Pompéi : découverte de deux statues grandeur nature dans un tombeau de Porta Sarno

pompei statues

Une nouvelle page de l’histoire de la cité antique vient d’être révélée la semaine dernière grâce à la mise au jour de deux statues funéraires grandeur nature dans un tombeau de la nécropole de Porta Sarno, l’un des principaux accès orientaux de la ville de Pompéi.

Cette découverte spectaculaire, annoncée par les autorités du Parc archéologique de Pompéi, offre un rare témoignage de la statuaire privée dans un contexte funéraire romain, et permet d’affiner notre compréhension des pratiques mémorielles à la veille de l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C.

Une tombe d’élite, deux statues monumentales

Les deux sculptures, retrouvées dans un état remarquable, représentent un homme et une femme debout, drapés dans des vêtements cérémoniels : une toge pour l’homme, une stola pour la femme. Ces habits indiquent leur citoyenneté et leur rang social élevé. Les statues, hautes d’environ 1,6 mètre, sont taillées dans un calcaire blanc légèrement veiné, local mais soigneusement poli, attestant d’un haut niveau de maîtrise artisanale et de ressources financières importantes.

Selon les premières analyses stylistiques, les sculptures dateraient des dernières décennies de la ville avant sa destruction, probablement entre 20 et 50 après J.-C. Elles étaient disposées à l’entrée d’un mausolée familial, dans un espace funéraire en terrasse surplombant une voie secondaire menant à Porta Sarno. Une disposition qui indique une volonté manifeste de visibilité sociale post mortem.

La nécropole de Porta Sarno : un territoire à redécouvrir

Bien que mentionnée dès le XIXe siècle, la nécropole de Porta Sarno a longtemps été marginalisée dans les grandes campagnes de fouilles. Ce n’est que depuis le tournant des années 2020 que cette zone périphérique est redevenue un axe stratégique de recherche. En 2021, la découverte du tombeau de Marcus Venerius Secundio, ancien esclave affranchi devenu acteur et organisateur de spectacles grecs à Pompéi, avait déjà révélé la richesse insoupçonnée de ce secteur.

Les tombes de Porta Sarno témoignent d’une société mobile, mêlant anciens esclaves enrichis, notables locaux, et figures issues de la bourgeoisie municipale. Les deux statues découvertes récemment s’inscrivent dans cette dynamique de représentation, où le monument funéraire devient un support de narration identitaire. Leur posture digne, leur frontalité et l’attention portée aux détails vestimentaires suggèrent qu’elles servaient autant à honorer les défunts qu’à impressionner les vivants.

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Un art du souvenir : entre romanité et ostentation

Contrairement aux sarcophages ou aux bustes plus fréquemment retrouvés dans les villes romaines, les statues grandeur nature sont rares dans les contextes civils de l’Italie romaine, en dehors des grandes familles patriciennes ou impériales. Leur présence à Pompéi témoigne d’une volonté d’imitation des élites urbaines de Rome, mais aussi d’une adaptation locale des codes de la romanité.

Le couple représenté semble incarner l’idéal du citoyen modèle : l’homme porte la toge dans sa version sénatoriale, et pourrait avoir occupé une fonction municipale (duumvir, édile, ou magistrat). La femme, par son port altier et sa coiffure élaborée, renvoie à l’imagerie classique des matrones augustéennes, souvent chargées de transmettre l’image d’un foyer moralement exemplaire.

Des inscriptions peintes partiellement lisibles sur le socle des statues, actuellement en cours de restauration, pourraient livrer des noms ou des titres, permettant d’identifier les personnages. Le recours à la statuaire pourrait également suggérer une ritualisation du souvenir, dans une culture où la mémoire des ancêtres, ou memoria, jouait un rôle central dans la légitimation sociale.

Bibliographie subjective :

  • Hope, Valerie M. La mort et les morts dans le monde romain. Les Belles Lettres, 2011.
    → Ouvrage de référence sur les rites funéraires, les monuments, et la gestion de la mémoire des défunts à Rome.
  • D’Ambra, Eve. L’art romain. Cambridge University Press / Éditions du Seuil, 2001 (traduction française).
    → Présente les grands thèmes de l’art romain, dont les représentations funéraires et les images privées dans la sphère domestique ou publique.
  • Zanker, Paul. La statuaire funéraire romaine : portraits et société. Éditions du CNRS, 1995.
    → Étude approfondie du rôle des statues et des portraits dans la construction de l’identité sociale des morts à Rome.
  • Carroll, Maureen. La mémoire des morts : commémoration funéraire dans le monde romain. Éditions Errance, 2009.
    → Met en lumière les stratégies sociales et visuelles utilisées pour construire la mémoire des défunts dans les provinces de l’Empire.
  • Tonnesmann, Andreas. Mémoire et damnatio memoriae à Rome. Éditions Les Belles Lettres, 2008.
    → Étudie la manière dont les Romains construisaient et effaçaient la mémoire par les monuments funéraires.