À l’occasion de la parution de A Pedestrian View(1) premier livre consacré à l’illustrateur américain Robert Weaver (1924-1994), Unidivers propose à ses lecteurs de découvrir cet artiste, initiateur du Visual Journalism, particulièrement méconnu en France. En guise d’introduction à l’œuvre de Robert Weaver, voici le commentaire d’une illustration représentative du travail de l’artiste, publiée il y a un plus de cinquante ans dans les pages du magazine Playboy.
Playboy, un magazine ambivalent entre consumérisme et subversion
Avant d’aborder l’image en question, présentons le contexte de sa publication. Un Playboy américain du début des années 60 est un magazine au contenu éditorial varié, qui apparaît à la fois familier et exotique pour un lecteur de 2013. Familier parce que c’est à cette époque faste pour la presse que s’invente une esthétique hédoniste et publicitaire qui perdure dans les médias internationaux jusqu’aujourd’hui. Exotique, parce que l’en parcourant un numéro, il est fréquent de découvrir quelques textes et images de grande qualité, des « contenus » forts qui n’ont pas été éventés par le temps, qui parfois même semblent être à la pointe de l’innovation, du point de vue du fond comme de la forme.
D’abord, il convient de dire juste quelques mots sur les pages de photos de pin-up nues (les playmates), qui figurent au centre de l’ouvrage : elles sont terriblement sages et ennuyeuses, on les utiliserait volontiers aujourd’hui pour faire la réclame de savons ou de linge de bain.
La moitié d’un magazine est constitué de publicités ou de contenus éditoriaux s’apparentant à de la publicité. Voilà un catalogue de tous les moyens chics pour dépenser son argent, véritable hymne à la consommation. Pour être bien dans sa peau et espérer séduire les femmes, l’homme moderne doit s’habiller élégamment, fumer des cigarettes, boire toutes sortes de whiskies, fréquenter stations balnéaires et sports d’hiver, se rendre à l’occasion à des parties de chasse, conduire avec assurance une voiture de sport aussi bien qu’un voilier. S’il fait tout cela, le succès auprès de THE WOMAN – sorte de race extraterrestre à conquérir – paraît lui être assuré. Une partie du staff du mensuel emploie tout son art à affirmer cet idéal de réussite et de sex-appeal masculin à l’américaine.
Mais Playboy se caractérise aussi par un équilibre paradoxal entre conformisme et provocation et l’editor and publisher Hugh M. Hefner et le directeur artistique Art Paul ont l’intelligence de laisser s’exprimer librement écrivains et artistes en vogue – ou en passe de l’être, la revue donne le ton. Ainsi participent à la publication, par exemple, les écrivains de science-fiction Ray Bradbury, qui décrit avec mélancolie le désenchantement du monde moderne ou Arthur C. Clarke, qui dépeint l’écosystème planétaire menacé par la sur-industrialisation. On y trouve également des cartoons de Jules Feiffer, qui fait la satyre des couples dysfonctionnels ou de Gahan Wilson qui remet au goût du jour un humour macabre héritier de Poe et Lovecraft. Figurent également dans Playboy des entretiens avec des figures internationales véritablement subversives aux États-Unis à l’époque aussi diverses que Ayn Rand, la théoricienne de l’Objectivisme ou l’écrivain français Jean Genet.
Ainsi dans Playboy, en contrepoint de la promotion d’un idéal de vie stéréotypé et superficiel, des textes satyriques, inquiets et subversifs décrivent une société en pleine transformation que ce soit d’un point de vue moral, social, technologique et en écho, s’affichent, dans les nombreuses photographies et illustrations, des expérimentations graphiques, des visions iconoclastes qui manquent cruellement à la presse d’aujourd’hui(2).
