On la disait « petite » pour la différencier de la rentrée qui débute fin août mais la rentrée littéraire de début d’année prend de plus en plus d’ampleur au fil des ans. Avec 545 nouveaux romans, 385 romans français dont 61 premiers romans, et 160 romans traduits, elle s’impose aussi en qualité.
En littérature française sont particulièrement attendus David Foenkinos (Numéro deux), Leïla Slimani (Regardez-nous danser) et Karine Tuil (La décision) chez Gallimard, Jeanne Benameur (La patience des traces), Sylvain Mathieu (Connemara) chez Actes Sud, Philippe Besson (Paris-Briançon) chez Julliard, Pierre Lemaitre (Le grand monde) chez Calmann-Levy), Frédéric Beigbeder (Le barrage de l’Atlantique) chez Grasset et Michel Houellebecq (Anéantir) chez Flammarion.
En littérature étrangère, on retiendra Louise Erdrich (Celui qui veille) chez Albin Michel, Jon Kalman Stefansson (Ton absence n’est que ténèbres) chez Grasset, Elif Shafak (L’île aux arbres disparus) chez Flammarion, Erri de Luca (Diables gardiens) chez Gallimard et Ismaïl Kadaré (Disputes au sommet) chez Fayard.
Voici plus en détail quelques titres qui ont retenu notre attention
https://issuu.com/actes_sud/docs/9782330159856_extraitPour sa poésie et son rapport à l’humain, j’ouvre cette revue avec Jeanne Benameur. La patience des traces (Actes Sud, 5 janvier 2022) raconte une histoire d’amours et d’amitiés, de silences et de rencontres. Psychanalyste, Simon a fait profession d’écouter les autres, au risque de faire taire sa propre histoire. Mais un fait anodin le met face à lui-même. Commence alors une quête existentielle qui le conduit au Japon vers la technique ancestrale du kintsugi (l’art de réparer). C’est le récit d’une conquête de liberté, l’expression triomphante de la salutaire foi en l’humain.
Karine Tuil, observatrice engagée de notre société, s’impose en cette rentrée avec son nouveau roman La décision (Gallimard, 6 janvier 2022). Mai 2016. Dans une aile très sécurisée du Palais de justice, la juge Alma Revel doit se prononcer sur le sort d’un jeune homme suspecté d’avoir rejoint l’État islamique en Syrie. À ce dilemme professionnel s’ajoute un drame plus intime, une liaison avec l’avocat qui défend l’accusé. Avec ce nouveau roman, Karine Tuil nous entraîne dans le quotidien de juges d’instruction antiterroristes, au cœur de l’âme humaine, dont les replis les plus sombres n’empêchent ni l’espoir ni la beauté.
Véronique Olmi nous parle du système carcéral pour enfants avec Le gosse (Albin Michel, 26 janvier 2022). Dans l’entre-deux guerres, Joseph vit heureux à Paris entre sa mère, sa grand-mère, ses copains et les habitants du quartier. Mais le destin fait voler en éclats son innocence et sa joie. De la Petite Roquette à la colonie pénitentiaire de Mettray, ce roman illustre les dérives du système carcéral pour enfants à travers le récit d’une enfance saccagée.
Place à un premier roman. Le Malien Diadié Dembélé met en scène Le duel des grands-mères (JC Lattès, 5 janvier 2022). Insoumis, Hamet, un jeune garçon de Bamako, est envoyé loin de la capitale, dans le village où vivent ses deux grands-mères. Dans ce village, il va apprendre l’obéissance mais aussi l’histoire de sa famille, de ses racines. De quoi apprendre à bien grandir. Un premier roman bouleversant, porté par une langue pleine d’inventivité et de poésie.
Pour commencer la revue en littérature étrangère, je laisse la place à Louise Erdrich, figure incontournable de la littérature amérindienne. Celui qui veille (Albin Michel, 5 janvier 2022, traduit par Sarah Gurcel) est un majestueux roman polyphonique couronné du Prix Pulitzer. Nous sommes dans le Dakota du Nord en 1953. Thomas Wazhashk est veilleur de nuit dans l’usine de pierres d’horlogerie proche de la réserve de Turtle Mountain. Il est déterminé à lutter contre le projet du gouvernement fédéral censé « émanciper » les Indiens, car il sait bien que ce texte est en réalité une menace pour les siens. Un long combat commence. Il va leur révéler le pire, mais aussi le meilleur de la nature humaine. Inspirée par la figure de son grand-père maternel, qui a lutté pour préserver les droits de son peuple, Louise Erdrich nous entraîne dans une aventure humaine peuplée de personnages inoubliables.
Autre référence mais cette fois en littérature turque. Elif Shafak nous emmène sur L’île aux arbres disparus (Flammarion, 12 janvier 2022, traduit par Dominique Goy-Blanquet). Le roman commence par un cri de révolte d’une jeune lycéenne et finit par un rêve de renaissance. Entre les deux, il y a la rencontre du Grec Kostas Kazantzakis et d’une jeune fille turque, Defne, en 1974, dans une Chypre déchirée par la guerre civile. L’auteur nous conte l’histoire d’un amour interdit dans un climat de haine et de violence qui balaie tout sur son passage.
Figure montante de la littérature d’Amérique latine, Selva Almada revient avec une ode à la nature. Ceci n’est pas un fleuve (Métailié, 14 janvier 2022, traduit par Laura Alcoba) campe trois personnages fatigués par l’effort et le soleil, en lutte contre une raie géante. À chaque page, le paysage, les éléments façonnent le comportement et la psychologie des personnages qui confondent le rêve et la réalité, le présent et les souvenirs dans la torpeur fluviale. Selva Almada démystifie l’amitié masculine, sa violence, sa loyauté dans un roman ensorcelant.
Après Une famille presque normale, lauréat étranger du prix Nouvelles voix du polar 2021, M. T. Edvardsson est de retour pour disséquer, avec un sens inégalé du suspense, la société suédoise et les travers d’une petite communauté bien sous tous rapports. Ceux d’à côté (Sonatine, 13 janvier 2022, traduit du suédois par Rémi Cassaigne) est l’histoire de voisinage d’un couple venu de Stockholm pour vivre au calme dans la petite ville de Köpinge. Mais le quartier n’est pas aussi idyllique que souhaité. Le malaise monte jusqu’à l’accident qui va faire basculer leurs vies.
Prix du livre Inter en 2021, Un jour ce sera vide d’Hugo Lindenberg sort en version poche chez Livre de Poche le 26 janvier 2022. Un subjuguant premier roman qui narre l’enfance du jeune Baptiste lors de vacances chez sa grand-mère en Normandie.
https://issuu.com/rouergue/docs/extraits_-_entre_fauves_-_colin_niel/6Les romans noirs sont surtout en version poche en janvier. Ne ratez pas Entre fauves (Livre de poche, 26 janvier 2022). Entre chasse au fauve et chasse à l’homme, vallée d’Aspe dans les Pyrénées enneigées et désert du Kaokoland en Namibie, Colin Niel tisse une intrigue cruelle où aucun chasseur n’est jamais sûr de sa proie.
Bonne année 2022 !