On a souvent tendance à se souvenir, et à croire, que le débarquement du 6 juin 1944 n’a eu lieu qu’en Normandie ! Pourtant dans la nuit du lundi 5 au mardi 6 juin 1944, des parachutistes, des SAS français (Spécial Air Service) formés en Angleterre, sont largués en Bretagne sur deux sites : au-dessus de la forêt de Duault, dans Côtes du Nord (désormais Côtes-d’Armor) et à Plumelec dans le Morbihan. Nombreux seront abattus, et les survivants se regrouperont au maquis de Saint-Marcel, entre Vannes et Ploërmel, pour aider les résistants. Le président Emmanuel Macron se rendra le 5 mercredi juin 2024 à Plumelec pour rendre hommage aux 77 parachutistes du 4e bataillon SAS morts pour la France, à l’occasion du 80 e anniversaire du débarquement allié.
Le programme, commémorant le 80e anniversaire du Débarquement, du président français est vaste. Il est composé de milliers d’événements locaux ou de portée nationale ou internationale. De la Normandie à la Provence, en passant par la Bretagne, Oradour-sur-Glane et l’Alsace, de nombreux événements sont organisés depuis le mois d’avril 2024 et perdureront jusqu’à fin novembre 2024 : pour célébrer le courage de nos libérateurs, résistants, soldats des pays alliés, combattants de l’armée reconstituée par la France libre sur le continent africain, comme l’a annoncé le président lui-même !
Parmi ses déplacements, le chef de l’État se rendra à Plumelec au mémorial SAS près du moulin de La Grée, devenu un haut-lieu de la mémoire de la résistance bretonne, pour rendre hommage aux 77 parachutistes SAS de la France libre qui ont sauté il y a 80 ans sur Plumelec et qui sont morts au combat ou qui ont été exécutés.
Le monument de Plumelec a été construit en 1989 au Moulin de la Grée à Plumelec, par le sculpteur Jean Mélinard, ancien SAS lui-même. Les 77 noms des disparus y sont inscrits. Emmanuel Macron rendra aussi un hommage particulier au caporal *Emile Bouétard, le premier mort du Jour J. Originaire de Pleudihen-Sur-Rance (22) le recueillement présidentiel se déroulera à la stèle, élevée à l’endroit précis où le caporal est tombé. Depuis 1994, une place du bourg de Plumelec porte son nom. Une rue Émile-Bouétard a été inaugurée en 2009 à Plouguernével (Côtes-d’Armor).
Emmanuel Macron se rendra ensuite à Saint-Marcel, commune morbihannaise qui a abrité le maquis de Saint-Marcel, dit aussi maquis de la Nouette, et qui a notamment vécu les combats du 18 juin 1944, la Bataille de Saint-Marcel, un des plus hauts faits d’armes de la Résistance. Le président Macron sera aussi accueilli par Tristan Leroy, conservateur du Musée de la Résistance en Bretagne à Saint-Marcel, pour une visite de ce haut lieu de mémoire !
Retour sur le déroulement du débarquement en Bretagne
La Bretagne participe au débarquement sur deux de ses territoires, avec 36 commandos du 4e bataillon SAS. Les Forces Françaises Libres (FFL), parachutistes des SAS français, les premiers engagés pour préparer la libération de notre pays, sont largués par petits groupes, d’une part au dessus de la forêt de Duault, non loin de Guingamp, dans les Côtes du Nord : c’est la base Samwest et d’autre part à Plumelec dans le Morbihan la base Dingson. L’objectif de ces parachutages est de perturber le mouvement des 85 000 soldats allemands, de désorganiser l’arrivée de leurs renforts et de les empêcher de rejoindre la Normandie…
Partis de Fairford à 130 km de Londres, le lieutenant Pierre Marienne (1908-1944) et ses hommes sont les premiers à fouler le sol français, sur les landes de Lanvaux à Plumelec. Leur mission est de préparer le terrain pour les autres unités à venir. Dès leurs parachutages, les soldats doivent affronter les troupes supplétives allemandes. Ce sont des Ukrainiens et des Géorgiens de l’armée Vlassov, équipés par l’armée allemande : la Wehrmacht.