Playboy entertainement for men january one dollar
Au sommaire de ce numéro spécial vacances, on peut lire les noms de Ray Bradbury, Jules Feiffer, Leicester Hemingway (qui parle son frère), Garson Kanin, D. H. Lawrence (pour des lettres inédites), Henry Miller (qui défit la censure des Bostoniens), Ken Purdy, William Saroyan, Irwin Shaw et P. G. Wodehouse (qui évoque sa méthode d’écriture). À noter que c’est le nom d’Irwin Shaw qui figure au sommet de la liste, comme en tête d’affiche, sur la couverture. Irwin Shaw (1913-1984) est l’auteur d’un roman moral sur la Deuxième Guerre mondiale The young lions / Le bal des maudits (1948) et de Two weeks in another town / Quinze jours ailleurs (1960), romance sur des stars hollywoodiennes décadentes débarquées à Rome. Il fut également scénariste de théâtre et de cinéma blacklisté par le maccarthisme dans les années 50.
Une image unique
En janvier 1962, l’artiste Robert Weaver est déjà un professionnel affirmé, dont le nom est très largement ignoré du grand public – les illustrateurs, surtout les illustrateurs de presse, non rien de stars –, mais dont les travaux sont suivis par ses pairs et certains commencent à tenter de l’imiter. Sa pâte semble appréciée par les art directors des magazines à grand tirage, qui rivalisent d’audace pour trouver des visuels modernes dans des styles inédits, quitte à déstabiliser leurs lecteurs. Weaver a illustré des articles économiques pour Fortune, une série de dossiers sur le crime aux États-Unis pour Life et couvert la campagne de Kennedy de 1959 pour Esquire. Il a également illustré des fictions pour le magazine féminin Cosmopolitan. En mars 1962, ses peintures accompagneront un article sur le baseball dans Sports Illustrated qui est aujourd’hui considéré comme un des sommets de l’illustration sportive(3). Weaver qui a toujours revendiqué son indépendance, toujours en quête de sujets nouveaux qui lui permettent de se dépasser, ne s’est jamais restreint à contribuer assidûment à un seul journal, et bien qu’il connaisse à l’époque un certain succès, il garde l’esprit d’un « outsider ». Ainsi, il ne fait pas partie des illustrateurs réguliers de Playboy. A notre connaissance, cette illustration est la seule réalisée pour Playboy en 1962 et Weaver ne figure pas dans les numéros de 1961(4). Il faudra attendre le printemps 1963 pour voir de nouveau apparaître sa signature pour une série d’illustrations d’un James Bond de Ian Fleming(5). Cette image de janvier 1962, pourrait donc être la première réalisée pour le magazine. Nous ne l’avons pas vue reproduite ailleurs, ni même référencée nulle part, que ce soit dans une publication papier ou sur Internet(6). Peut-être que cet article contribuera à lui donner une nouvelle vie(7).
Tune every heart
l’illustration disposée sur la page de gauche illustre une nouvelle qui démarre sur la page de droite. Il s’agit d’un texte de quatre pages de Irwin Shaw, dont le titre, Tune every heart and every voice, provient du refrain d’une chanson populaire et peut se traduire littéralement par Que chaque cœur et chaque voix s’accordent. Vis à vis de la page de texte, le rôle d’une illustration comme celle-ci est double. Consommée d’abord une première fois avant la lecture – pour être plus précis, notre attention est partagée, car au même moment l’on déchiffre déjà le titre en gras sur l’autre page – c’est une sorte d’appetiser qui nous invite à entrer dans les mots. Puis, plus tard, pour rester dans l’ambiance de rêve éveillé que nous a procuré la lecture d’une fiction, la tentation est grande de retourner voir de nouveau l’illustration, après coup. Au deuxième regard – à la seconde lecture d’image – il peut être plaisant d’examiner les échos et écarts entre le texte et l’illustration. Ce qui est figuré dans l’image est-il « conforme » à la description du texte ? Les personnages dessinés sont-ils « ressemblants »? L’interprétation suggestive du lecteur et de l’illustrateur s’accordent-elles ?
