensité dramatique véritablement extatique. Les éclairages de Fiammetta Baldiserri sont d’une subtilité rarement atteinte et contribuent beaucoup à passer d’une ambiance à l’autre sans que l’on s’en rende vraiment compte. Du grand art !

Les chœurs de Angers-Nantes Opéra, sous la baguette de Xavier Ribes, offrent une prestation de haut niveau et contribuent largement au succès de ce Tosca 2024. Reste bien sur l’orchestre des Pays de la Loire placé à cette occasion sous la direction de la cheffe Clélia Cafiero,  là aussi large sujet de satisfaction même si à titre personnel nous eussions préféré une masse orchestrale un peu plus étoffée.

En conclusion, on ne pouvait guère rêver un meilleur point d’orgue pour cette saison d’opéra et dans quelques jours, après la conférence de presse prévue début juillet, nous serons en mesure de vous révéler le programme de la prochaine saison. Pas moins de sept œuvres sont d’ores et déjà programmées, dont une, en particulier, devrait vous enchanter…

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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