GOLDEN GLOBES. PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU QUI FAISAIT FI DES CONVENTIONS

La réalisatrice Céline Sciamma (Naissance des pieuvres, Tomboy) revient avec Portrait de la jeune fille en Feu, un film poétique où jeux de regards et désirs amoureux dominent de bout en bout. Après avoir reçu le prix du scénario et la Queer Palm au festival de Cannes 2019, Portrait de la jeune fille en feu sort en salle le 18 septembre 2019. Nommé aux Golden Globes.

Bretagne, 1770. Héloïse (Adèle Haenel) est sortie du couvent afin d’être mariée à la place de sa soeur qui vient de disparaître. Il est d’usage, à l’époque, que le prétendant qui habite loin reçoive le portrait de sa future épouse pour observation et, le cas échéant, validation. Il convient qu’Héloïse se plie à cet exercice. Mais les peintres se succèdent en vain, sans jamais parvenir à la faire poser. Héloïse refuse portrait et mariage. Sa mère recourt alors à la ruse. Elle décide d’employer comme dame de compagnie une jeune peintre, Marianne, (Noémie Merlant) afin de faire le portrait de sa fille à son insu. Marianne la regarde, l’observe et peint en secret. Commence alors un échange de regards de plus en plus intimes…

Portrait de la jeune fille en feu

Après l’avoir révélée dans Naissance des pieuvres, Céline Sciamma nous présente Adèle Haenel dans un rôle taillé sur mesure.

Le rôle d’Héloïse est pensé pour Adèle Haenel. Le personnage s’est écrit en s’appuyant sur toutes les qualités dont elle a fait la solide démonstration ces dernière années

confie la réalisatrice dans un entretien publié par l’Association Française des Cinémas Art et Essai. Cela étant, Noémie Merlant, qui occupe le rôle principal de la peintre Marianne, déploie un jeu également excellent.

Portrait de la jeune fille en feu

Dès les premières minutes, le ton du film est lancé par un jeu de regards minutieusement réglé entre Marianne (Noémie Merlant) et plusieurs jeunes filles apprenties peintres, toutes filmées en plan poitrine. Tout au long du film, la caméra se concentre sur le visage des actrices, leurs yeux occupant le milieu de l’écran. Les émotions qui se dégagent deviennent quasi palpables. Ces regards pénétrés, les deux actrices se les échangent tout au long du film, à tel point point que les dialogues semblent parfois superflus.

Portrait de la jeune fille en feu

Portrait d’une jeune fille en feu, c’est aussi un jeu de couleur subtil et bien amené, conformément au thème de la peinture qu’explore ce film. Chaque personnage a sa propre couleur. Ainsi, lors des scènes de repas, véritables moments de complicité entre les deux jeunes femmes (Héloïse, Marianne) en compagnie de Sophie (la jeune servante au rôle secondaire mais vecteur de questions), la complémentarité des couleurs est évidente.
Le bleu des habits conventuels est porté par Héloïse. Le rouge de Marianne traduit le registre de ses émotions passionnées. Enfin, le blanc fait chez Sophie écho à la naïveté…

D’un point de vue technique, les scènes sont conçues comme des tableaux. Le spectateur éprouve parfois le désir de mettre en pause les images du film, signées Claire Mathon. Quant à la durée de Portrait d’une jeune fille en feu, elle épouse bien la temporalité contemplatrice qui se dégage du travail de Céline Sciamma.

Portrait de la jeune fille en feu

La réalisatrice met en scène un discours engagé dans un film où les hommes sont quasi absents. Portrait de la jeune fille en feu est féministe. Mais les thématiques abordées sont traitées sans jamais tomber dans le pathos. Avortement, suicide, mariage arrangé – le film traite avec délicatesse de ces épineux sujets qui ont été et sont hélas encore le lot de nombreuses femmes à travers le monde. La pression du mariage arrangé vient de la mère (joué par Valeria Golino), laquelle fut soumise à cette obligation plusieurs années avant. Reproduction sociale et psychologique…

Quant à la place des femmes artistes peintres au XVIIIe siècle ? “Les peintres étaient nombreuses et faisaient carrières à la faveur notamment de la mode du portrait. (…) Mais on ne les a pas fait rentrer dans l’Histoire.” précise Céline Sciamma.

La réalisatrice nous berce doucement pendant deux heures, non sans rappeler la position sociétale exigeante de la femme. Une réalisation formelle élégante qui illustre avec poésie la simplicité d’un scénario bien construit.

Portrait de la jeune fille en feu réalisé par Céline Sciamma avec Adèle Haenel et Noémie Merlant. Sortie en salle le 18 septembre 2019.

ACTEURS
Noémie Merlant, Adèle Haenel, Luàna Bajrami, Valeria Golino

EQUIPE TECHNIQUE
Scénario et réalisation : Céline Sciamma

Image : Claire Mathon

Montage : Julien Lacheray

Production : Bénédicte Couvreur

FESTIVAL ET PRIX
Festival de Cannes 2019, Sélection officielle, Prix du Scénario

Queer Palm

Festival du film francophone d’Angoulême 2019

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