Le week-end des 7 et 8 décembre 2024, Paris, la France et le monde entier assistaient à la réouverture de la cathédrale Notre-Dame, en présence de représentants de l’Eglise catholique romaine (mais sans chrétien protestant ou orthodoxe), d’une quarantaine de chefs d’Etat et de têtes couronnées, de personnalités des milieux politiques et culturels ainsi que les artisans de sa restauration et les pompiers de Paris qui sont arrivés les premiers sur l’édifice en flammes le 15 avril 2019. Unidivers a choisi de retracer les événements marquants de Notre-Dame depuis sa construction au Moyen Âge, jusqu’à aujourd’hui….
Plus de 850 ans d’Histoire
Au Moyen Âge
La première pierre de la cathédrale a été posé le 24 mars 1163 sur l’île de la Cité, construite sur les ruines de plusieurs édifices : d’abord un temple païen datant de l’époque romaine, dédié à Jupiter et situé sous l’actuel parvis ; puis à la place de quatre églises, successivement : une église chrétienne du IVe siècle ; une basilique mérovingienne ; une cathédrale carolingienne ; puis une cathédrale romane agrandie. Le pape Alexandre III assiste à la cérémonie qui lance la construction de la future cathédrale, engagée sous le règne de Louis VII par l’évêque de Paris Maurice de Sully. L’édifice restera en travaux jusqu’en 1345, année à laquelle sont ajoutés des arcs-boutants.
Maurice de Sully décide de donner une cathédrale à la mesure de la première ville de France qui compte un peu moins de 50 000 habitants en 1160. L’évêque fait ainsi édifier une longue enfilade de bâtiments sur le flanc sud de la cathédrale. Sa forme et son aménagement évolueront au fil des siècles. Le chantier exige d’importants besoins en artisans spécialisés et en fonds, ce qui explique sa durée étalée sur presque 180 ans. Des moyens humains exceptionnels sont mis en œuvre pour bâtir la cathédrale : des manœuvres, des hommes de corvée, des apprentis, des bénévoles et surtout des centaines d’ouvriers spécialisés guidés par leurs maîtres chevronnés qui dirigent la construction : le maçon, le couvreur, le menuisier, le verrier… Les femmes participent aussi aux travaux ; selon leurs forces et leurs talents, elles préparent le mortier et le plâtre et s’occupent des décors…
Le déroulement de l’édification : La conception du chœur se termine en 1177, à l’exception de son couvrement majeur et le 19 mai 1182, le maître-autel est consacré par le légat du pape, date pour l’achèvement du chœur, poutres et voûtes comprises. En 1196, Maurice de Sully fait construire le toit de sa nouvelle œuvre en plomb et les fenêtres hautes. A la fin du XIIe siècle, les travées orientales de la nef, les parties basses des travées occidentales ainsi que les bases de la façade occidentale au nord sont construites. En 1208, l’ensemble de la surface de la cathédrale actuelle est libéré. En 1215, la charpente de la nef est posée et cinq ans plus tard, le gros œuvre se termine. La structure du toit en bois a été surnommée la forêt ; elle est composée de plus de 1300 arbres datant du milieu du XIIe siècle : chaque poutre a été fabriquée à partir d’un arbre individuel. En 1245, les deux tours de la façade occidentale sont terminées et la sonnerie des cloches retentit pour la toute première fois.
En 1250, la construction de la tour nord s’achève et avec elle s’observe un allongement des deux bras du transept et la création des deux portails monumentaux surmontés de leurs gigantesques roses rayonnantes. À cette date, la cathédrale est en fait terminée et opérationnelle sous le règne de Saint Louis. Pierre de Chelles construit le jubé et commence les chapelles du chevet en 1296. En 1318 et jusqu’en 1345, le maître d’œuvre Jean Ravy commence la construction des arcs-boutants du chœur d’une portée de 15 mètres, ainsi que la confection de la clôture du chœur….