Le caporal breton *Emile Bouétard (1915-1944), 29 ans, est la première victime du débarquement du 6 juin 1944, tombé à Plumelec à 0h40 à 800 mètres du moulin de la Grée, un poste d’observation tenu par les allemands. Pris sous le feu ennemi, il est touché à l’épaule, à la gorge et à la face par une balle explosive. Un soldat ennemi l’achève d’une rafale dans la tête puis sort son couteau et lui sectionne un doigt pour récupérer une bague qu’il portait.
Ensuite, les hommes de Pierre Marienne coupent les communications et le réseau électrique et sabotent les lignes de chemin de fer. 70 SAS, la majorité des bretons, ont disparu entre le 6 juin et le 28 septembre 1944, dont 13 ont été tués sur le sol de Plumelec, y compris le capitaine Pierre Marienne, assassiné par balles dans le dos par des miliciens, en même temps que le lieutenant Martin, cinq autres parachutistes et onze patriotes bretons le 12 juillet 1944 dans leur refuge : la ferme de Kerihuel en Plumelec. Avec l’aide de la résistance française, une partie des parachutistes combattants qui ont échappé à la mort, regagneront le maquis de Saint-Marcel de 800 hectares et peuplé de 2500 hommes. Ils seront, jusqu’à la bataille du 18 juin 44, 160 parachutistes à s’y installer et à combattre l’ennemi aux côtés des maquisards.
Le parcours d’un SAS, parachuté dans les Côtes du Nord : base Samwest et fusillé à Plumelec.
René Dejean était Morbihannais, né à Ploërmel le 18 novembre 1922. Il était étudiant et vivait rue du Val. Il répond à l’appel du général de Gaulle en juin 1940 et part pour l’Angleterre. Il s’engage à Londres le 10 août 1940 dans les Forces Françaises Libres (FFL). Il est breveté parachutiste le 10 avril 1941 et reçoit une formation de commando de mai à juillet 1941. Enregistré à la compagnie de l’Air Moyen-Orient, il participe, dès lors, aux opérations au Liban, puis en Egypte sur les bords du canal de Suez, avant de rejoindre la guerre du désert en Libye.
Il appartient au French Squadron du Spécial Air Service britannique. Il combat aux côtés des Britanniques, qui affrontent les troupes allemandes de Rommel. Rappelé en Angleterre, son unité intègre le second régiment de parachutistes et le 4e Spécial Air Service (SAS) du commandant Pierre-Louis Bourgoin (1907-1970), dit le Manchot. Sa mission est de renforcer et d’encadrer les maquis bretons dans le cadre du débarquement, l’opération Overlord.
Le caporal-chef René Dejean est parachuté dans la nuit du vendredi 9 au samedi 10 juin sur le maquis de Duault dans les Côtes du Nord. La base de SAS est attaquée en force par la Wehrmacht, le 12 juin. Les résistants se replient dans le Morbihan à Saint-Marcel. René Dejean rejoint Plumelec. Le 23 juin 1944, l’ennemi surprend son groupe au village de Talcoët Meur à Plumelec. Au cours du combat, René Dejean est blessé puis capturé. Il est fusillé le même jour, à l’âge de 21 ans 1/2. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il aurait été jeté dans un bâtiment en feu dans ce même village. Il en fut de même pour son camarade Louis Guégan. A Ploërmel, l’impasse René Dejean (derrière l’hôpital) rend hommage à sa bravoure. Elle a été inaugurée en août 2004 par l’ancien ministre Pierre Messmer, FFL lui aussi. La mairie de Ploërmel a ajouté en marge de son acte de naissance : décédé le 23 juin à blanc avec la mention Mort pour la France.
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A plumelec, on se prépare à accueillir le président Macron