Dans l’image, dans le bar
Que voit-on dans cette illustration au premier abord ? Une scène dans un bar sombre plongé dans une ambiance d’un rouge cramoisi, à la fois chaud et inquiétant. L’endroit est presque vide, les tables sont en désordre. Sur la droite, figure un homme seul, d’un certain âge : il semble au moins partiellement chauve. Sa lèvre inférieure, proéminente et relâchée, suggère un état d’introspection et une certaine indifférence à autrui – avant d’aller déranger un homme avec cette moue, pour lui demander l’heure par exemple, on hésiterait un peu, n’est-ce pas ? Son attention est absorbée, depuis longtemps il nous semble, par une feuille de papier. Le mur du fond est orné de portraits masculins et féminins, aux sourires carnassiers, l’artiste a pris soin de montrer leurs dents. Il s’agit peut-être d’acteurs de théâtre ou du cinéma – sûrement pas de joueurs de football ou de militaires ! Non plus de musiciens, on verrait des instruments(8) ! Une morne pendule jaunâtre surplombe l’ensemble.
Comment définir la facture de l’image ? Le rendu paraît globalement réaliste, comme dans une photographie, mais pourtant la matérialité du document, une peinture plane reproduite sur une feuille de papier, se fait crûment sentir(9) – peut-être même davantage au lecteur de magazine « type », censé être familiarisé à des images plus polies et lissées – qu’à l’amateur de peinture(10). D’abord, les volumes apparaissent comme écrasés. L’artiste n’a rien fait pour choisir des angles de vus élégants ou éviter les sensations de déformation liées à la perspective(11). L’absence d’ombrage rend aussi difficile la hiérarchie des plans. Bien souvent, une image qui s’appuie sur une réelle observation paraît moins vraisemblable qu’une image plus aseptisée suggérant un réalisme de convention. Bien avant Weaver, Van Gogh a su saisir dans ses toiles cette perception brute de l’espace qui se joue de la 3e dimension et titille notre perception. De plus, la touche de pinceau épaisse de Weaver(12) floute l’image et complique le parcours de l’œil, qui a l’habitude de sonder rapidement (par cycles successifs) l’ensemble d’un motif avant d’aller se fixer sur un détail – nombres de tests d’observation tendent à le prouver. Ici les détails se dérobent. On ne peut pas « faire le point » et dans une sorte de perception myope, l’attention tarde à aller finalement se poser sur … la feuille de papier, n’est-ce pas ? Le regard glisse d’autant plus que l’image est composée obliquement, penchant vers le bas/droite, direction généralement considérée – sans doute à l’excès – comme négative. Enfin, deux sortes de coupes/rayures verticales cassent la composition de l’image du bar en trois, ce qui contribue à fragmenter encore notre perception. Ainsi ces choix formels établissent une sorte de paroi semi-opaque entre le spectateur et le monde virtuel figuré. Ils l’empêchent d’y adhérer naïvement – comme une abeille qui irait se poser sur un fruit peint en trompe l’œil – et ralentissent la lecture de l’image. De plus, colorisation sombre, flou, fragmentation, inclinaison en brouillant les repères visuels peuvent mettre le spectateur dans une sorte d’ébriété de la perception, car quand on est ivre, les zones sombres s’assombrissent encore, les objets perdent de leur relief, on évalue mal les distances, les repères horizontaux et verticaux font moins sens. Voilà créée une atmosphère propice à l’onirisme et au mystère.
Revenons sur la fragmentation en trois panneaux verticaux(13)
Dans l’art séquentiel, dans une bande dessinée, pour exprimer le passage du temps, il est courant de voir trois images distinctes présenter trois fois la même vue à des moments différents (vue à temps 1, vue à temps 2, vue à temps 3. L’avion est sur la piste. L’avion quitte la piste. L’avion est loin de la piste). Où encore, c’est plutôt moins fréquent, l’on peut hacher la même vue en trois images, avec un changement temporel à chaque partie (1/3 vue à temps 1, 2/3 vue temps 2, 3/3 vue à temps 3. Les branches gauches de l’arbre sont en automne. Les branches du milieu sont en hiver. Les branches de droite sont au printemps ). Attention, il convient toujours d’utiliser trois images ou plus ! Deux images suffisent pour montrer l’avant et l’après, mais pas pour faire ressentir la durée.
Il est ainsi possible de faire une lecture séquentielle de l’illustration de Tune every heart conforme au second procédé décrit, avec une vue unique hachée en trois. La position du personnage n’est pas non plus anodine, dans une lecture de l’image qui se fait pour un Occidental majoritairement de la gauche vers la droite. Si notre homme avait été assis à gauche de l’image, nous aurions pu avoir le sentiment que la salle était sur le point de se vider, que le personnage allait la quitter comme les autres avant lui. Dans le cas présent, c’est le contraire, les autres sont déjà partis et il s’attarde.