La cathédrale s’agrandit et se modifie pour devenir un modèle de l’architecture religieuse. Le 22 juin 1559 y sont célébrées les noces d’Élisabeth de France, fille aînée d’Henri II et de Catherine de Médicis, avec Philippe II d’Espagne, mais au cours de la Renaissance, les goûts évoluent et l’attrait de Notre-Dame est délaissé.
Cependant, le 22 mars 1594, Henri IV libère Paris et se dirige aussitôt vers Notre-Dame. Il y fera chanter un Te Deum, l’hymne chrétien rendant gloire à Dieu ; toutes les cloches parisiennes répondent au bourdon de la cathédrale.
Au XVIIe siècle, sous le souhait du roi de France Louis XIII, le royaume se place sous la protection de la Vierge et le roi envisage un nouveau maître-autel orné par des statues pour la cathédrale de Paris. Il sera cependant réalisé par son fils Louis XIV, le roi Soleil, qui embellit aussi l’intérieur de Notre-Dame. Le jubé est démoli pour être remplacé par une grille en fer forgé doré à la feuillure d’or ; six tableaux illustrent la vie de la Vierge et ornent le chœur. Le 18 novembre 1663, le roi Soleil convie à Notre-Dame quelque 200 représentants suisses, la plus grande ambassade helvétique jamais envoyée à l’étranger ! De grands aménagements se succèdent : en 1727, les arcs-boutants, les galeries, les terrasses sont renforcées ; en 1756, les vitraux moyenâgeux sont remplacés par du verre blanc ; En 1769, vingt cloches sont en usage à Notre-Dame de Paris : elles appellent les fidèles à se rassembler et à prier…
La Révolution française : Dès le 2 novembre 1789, Notre-Dame, propriété jusqu’ici de l’archevêché de Paris, est mise à la disposition de la nation. Elle est depuis propriété de l’Etat français. Elle est malmenée au cours de la Révolution : ses verrières sont brisées, les pavements sont défoncés et le sol est encombré de gravats. Les cloches ont été brisées et fondues, à l’exception du bourdon, pièce maîtresse de l’ensemble. Tout objet en métal précieux et en bronze a d’ailleurs été envoyé à la fonte…
La cathédrale menace de s’effondrer au début du XIXe siècle…
Le 18 avril 1802, peu après la signature du concordat, la cathédrale est rendue au culte. Des travaux uniquement d’urgence sont réalisés : Notre-Dame est blanchie à la chaux, puis parée de draperies et autres soieries, ce qui permet d’organiser le double sacre du 2 décembre 1804 : celui de l’empereur Napoléon Bonaparte et de l’impératrice Joséphine de Beauharnais, en présence du pape Pie VII. Le 9 juin 1811, on célèbre à la cathédrale de Paris le baptême du roi de Rome, l’enfant impérial, fils héritier de Napoléon 1er.
En 1830, la cathédrale subit de nouveaux assauts. Les émeutiers détruisent les vitraux et dégradent le monument en incendiant l’archevêché voisin, car Notre-Dame est victime de deux émeutes et pillages successifs sur fond d’anticléricalisme, d’abord le 29 juillet 1830 lors du renversement de la monarchie de Charles X, puis les 14 et 15 février 1831. Son mobilier, ses plafonds et boiseries sont saccagés et les sculptures sont décapités.
En mars 1831, l’écrivain Victor Hugo, qui s’intéresse beaucoup à la cathédrale, publie son roman Notre-Dame de Paris. L’ouvrage est un succès et Quasimodo et Esméralda, les personnages du roman, contribuent amplement à redonner de l’engouement et de l’attrait pour l’édifice. Notre-Dame reprend vie et touche à l’universel ! D’ailleurs l’écrivain s’installe quelques mois plus tard place Royale (aujourd’hui place des Vosges), à seulement 1500 mètres de la cathédrale. Avant la sortie de l’ouvrage Notre-Dame de Paris, la cathédrale est délaissée et délabrée. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même ; sa flèche centrale a même été démantelée ! Avec son roman Victor Hugo sensibilise l’opinion publique à l’urgence de son sauvetage. L’écrivain ressuscite la gloire du monument médiéval sous sa plume, et les lecteurs et la population prennent conscience de la valeur de ce monument qui sera finalement épargné.
