Le prince Paul de Roumanie incarcéré à Paris : fin de cavale pour une figure controversée

prince Paul de Roumanie
Paul de Roumanie

Le prince Paul-Philippe de Roumanie, héritier autoproclamé de la dynastie Hohenzollern-Sigmaringen, a été incarcéré lundi à l’issue d’une audience devant la cour d’appel de Paris, dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen émis par la Roumanie. Cette décision relance une saga judiciaire internationale qui dure depuis plus de quatre ans, mêlant affaires de corruption, contentieux dynastiques et luttes d’influence.

Un héritier contesté au cœur d’un scandale immobilier

Paul de Roumanie, petit-fils du roi Carol II mais non reconnu officiellement par la Maison royale roumaine actuelle, est une figure à la fois mondaine et polémique. Longtemps installé en France, il a revendiqué en Roumanie une série de propriétés dont il se dit héritier légitime, notamment la prestigieuse forêt de Snagov et la ferme royale de Băneasa, toutes deux situées en périphérie de Bucarest.

Entre 2006 et 2013, il aurait collaboré avec un réseau d’hommes d’affaires influents, dont les Israéliens Tal Silberstein et Beny Steinmetz, ainsi que plusieurs responsables politiques roumains, pour faire pression sur les autorités et obtenir illégalement la restitution de ces biens. Selon la Direction nationale anticorruption roumaine (DNA), cette opération aurait causé un préjudice de plus de 145 millions d’euros à l’État roumain.

Condamnation en 2020 et fuite à l’étranger

En décembre 2020, la Haute Cour de cassation et de justice de Roumanie a condamné Paul de Roumanie à 3 ans et 4 mois de prison ferme pour trafic d’influence, complicité d’abus de pouvoir et blanchiment d’argent. Mais avant que la sentence ne soit exécutée, le prince avait déjà quitté le pays.

C’est cette fuite qui a motivé l’émission d’un mandat d’arrêt européen. Ce dernier a été activé en juin 2022 lorsqu’il a été repéré et brièvement arrêté en France. Il a ensuite été remis en liberté en attendant l’examen de la demande d’extradition.

Refus de l’extradition et rebondissements internationaux

En novembre 2023, la cour d’appel de Paris a refusé de remettre le prince aux autorités roumaines, arguant d’un risque de traitement contraire aux droits fondamentaux garantis par l’Union européenne — notamment les conditions de détention en Roumanie, qui ont déjà été condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là : en avril 2024, Paul de Roumanie est arrêté à Malte lors d’un séjour. Il y reste détenu plusieurs semaines, avant d’être finalement libéré en août 2024 par la justice maltaise, qui rejette elle aussi l’extradition. La cour maltaise souligne notamment le caractère politique de certains éléments du dossier.

Nouvelle arrestation à Paris en avril 2025

L’arrestation du 7 avril 2025 à Paris marque un tournant : après avoir échappé à plusieurs tentatives de remise aux autorités roumaines, Paul de Roumanie a été placé en détention provisoire à la suite d’une nouvelle audience devant la chambre des extraditions de la cour d’appel. Selon des sources judiciaires, son comportement jugé « évasif » et « non coopératif » a joué dans la décision de ne pas le laisser en liberté dans l’attente du jugement.

Une audience décisive est prévue pour le 9 avril 2025, au cours de laquelle la justice française décidera s’il doit être définitivement extradé.

Une figure clivante dans l’histoire roumaine contemporaine

Paul de Roumanie, né en 1948 à Paris, s’est longtemps présenté comme le successeur naturel de la dynastie roumaine. Or, il n’est pas reconnu comme tel par l’actuelle Maison royale dirigée par Margareta de Roumanie, fille du roi Michel Ier. Sa filiation via Carol Mircea, fils illégitime du roi Carol II, a souvent été remise en question.

Il a néanmoins tenté de jouer un rôle public en Roumanie depuis les années 1990, multipliant les initiatives médiatiques et les démarches judiciaires pour faire valoir ses droits patrimoniaux. Sa condamnation pour corruption l’a toutefois considérablement discrédité.

Quelle suite pour cette affaire ?

La décision d’extrader ou non Paul de Roumanie pourrait créer un précédent important pour les relations judiciaires entre États membres de l’UE. Elle posera à nouveau la question du respect des droits fondamentaux dans certains systèmes pénitentiaires européens, et soulignera les tensions persistantes entre dynasties post-monarchiques, intérêts économiques et justice d’État. En attendant, l’homme qui se rêvait roi reste aujourd’hui dans une cellule parisienne en attente de son sort.