À ce stade, en nous plaçant dans la peau d’un très hypothétique lecteur Z de Playboy, qui n’a pas encore lu la nouvelle d’Irwin Shaw, nous ne sommes pas vraiment en mesure d’en dire plus. Pourtant nous avons sans doute appréhendé d’autres informations, de façon inconsciente ou subliminale, qui concourent à l’ambiance globale et à notre ressenti.
Évoquons rapidement Tune every heart avant de commenter plus avant l’illustration. Un bar de la West 46th Street, fréquenté par des gens de théâtre. Il est 2H30 du matin. Eddie, le serveur du bar, boit café noir sur café noir pour rester éveillé. Il se lamente que « personne ne va jamais dormir dans cette ville »(14). Il discute au comptoir avec un certain Webel, un habitué, manager d’une compagnie de théâtre. Dans un coin près de l’entrée est assis seul John McCool, « complètement chauve sur le dessus avec une bande de cheveux roux autour des oreilles ». On apprend qu’il est « décorateur de scène et mauvais peintre ». Lorsqu’il est ivre, comme ce soir, sa conversation est « gloomy » (sombre et morose) et « oblique » (comme en français : inclinée, équivoque, indirecte). De l’endroit où il se trouve émane une « invisible aura ». Sur un menu, McCool est en train de dessiner « un joueur de football avec trois jambes et sept ou huit bras » qu’il décrit comme une représentation syncrétique de la pensée occidentale et orientale. Arrive au comptoir un homme, de passage, Sinclair, un « type de la télévision » avec un accent de l’est, qui paraît d’emblée antipathique à Webel et Eddie. Il parle football, se vante d’être « un homme de Princetown »(15) et propose de faire un pari sur le match à venir qui va opposer Princetown et Yale. Intervient alors John McCool qui a écouté la conversation. McCool connait la devise de Yale « Lux et veritas(16) ». Il affirme en outre être lui aussi originaire de l’université de Princetown. Sinclair, dont l’orgueil est piqué à vif, veut alors parier que McCool n’est pas issu de Princetown. Webel parie le contraire et Eddie joue l’arbitre. Sinclair fait un test et demande à McCool s’il peut chanter Old Nassau dont tout ancien de Princetown est censé connaître, d’après lui, les paroles « Tune every heart and every voice… ». McCool n’y parvient pas. « Maintenant tu en connais un » (ancien de Princetown qui ne se souvient plus de la chanson …) rétorque l’ivrogne qui réitère avec force son affirmation. Sinclair est troublé par son obstination. Hors de son milieu, étranger dans ce bar, il pressent aussi qu’on lui a tendu un piège. Inutile dans dire plus ici et de dévoiler la fin du récit !
Ainsi, l’histoire aborde la tension entre éveil et sommeil, la duplicité et la difficulté de trancher entre le réel et l’illusion. En résumé, c’est donc le DOUBLE qui ressort comme thème principal du récit.
Mais revenons à l’illustration. Ainsi donc, c’est le personnage de John McCool qui est représenté en train de dessiner. Notez que le crayon et la cigarette sont picturalement des objets ambivalents, mêmes proportions, mêmes couleurs, leurs axes se croisent à angle droit. Reste que c’est la main gauche qui griffonne sur le menu. La main gauche qui tient le crayon ? A moins bien sûr… L’œil remonte vers la pendule. Les chiffres sur le cadran !
Cela va sans doute paraître très étonnant à certains, mais avouons que nous n’avons remarqué ce détail que très tardivement, alors même que nous concevions déjà, très vaguement, l’idée d’écrire quelque chose à propos de cette illustration, sans avoir encore pris le temps de lire la nouvelle l’accompagnant ! Il est tout à fait possible que ces chiffres à l’envers vous aient sauté aux yeux à l’instant même où vous avez découvert l’image. Dans ce cas de figure, on peut emmètre l’hypothèse que c’est la part de votre cerveau (dite) gauche, la rationnelle, celle du langage, toujours en quête de sens, celle qui s’occupe de déchiffrer les mots et de faire des calculs, qui a prédominé, au moins au moment de la rencontre avec l’illustration. L’hémisphère droit, le contemplatif, plus « niais » est lui réputé pour gérer les formes abstraites et les émotions artistiques(17). Ainsi donc l’image qui nous est proposée est un reflet dans un miroir, le personnage est bien droitier et la pendule indique 2 heures 30.