Un important chantier de restauration est mené à la moitié du XIXe siècle par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc. Le mauvais état général de la cathédrale, construite il y a plus de cinq siècles, lui saute aux yeux. Il constate le délabrement un peu partout, avec notamment les grandes statues des trois portails qui sont pulvérisées, la flèche sur le toit anéantie et le trésor pillé !
Le 30 juillet 1842, Notre-Dame de Paris accueille les obsèques du duc d’Orléans, Ferdinand-Philippe, fils aîné du roi Louis-Philippe, victime d’un accident de calèche non loin de Paris.
Le 11 mars 1844, les travaux énormes de restauration de Notre-Dame sont décidés sous la direction d’Eugène Viollet-le-Duc et d’un de ses jeunes confrères Jean-Baptiste-Antoine Lassus, qui hélas meurt en 1857. Après la restauration de la sacristie, Eugène Viollet-le-Duc installe son bureau dans la tour sud de la façade de la cathédrale. Très proche des ouvriers, des charpentiers, de tous les artisans, en travailleur insatiable il dessine les échafaudages, vérifie la préparation des mortiers et des enduits, prend parfois le pinceau pour fignoler des décorations. De nombreux artisans installent leurs ateliers au pied de la cathédrale, comme cela se faisait au Moyen Âge. L’architecte s’appuie sur les dessins anciens ; il connaît presque tout des matériaux et des techniques de construction utilisés au Moyen Âge. La restauration est un formidable bain de jouvence pour Notre-Dame. Les pierres abîmées sont remplacées ; l’ensemble des statues de la façade et de la galerie des rois sont rétablies et retrouvent leur aspect du XIIIe siècle ; la rose méridionale est restaurée ; la sacristie est entièrement reconstruite dans le style du Moyen Âge, après avoir creuser à 9 mètres pour poser les fondations ; pour remplacer les tuyaux de plomb, Eugène Viollet-le-Duc dessine et fait sculpter des gargouilles. Il fait aussi remplacer la flèche initiale par une nouvelle flèche beaucoup plus grande en chêne, recouverte de plomb, qui s’élève à 93 mètres depuis le sol et qui pèse 750 tonnes.
Le 30 janvier 1853, l’empereur Napoléon III épouse l’aristocrate espagnole Eugénie de Montijo à Notre-Dame
Les travaux de la cathédrale de Paris prennent fin le 3 janvier 1865. Eugène Viollet-le-Duc aura consacré vingt ans de sa vie à ce chantier.
Au cours de la guerre de 1870, les Prussiens tentent d’incendier Notre-Dame, mais, juste à côté, les internes en pharmacie de l’Hôtel-Dieu sauvent la cathédrale des flammes le 24 mai 1871.
Au cours de la première guerre mondiale et par peur des bombardements allemands, Paris protège ses monuments. À Notre-Dame, on installe sur les portails de la cathédrale des milliers de sacs de sable, afin que les sculptures ne soient pas ravagées par les bombes. L’édifice traverse la Grande Guerre sans trop de dommages ; seul son toit est légèrement touché lors d’un raid aérien le 11 octobre 1914
En 1940, sous l’occupation allemande, on ressort les sacs de sable qui sont disposés devant les sculptures de la façade ouest de la cathédrale Notre-Dame, afin de la protéger des bombardements. Lors de la libération de Paris au mois d’août 1944, la cathédrale subit quelques dégâts mineurs causés par des balles perdues. Certaines verrières médiévales sont endommagées : elles seront remplacées par des verrières aux motifs abstraits modernes. Malgré les tireurs embusqués, le 26 août 1944, le général Charles de Gaulle célèbre le Te Deum de la victoire et chante le Magnificat à l’intérieur de Notre-Dame aux côtés du père dominicain Raymond-Léopold Bruckberger.
