Dans la réalisation de leur atlas, Nelly Monnier et Éric Tabuchi photographient et documentent les 450 régions naturelles de France. Une tâche effarante où le tandem traque tant les lieux communs que les particularités de nos paysages. Dans son immensité, on ne peut en donner qu’un aperçu, que ne manque pas de nous offrir la galerie Hasy au Pouliguen jusqu’au 15 mai 2022.
Entreprise folle ? Projet titanesque ? Œuvre utopique ? Cela fait maintenant cinq ans qu’Éric Tabuchi et Nelly Monnier sillonnent la France à bord de leur voiture, équipés d’un appareil photo pour saisir ce qui fait la spécificité de nos territoires ainsi que ce qui les unit. Le nom de ce projet ? L’Atlas des Régions Naturelles. Beaucoup plus petites que nos régions administratives, elles se délimitent par leurs différences de paysage, de climat, de géologie et de culture. Si les experts divergent sur leur nombre, les deux artistes en définissent 450. On estime qu’il leur faudra encore 15 ans pour photographier et documenter l’ensemble du pays qu’il leur reste à découvrir ! Abrégé en ARN, cet atlas sera compilé en 30 volumes mais les photos qui le composent sont également disponibles en ligne. Disposant d’une carte, il permet d’explorer région par région les curiosités qui les constituent.
Le site internet comme l’édition papier permettent également de parcourir les clichés par mots-clefs. C’est alors un véritable travail d’indexation auquel se livre le duo d’artistes, pour faire dialoguer les régions entre elles. Après “Littoral”, “Mégalithe”, “Discothèque”, vous tomberez sur des catégories pour le moins incongrues : “Piscines verticales”, “Maisons inachevées” ou “Aptonymes” ne sont que quelques unes des bizarreries dont regorge leur répertoire. À la galerie Hasy, vous pourrez observer entre autres des amers ou encore des cheminées géodésiques. Derrière ces termes étranges se cachent des constructions aux formes biscornues, qui n’ont pour seul utilité que leur hauteur. Par les amers, les marins calculent leur distance par rapport aux côtes maritimes ; par les cheminées géodésiques contenant des fils à plomb cachés, les soldats tracent des cartographies militaires des terres.
L’ARN livre une documentation de notre territoire, de ses lieux communs comme de ses curiosités, de ses hapax (en architecture, un bâtiment qui n’a aucun équivalent). Il les met sur un pied d’égalité et sollicite une réflexion sur notre patrimoine. L’atlas rend visible ce qui est absent des cartes traditionnelles, ce qui est fui ou largement ignoré. La démarche des artistes s’inscrit ainsi dans celle de la mission photographique de la DATAR (la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale). Organisée en 1984, il s’agit de l’une des plus grandes commandes publiques qui ait été faite en matière de photographie en France. Projet historique, une vingtaine de photographes partent alors en mission pour documenter le paysage français des années 80. Ce qui n’est pas sans rappeler les célèbres clichés de Walker Evans auprès de la Farm Security Administration lors de la crise des années 1930 aux États-Unis.
Cette volonté de représenter le territoire va de pair avec la pratique de Nelly Monnier. Pour chaque région traversée, l’artiste lui dessine un nouvel insigne sous forme d’écusson à broder, coloré et abstrait. Chacun contient sa propre histoire. Par exemple, celui du Beaufortain représente la porte d’un mazot (un petit bâtiment montagnard) où tombe une goutte de lait symbolisant le fromage de la région. Faisant l’objet de fantasme, de fiction et de questions identitaires, le territoire a, de tout temps, engendré de nombreux blasons, drapeaux, symboles et ornements en tout genre. Que ce soit par le symbolisme ou l’archive, la pratique du duo d’Éric Tabuchi et Nelly Monnier cherche à donner de la visibilité au territoire. Quelque part, le lieu nous attend…
Une exposition qui parle à l’imaginaire de chacun donc, et ce sans limite d’âge. À ce sujet, la galerie Hasy va mener des ateliers créatifs autour de l’ARN avec des jeunes de la maternelle jusqu’au lycée. L’idée est de faire rentrer un jeune public dans la galerie, de le sensibiliser aux images et qu’il profite des ateliers de pratique.
Pour les plus grands, rendez-vous ce vendredi 13 mai à la galerie Hasy pour une dégustation de vins en lien avec l’ARN. En association avec Le Garage à Vins, une cave du Pouliguen spécialisée dans les vins bio et naturels, la galerie vous propose de venir découvrir les productions viticoles de cinq régions par lesquelles sont passés Éric Tabuchi et Nelly Monier. Cet événement viendra clore l’exposition qui s’achève le 15 mai. Le mois prochain verra aussi la parution aux éditions Poursuite du deuxième tome de l’ARN, le vendredi 20 mai. Les seize chapitres seront composés de 600 photos illustrant de nouvelles régions naturelles, dont le pays de Guérande. De plus, un album de musique proposant pour chaque région une sonorité propre accompagnera l’ouvrage.
Monté en 2012 dans le but d’accompagner et de diffuser la photographie, la galerie Hasy accueille un à deux artistes par an dans le cadre de résidences, en sus de son cycle d’expositions. Une résidence qui fait partie intégrante du projet Capsule. Lancé en 2020 par le ministère de la Culture, il s’agit d’un programme de résidence visant à favoriser la présence des artistes sur le territoire. Ainsi 7 centres d’art photographiques et 7 lieux intermédiaires en bénéficient. En somme, une galerie dynamique et importante de la scène culturelle en pays de Guérande. Pour sa prochaine exposition au mois de juin, le lieu recevra la photographe Ilanit Illouz, sur les traces de nos exploitations géologiques et leurs conséquences sociales.
INFORMATIONS PRATIQUES :
L’exposition ARN – Atlas des Régions Naturelles, est visible à la galerie Hasy jusqu’au 15 mai 2022 au 21 grande rue, 44510 Le Pouliguen.
Ouvert du samedi au dimanche de 10h à 12h30 et de 16h à 18h30.
Contact au 06 64 84 06 01
Site internet : https://www.hasy.fr/
Sites de l’Atlas des régions naturelles : http://www.archive-arn.fr/