Rentrée littéraire. Paolo Bellomo chemine avec Faïel dans les histoires du monde

Paolo Bellomo
Paolo Bellomo

Poète originaire des Pouilles, dans le sud de l’Italie, Paolo Bellomo vit désormais à Paris. Parlant et lisant couramment plusieurs langues, auteur d’une thèse sur la pensée de la traduction, libraire, il chemine entre plusieurs vies. Faïel & les histoires du monde est son premier roman.

À la suite du meurtre imprévisible de son père, le jeune Faïel est chassé de sa ville natale avec sa mère Sisine et sa petite sœur Nennelle. Tous trois devenus étrangers, ils abandonnent leurs biens et s’enfuient, dans la hâte, à la recherche d’une nouvelle terre d’accueil. Le roman est l’histoire de cette quête, mais aussi de ceux que leur vie va croiser. Et c’est une grande histoire, pleine de mystères, envoûtante et âpre. Un récit où les êtres aiment, chantent et se taisent, où les langues et les mémoires s’affrontent. Une fable où les montagnes, les arbres et les oiseaux se font les gardiens de secrets anciens, tandis que des femmes veillent et œuvrent sans cesse dans l’espoir de sauver l’humanité.

faiel bellomo
Paolo Bellomo

On aurait pu s’en douter. Quand on a demandé à Paolo Bellomo son livre préféré au Tripode, il a choisi le roman le plus inclassable, exotique : L’homme qui savait la langue des serpents, d’Andrus Kivirähk.

Avec du recul, on se dit que l’auteur de Faïel et les histoires du monde ne pouvait qu’être attiré par ce livre qui mélange – comme le sien – l’épique à la douceur, la fantaisie au politique, la fable… au jeu sur les langues. Car on ne l’a pas encore précisé: si Faïel et les histoires du monde se donne en français, son auteur est italien. Et si le Tripode revendique souvent son goût pour les ovnis, Paolo Bellomo en est un sacré. Né dans les Pouilles en 1987, tombé par hasard dans les livres tout jeune, arrivé par accident à Paris lors d’un séjour Erasmus, le voici quinze ans plus tard installé dans cette ville en libraire, traducteur et poète polyglotte, dans une souplesse intellectuelle qui vous réconcilie avec l’espèce humaine et vous fait aimer la vie.

Après une thèse soutenue sous la direction de Tiphaine Samoyault, il traduit aujourd’hui depuis plusieurs langues. Libraire à mi-temps et lecteur assez féroce, il nourrit des goûts qui vont de Mikhaïl Bakhtine à Mariana Enriquez, d’Antonio Moresco à Gipi, de Derrida à Kateb Yacine, de Michel Foucault à Jodorowsky. Traducteur passionné, il vous raconte comment il doit freiner sa pulsion traductive lorsqu’il lit en espagnol des pages de Bolaño… Est-ce cette vie intense dans les mots qui explique la richesse et la maturité de son premier roman? Faïel et les histoires du monde est en tout cas le fruit d’une vie qui chemine depuis longtemps entre les cultures.

Ce livre, Paolo Bellomo l’a porté pendant des années dans plusieurs langues (il vous expliquera peut-être un jour comment le roman est né d’un texte de théâtre en italien suivi d’un livret de chants en dialecte). Et si le roman conte l’histoire de deux enfants qui s’opposent à la violence du monde, il incarne aussi l’expérience d’un auteur qui, pris par deux langues, a choisi la poésie et l’abandon, le plaisir d’être traversé plutôt que celui de la domination: « Je me rends compte que, naturellement, je mûris différem- ment, je désire autre chose que ça, la maîtrise, la violence. C’est comme si je voyais en elles le revers de la médaille, ce qu’elles cachent, la solitude, l’impuissance. Comment dire, je sais que je pourrais faire des choses pour ne pas perdre ma maîtrise de l’italien, pour accroître ma maîtrise du français en courant après le fantasme, l’illusion, de la maîtrise absolue. […] Avec le temps j’ai découvert que le manque de maîtrise n’est en rien un problème si on le voit comme un terrain de jeu, d’exploration. »

Faïel et les histoires du monde, Paolo Bellomo, Tripode 29 août 2024, 320 pages, 20 euros

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