Et plutôt qu’un miroir unique, nous avons peut-être même affaire à trois miroirs juxtaposés, mais divergeant les uns des autres selon des angles très obtus, d’où les deux lignes de coupes verticales et les faux-raccords dans le triptyque(18). S’il s’agit de trois miroirs distincts, disposés chacun à un angle légèrement différent, cela devrait pouvoir se distinguer, en perspective, en bas et en en haut, aux endroits ou les miroirs rencontrent le sol et le plafond !? Pourtant Weaver paraît avoir choisi d’encadrer les miroirs, en haut et en bas, de deux lignes droites parallèles inclinées, comme si les miroirs étaient sur l’exact même plan. À moins bien entendu que nous ayons le point de vue du serveur derrière son bar ! Ce serveur devrait aussi se miroiter, mais il demeure invisible ! La vue de ce contemplateur virtuel pourrait être barrée en bas par le comptoir et en haut par le chapeau du comptoir – il nous manque le terme architectural exact pour désigner correctement cet artefact ! – voir notre schéma. Notons que la partie basse sous les miroirs est un peu plus claire que celle au-dessus, ce pourrait être le plan de travail du comptoir de bois vernis, légèrement éclairé, tandis que la partie haute reste à l’abri de la lumière. Mais comment justifier leur inclinaison ?
Un spectateur invisible, un champ de vision limité par des éléments mal identifiés : cette tentative de rationalisation de l’espace pictural a atteint ici ses limites. En revanche, il s’avère plus certain que ces parties haute et basse, qu’elles soit référentes ou simples zones abstraites, déterminent la symétrie centrale (comme dans un Ying Yang) de la composition d’ensemble.
Ainsi, après avoir commenté brièvement cette illustration, sans en épuiser la description, reconnaissons qu’elle incarne avec brio l’esprit du récit et plus particulièrement la personnalité du mystérieux John McCool tandis que sa construction formelle apparaît à la fois logique et bien énigmatique.
Lux et Veritas
La vie des coulisses [de théâtre / de cinéma] m’a toujours fasciné, car vous y voyez la vraie vie en train de se transformer en irréalité, ou vice versa(19) (Robert Weaver)
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Notes
Ce livre, publié en Allemagne par Alexander Roob / Melton Prior Institute, qui présente l’intégralité d’un carnet illustré par Weaver, sorte de poème associant textes et images, sera chroniqué prochainement.
Voir The Art of Playboy de Ray Bradbury Dir., Editions Alfred Van Der Marck, 1985. Ce livre à l’iconographie très riche propose des œuvres d’une centaine d’artistes ayant illustré Playboy, de Marshall Arisman à Katsu Yoshida en passant par Salvador Dali et Andy Warhol avec de brefs commentaires éclairants de Bradbury. Il n’intègre cependant pas les cartoonists comme Will Elder, Jules Feiffer, Harvey Kurtzman, Sokal ou Gahan Wilson, qui contribuent pour beaucoup à l’imagerie du magazine (et font l’objet de livres distincts). Dans sa préface Bradbury démonte les artifices des cloisons culturelles censées séparer grand art et illustration. Il faut croire qu’à l’époque les cartoonists et auteurs de BD étaient encore considérés comme des catégories à part
Une version numérique du Sports Illustrated de march 05 1962 est accessible gratuitement sur le site des archives du magazine. http://sportsillustrated.cnn.com/vault/cover/featured/7758/index.htm
Nous apporterons une confirmation à cette hypothèse après avoir « épluché » tous les numéros de la période.