En 2013, Notre-Dame de Paris célèbre son 850ème anniversaire avec notamment la rénovation de l’orgue et du trésor. Huit nouvelles cloches sont réalisées et installées dans la tour Nord de la cathédrale et un second bourdon dans la tour Sud, conformément aux plans de Viollet-le-Duc en 1845 et sous la direction de l’architecte Philippe Villeneuve. Les cloches sont bénites le 2 février 2013 par l’archevêque de Paris. Installées dans les tours, elles sonnent pour la première fois le 23 mars 2013.
Le 14 avril 2019 vers 18h20, un feu parti de la charpente, au niveau du comble, se propage rapidement et gagne l’ensemble du toit. Rapidement, un violent incendie, renforcé par les vents, ravage la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il détruit sa charpente, sa toiture devant des passants et des parisiens hébétés et choqués. A 19h50, la flèche de Notre-Dame s’effondre, provoquant l’écroulement de la voûte d’une travée de la nef. 400 pompiers vont lutter jusqu’au petit matin pour sauver Notre-Dame. L’incendie aura duré une quinzaine d’heures devant de nombreux spectateurs qui assistent impuissants à la tragédie. Le lendemain 16 avril à 9h30, le feu est enfin déclaré éteint. Une enquête pour destruction involontaire par incendie est ouverte. Les enquêteurs écartent l’acte criminel et privilégient la piste d’un dysfonctionnement du système électrique ou celle d’un départ de feu occasionné par une cigarette mal éteinte…
L’architecte Philippe Villeneuve reprend du service après l’incendie ; un chantier titanesque et inédit s’ouvre afin de restaurer Notre-Dame de Paris, avec le général d’armée Jean-Louis Georgelin, nommé chargé de mission pour la reconstruction de la cathédrale en 2020, et conformément aux plans d’Eugène Viollet-le-Duc.
Après l’incendie, plusieurs opérations de nettoyage en profondeur ont eu lieu pour éliminer les poussières de plomb toxiques. Après les mesures de sécurité nécessaires et une période Covid qui a retardé le chantier, les travaux de reconstruction de la flèche, du toit, de la voûte et de la nef détruits, peuvent commencer en août 2021. Ces travaux comprennent la fortification des pignons pour protéger trois grandes rosaces et celle des piliers endommagés de la nef, le renforcement des arcs-boutants, l’emballage et la protection des gargouilles, et l’enlèvement de l’échafaudage brûlé qui entourait auparavant la flèche, la cathédrale étant en travaux au moment de l’incendie !
En août 2022, Philippe Jost est désigné pour diriger les travaux, à la suite de la mort accidentelle de Jean-Louis Georgelin. Les vitraux de 170 ans d’âge ont résisté à la chaleur de l’incendie, mais ont été souillés par la fumée. En septembre 2022, huit verriers sont chargés de restaurer les 39 fenêtres hautes de la nef. En mars 2024, les travaux de toiture sont achevés : ils ont nécessité l’abattage de 12 000 chênes.
Quelques clichés des travaux de Notre-Dame au cours de ces cinq dernières années
La réouverture de Notre-Dame, les samedi 7 et dimanche 8 décembre 2024
Samedi 7 décembre 2024 en soirée, après l’accueil des invités par le président Emmanuel Macron et son épouse et après un court discours de sa part sur le parvis de Notre-Dame, l’archevêque Laurent Ulrich a procédé à la réouverture rituelle des portes massives de la cathédrale pour guider les 1500 invités lors d’un office de réouverture. Le dimanche, une messe inaugurale, avec des rites spéciaux pour consacrer l’autel principal a réveiller son orgue tonitruant. Pour la France et l’Église catholique, les cérémonies télévisées ont été l’occasion d’afficher leur résilience et leur influence mondiale…
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