Pierre Lapointe, vous le connaissez forcément si vous avez séjourné dans la Belle Province ou avez écouté France Inter durant l’été 2014. Ce chanteur québécois y croquait chaque jour l’actualité à travers une plaisante chronique. Mais force est de reconnaître qu’il n’a pas encore percé dans notre Hexagone. Le mérite-t-il ? Le cas échéant, peut-être ne rentre-t-il pas dans les cases habituelles de ce que les Français considèrent comme un « chanteur canadien »…
Un peu d’histoire avant qu’il nous en raconte…
Né près du lac Saint-Jean, à Alma au Québec, en 1981, Pierre Lapointe connait une carrière précoce. Dès 2001, il reçoit plusieurs prix qui récompensent ses qualités d’auteur-compositeur-interprètes et les critiques de Montréal saluent ses premiers spectacles. Prix du jury aux Francofolies de Montréal, Prix Felix-Leclerc en 2004, beaucoup pense que sa carrière va décoller en France en 2005.
Malheureusement, le succès est davantage critique (il reçoit le Prix de l’Académie Charles-Cros) que public, alors qu’il reçoit pourtant un disque d’or pour son premier album…. Au Canada, il reçoit le platine. Grand admirateur de Jacques Higelin ou Brigitte Fontaine, il a la chance de chanter en duo avec cette dernière, notamment au Printemps de Bourges 2007. Au Canada, il enfile les Felix (Felix Leclerc, l’équivalent des victoires de la musique) comme des perles et remplit les salles et les stades. Et malgré des changements de styles, des projets divers et variés, le succès ne se dément pas.
Comment le définir ? Il admire également Barbara ou Léo Ferré (c’est manifeste dans son nouvel album), apprécie la musique pop et entretient une curiosité soutenue pour les expérimentations vocales. Pourtant, il ne possède pas de signature vocale très marquée – autrement dit une voix. Sa force vient autant des textes que d’une puissance interprétative qui captive l’auditeur. Aussi, quand il annonce revenir à un style épuré pour ce Paris Tristesse, s’attend-on à de grands moments de poésie.
Et nous ne sommes pas déçus !
Avec Nu devant moi, il semble se mettre à nu dans une mélodie sobre (en apparence) qui laisse la place aux mots. Il y a de la nostalgie, comme dans l’ensemble de cet album. Nostalgie aussi dans le 27-100 rue des partances qu’il parcourt avec nous. Ou dans La plus belle des maisons où la tristesse devient pesante. Et comme ce qui est triste est souvent beau, il essaye d’aimer d’autres garçons, sans y parvenir… Alors il reprend Comme ils disent d’Aznavour. Et l’auditeur redécouvre quasiment ce classique de la chanson française. Le drame le rend cru comme dans Quelques gouttes de sang. Oui, il se branlera en pensant à toi… Paris Tristesse porte donc bien son nom. Il nous parle gravement dans Tu es seul et restera seul et joue des mots comme des notes et des pensées : Pense, Aime… Oui, il choisit d’aimer dans S’il te plait ou de croire qu’on peut l’aimer le temps d’une nuit.
Et lui qui n’osait pas s’attaquer à Leo Ferré, parvient à relever ce défi avec C’est Extra qu’il réinvente. Il a sa folie, son énergie à lui. Et ce Mal de vivre, cher à Barbara. Il faut bien vivre… en effet. Et qu’importe finalement les tonalités de cet album. Paris Tristesse peut être reçu aussi bien comme un exutoire psycho-existentiel que comme un recueil élégiaque à l’amour – une variation des points de vue qui nous fait ressentir la vie. Désormais, nous espérons retrouver très vite Pierre Lapointe. Amoureux toujours.