Voir l’exposition virtuelle, proposée par la Modern Graphic History Library de l’Université de Washington, intitulée THRILL SEEKERS : The Rise of Men’s Magazines http://omeka.wustl.edu/omeka/exhibits/show/mensmags/images/playboy
Contrairement aux comics qui font l’objet de bibliographies exhaustives aux Etats-Unis, par exemple le site collaboratif Comics.org qui répertorie, avec une description très précise des titres et crédits, la majorité des publications de bande dessinée : l’univers de l’illustration fait figure de jungle seulement partiellement défrichée. Les illustrateurs d’articles sont souvent oubliés au sommaire des journaux et magazines : c’est le cas dans ce numéro de Playboy où le nom de Weaver n’est pas mentionné si bien qu’ils échappent généralement à l’attention des bibliographes et bibliothécaires qui référencent leur contenu éditorial. Ainsi, très régulièrement apparaissent sur Internet des références d’illustrations de grand intérêt, redécouvertes par hasard, qui dormaient jusqu’ici dans des publications anciennes, ignorées de tous.
Rappelons qu’Unidivers ne souhaite aucunement se substituer à l’éditeur Playboy ni aux ayants droits de Robert Weaver. Les images jointes à l’article sont diffusées, dans un format JPG basse résolution, à titre documentaire, dans le cadre de la législation.
Notons que parmi ces portraits, l’avant-dernier à droite, ressemble à l’acteur George Raft, connu pour ses rôles dans des films de gangsters (Scarface, 1932) et ses liens avérés avec la pègre, tandis que celui au milieu-gauche, dont une partie du visage est barré par un dossier de chaise pourrait évoquer l’énigmatique Lon Chaney (1883-1830), « l’homme au mille visages ». Mais, ne concluons rien à partir de ces ressemblances, peut-être fortuites. Il pourrait tout autant s’agir d’acteurs de Broadway inconnus de nous. Tentons d’éviter toute surinterprétation abusive !
Les illustrations de Weaver affichent d’emblée leur nature d’objets concrets, de supports peints. Avant d’entamer sa carrière dans l’illustration, le jeune artiste espérait gagner sa vie en réalisant des peintures murales. Il avait été initié à l’art de la fresque lors d’un voyage en Italie.
À l’époque Playboy cible simultanément à trois types de lectorats : la bourgeoisie éclairée des grandes villes, qui s’encanaille, l’étudiant beatnik et enfin « l’homme de la rue » issu de la classe moyenne. Bien entendu, le public réel de la revue peut échapper à ses catégories.
Pourtant Weaver a vraisemblablement basé son œuvre sur une observation aiguë des proportions d’une pièce et de son mobilier. En effet, l’artiste a l’habitude de faire des repérages et de saisir des éléments du réel dans ses croquis préparatoires.
On pourrait de nouveau faire la comparaison avec Van Gogh, bien que ce ne soit pas, d’après nos connaissances, un artiste fétiche de Weaver, qui cite plus volontiers Degas. Notons cependant que Weaver détournera à des fins satyriques un autoportrait de Van Gogh dans une illustration réalisée pour le Playboy de février 1968.
La fragmentation de l’espace et du temps en plusieurs panneaux semi-autonomes est récurrente chez Weaver. En utilisant comme artifice non pas des miroirs, mais des pancartes, il avait déjà utilisé ce procédé auparavant pour deux illustrations figurant dans l’article Kennedy’s last chance to be president, Esquire, april 1959. Une troisième illustration de ce type, provenant de la même série sur Kennedy, est reproduite à la page 31 de American Artist, september 1959.
Notre traduction.
Princetown Tigers Football est l’équipe qui représente l’université de Princetown dans le New Jersey depuis 1869.
Lumière et vérité. Celle de Princetown est « Dei sub numine viget » (Under God’s power she flourishes / Sous le pouvoir de Dieu elle prospère). Pour tout ce qui concerne la latéralisation de la perception, et les différents modes d’appréhension du monde par nos deux hémisphères, on peut consulter avantageusement le livre Dessiner grâce au cerveau droit de Betty Edwards, Editions Mardaga, 2002.
Si, au contraire, les miroirs avaient été convergents, nous aurions vu trois fois le même sujet sous des angles variés.
Entretien avec Robert Weaver dans American Artist, september 1959.