Réalisée pour l’association Minoterie 21, l’œuvre murale in situ du Rennais Quentin Montagne, Pellucidar, s’affiche sur le pigeonnier du Moulin de Guéveneux, à Peillac, dans le Morbihan. Visible pendant un an en extérieur, elle donne à voir un monde perdu et imaginaire en grand format, à l’image de son environnement.
Implantée dans une zone rurale de Bretagne, l’association MINOTERIE21 invite des artistes français et étrangers à participer à différents projets « comme concevoir des abris/cabanes pouvant remplir une fonction de lieux de retraite et de réflexion, de pièces d’art à part entière, ou d’exposition, offrir des résidences de recherche et de création aux artistes, proposer de nouvelles interventions de peinture sur un panneau visible tous les jours ou accueillir des artistes sur certains événements tels que performances, concerts, expositions », peut-on lire sur le site de l’association.
Parmi ces artistes, le Breton Quentin Montagne a réalisé une œuvre murale in situ, Pellucidar, visible pendant un an en extérieur, au Moulin de Guéveneux, à Peillac (Morbihan). Depuis peu, son monde perdu s’affiche contre le pigeonnier, visible de la route. « L’ensemble du projet est né de la proposition de l’association Minoterie21. J’avais carte blanche, mais je voulais réagir au cadre particulier dans lequel j’allais intervenir. Je ne connaissais pas du tout le lieu avant de m’y rendre au début de l’été. C’est vraiment un bel endroit », déclare Quentin Montagne.
« MON TRAVAIL ARTISTIQUE S’ORIENTE SUR LA CITATION, L’EMPRUNT ET LA TRANSPOSITION », Quentin Montagne, 2020.
Développant sa pratique artistique autour de la ruine, pendant ses études à l’EESAB de Rennes, cette dernière s’est ensuite naturellement tournée vers l’animal. Tous deux questionnant une forme de passé, sans pour autant dispenser un discours engagé. Ce n’est pas le but. « Dans le contexte actuel, les deux ont une signification proche en termes de vestiges », expliquait-il dans l’entretien réalisé en 2020, dans le cadre de sa résidence d’artiste à l’Aparté, lieu d’art contemporain (Iffendic). Une vision plutôt nostalgique et romantique s’inscrit dans ses créations. Une nostalgie que l’on retrouve dans Pellucidar, où la ruine, le végétal et l’animal forment une unité artistique, tel un condensé de ses sensibilités et intérêts.
La première chose qui attrape le regard c’est cette nuée d’oiseaux qui arrive de la gauche. Elle ne peut passer inaperçu. Loin d’être les volatiles effrayants du célèbre thriller Les oiseaux d’Alfred Hitchcock, espèces éteintes et espèces vivantes se côtoient dans une composition foisonnante et colorée. « Au risque d’être cliché, ce qui m’a marqué, ce sont les oiseaux et la rivière, l’Arz. Il y avait quelque chose de très apaisant, de pastoral avec les grands arbres environnants, les cabanes d’artistes et, de l’autre côté de la rivière, des ânes et des moutons. Tout cela avec une magnifique lumière. C’est cette scène qui m’a d’abord inspiré », se rappelle Quentin. « Tout de suite, j’ai eu l’idée d’un arbre empli d’oiseaux, à la manière d’un inventaire naturaliste du XIXe siècle ou de certaines peintures classiques. Je pense notamment à une œuvre du Musée des Beaux-Arts de Rennes, L’Arbre aux oiseaux de Jan I Van Kessel. » Ce choix de sujets n’est pas sans rappeler ses récentes créations, notamment les nichoirs à oiseaux réalisés dans le cadre de sa résidence à l’Aparté. Quentin Montagne poursuit sa recherche en tirant ce fil qui l’explore par le prisme de sa création artistique.
Puis, de-ci de-là, d’autres espèces aujourd’hui disparues, comme les dinosaures, apparaissent. Et avec, différentes époques se croisent. On ne peut que s’attarder sur les moindres détails. Pellucidar est à appréhender comme une fresque que l’on décrypte, à lire comme un roman de science-fiction. Mais que nous raconte Quentin Montagne ?
Chacun.e regardera probablement l’œuvre au travers de ses propres expériences, de sa propre sensibilité. Mais ce foisonnement d’éléments ne peut que questionner, même si ce n’est pas le but initial. Au milieu de cette jungle animale, un corps d’homme à la tête de singe se distingue. Au cœur de cette immensité disparate, que nous raconte-t-il ? « La scène initiale, la jungle pleine d’oiseaux et de singes, s’est alors mêlée à d’autres envies, à d’autres images que j’amassais et que je découpais depuis quelques mois en vue de nouveaux collages, à base de dinosaures, de soldats de l’antiquité, de ruines, etc. Quelque chose de l’ordre du monde perdu à la Conan Doyle ou la Jules Verne. » D’où le titre Pellucidar d’ailleurs. Ce monde souterrain imaginé par Edgar Rice Burroughs, l’auteur de Tarzan, en 1914 (At the Earth’s Core, paru d’abord dans le magazine The All-Story Magazine). « Cette référence me permet de rassembler des éléments pour le moins disparates, mais que la plupart de gens connaissent, tout en jouant avec des changements d’échelles, de textures, etc. D’une certaine manière, ma façon de composer l’image évoque aussi la manière dont les enfants se racontent des histoires à partir de boîtes de jouets hétéroclites, quand les figurines de soldats, les animaux de plastiques ou même les peluches participent d’un coup à un même récit. »
Dans la continuité de ses travaux à L’aparté (Iffendic, Bretagne) et à 2angles (Flers, Normandie), Quentin a choisi de réaliser un collage, une impression sur PVC précisément. « La situation du pigeonnier au Moulin de Guéveneux, directement face à la route, me rappelait un panneau publicitaire. Pourquoi ne pas utiliser le même support que les panneaux de réclame ? J’ai donc réalisé un collage dans mon atelier en vue de le photographier et de l’agrandir lors de l’impression. » Le choix de ce support, sa signification, laisse place à de nouvelles interprétations. A contrario d’un panneau publicitaire agressif, Quentin propose ici la douceur de la nature et quelque part, l’histoire de notre monde. Son évolution, sa richesse, ses erreurs également.
Et Pellucidar ne s’arrête pas là. L’œuvre se développe, grandit au fil de l’inspiration de son créateur qui semble avoir encore beaucoup de choses à dire. « Le panneau du pigeonnier ne montre qu’une partie du collage dans mon atelier. » Sous l’impulsion de la proposition de la Minoterie21, Quentin poursuit ce travail d’une longueur de 240 cm et d’une hauteur qui reste encore à définir puisqu’elle « augmente au fur et à mesure de nouveaux ajouts ».
Moulin de Guéveneux, 56220 Peillac
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