TROIS JOURS DANS LA VIE DE PAUL CÉZANNE

Avec ce texte surprenant, Mika Biermann nous invite à découvrir Trois jours dans la vie de Paul Cézanne, le peintre d’Aix-en-Provence, dans son intime personnalité. Un récit court pour une description foisonnante. Et profonde.

PAUL CEZANNE
Trois jours dans la vie de Paul Cézanne de Mika Biermann. Éditions Anacharsis. 94 pages. 12€. Parution janvier 2020

C’est une silhouette un peu pataude, mal fagotée, négligée. Lorsque l’on s’approche on sent même une odeur désagréable. Si on a le style facile, on écrira qu’elle ressemble à « un ours mal léché ». Si on veut faire un effort on dira : « un saltimbanque de laine salement vêtu ». Si on s’appelle Mika Biermann, on écrira: « on dirait un forgeron invité à la remise de diplôme de sa nièce. Le monde a déposé sa poussière sur l’homme ». Là est toute la différence. Là est tout l’intérêt de ce court texte magnifique.

Paul cézanne
Paul Cézanne, La carrière de Bibémus (vers 1895)

L’homme pataud, se prénomme Paul, appelons le avec l’auteur « Peintre Paul ». Il part avec un chien sur le motif. Peut-être va-t-il s’arrêter à la carrière de Bibemus ? Ou devant la silhouette d’un cyprès ? Il choisit finalement les lointains, les silhouettes de montagnes qui, sous son pinceau, vont prendre des teintes empruntées à la couleur prune, la couleur préférée de Paul, au bleu, au noir. La tâche de peindre pour peindre une tache. Puisqu’il est taiseux, on le suit, Paul, et on commente.

Paul cézanne
Paul Cézanne : Autoportrait en casquette (1872)

Le peintre fait des exercices de style concentré sur ses cônes, ses sphères, ses cylindres. L’écrivain cisèle ses mots pour raconter un homme qui parle peu. Pour ne pas le déranger, on va l’accompagner ce taiseux, trois jours, trois petites journées, histoire de ne pas se faire jeter comme un voyeur que nous pourrions devenir. Il ne vaut mieux pas s’attirer la colère de « Peintre Paul », il serait capable de nous jeter à la figure son chevalet et même ses tubes de couleurs qui lui permettent de quitter l’atelier pour peindre en plein air. Il est susceptible. Et colérique. Le deuxième jour, il reçoit la visite du docteur Gachet, ce médecin d’Auvers sur Oise qui lui parle d’un Hollandais à l’oreille coupée.

Hortense Fiquet Cézanne
Hortense Fiquet-Cézanne en robe rouge (1890)

Et puis il rencontre une sphinge, un faune, une muse mais surtout la Rotonde, une jeune femme allongée le long d’un talus. Elle va lui bouleverser la vie, la Rotonde, ou du moins, lui ôter quelques heures parmi celles consacrée à saisir le paysage ou à composer quelques natures mortes aux pommes et au couteau. Elle est allongée et quelque chose dans son corps dit qu’elle ne bougera plus. Plus jamais. Cela perturbe Paul. Même son fils venu de Paris, et dont il souhaite être appelé « père » et non « papa », l’a moins dérangé.

PAUL CEZANNE
Paul Cézanne. Portrait du fils de l’artiste vers 1881-1882

Comment faire face à la vie, à la mort, quand on consacre son temps à chercher l’équilibre dans le paysage, à percer le secret d’un reflet moiré d’un couteau sur une table et que les gens, les autres, vous dérangent ? Même Renoir agace. Alors que faire ? Laisser tremper ses pinceaux un peu plus longtemps dans la térébenthine ? Ou agir ? « Peintre Paul » cherche un style, ce style que Mika Biermann a trouvé avec ses mots, ses phrases, qui ne montrent pas des couleurs, mais les pensées intimes d’un homme qui se dévoile pudiquement devant nous au fil des paragraphes.

Paul cézanne
Cézanne autoportrait vers 1895

Bourru, asocial, égocentrique, misanthrope, rien exactement de tout cela, mais un peu de tout cela, qui mélangé sur la palette des pages de l’écrivain, construit une silhouette inoubliable, celle d’un « artiste peintre », pas d’un peintre en bâtiment. « Question de taille de pinceau ». La prochaine fois que vous irez au musée et que vous tenterez de percer l’autoportrait et le regard sombre et noir d’un homme barbu, chauve, dont le cartouche du tableau vous précisera qu’il s’agit de Paul Cézanne, né à Aix en Provence en 1839 et mort dans la même ville en 1906, vous aurez compris quelque chose de ce sacré bonhomme. Vous aurez le sentiment d’avoir percé un peu de son mystère. De son regard. Celui qu’il a embrouillé avec la pointe de ses pinceaux.

Trois jours dans la vie de Paul Cézanne de Mika Biermann. Éditions Anacharsis. 94 pages. 12€. Parution janvier 2020.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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