Prophecy de Testuya Tsutsui, La Revanche des anonymes

Alors que les aficionados sont en attente de la parution du dernier tome de Prophecy, la toute récente série de Tetsuya Tsutsui (auteur de Reset et Manhole) s’affirme le manga de ce début d’année. Ancrée dans l’actualité et dans la société japonaise, cette histoire policière réserve bien des surprises… Tout en gardant ce fond de cyberculture où excelle l’auteur.

 

La section de lutte contre la cybercriminalité de Tokyo est sur les dents. Un individu coiffé d’un masque en papier journal poste sur Internet des vidéos menaçantes où il prédit les pires crimes : incendies, agressions, viols… Le problème ? Dès le lendemain, ses prophéties se réalisent à la une des journaux télévisés.
Qui est-il, comment procède-t-il, quelles sont ses motivations ?

prophecy Prophecy invite le lecteur à suivre à la fois un « paperboy » macabre et l’inspectrice qui le poursuit. Le lecteur y découvre peu à peu les motivations de l’homme masqué, mais aussi les hypothèses des enquêteurs qui utilisent Internet pour anticiper les réactions d’un public d’abord hostile puis enthousiaste devant les actions punitives de ce « Robin des Bois » du Net. On pense immanquablement aux Anonymous… Mais ce manga s’adresse aussi à tous les férus d’informatiques, les geeks, autant qu’à ceux qui n’arrivent pas à les comprendre. En effet, ce basculement incessant entre deux visions d’une même actualité met en lumière les failles d’une société japonaise (et par là même de notre société occidentale) qui se voudrait parfaite et bien réglée sur un seul tempo.

Doc_ProphecyPrécarité, chômage, immigration, exploitation des pauvres, dérive de l’information, cybercriminalité, tout y passe dans cette série bien trop courte (une constante chez Tsutsui), mais qui parvient ainsi à garder son rythme et son homogénéité. Si l’auteur privilégie le scénario, son dessin s’est amélioré en termes de précision. Sans atteindre les sommets du genre. L’auteur ne tranche pas au profit d’un camp ou d’une vision. Il rend sympathique ses héros, d’un camp ou d’un autre, mais leur laissant une part d’ombre. Sur les sujets complexes qu’il aborde, il se contente de pistes de réflexion donnant souvent la parole aux deux partis qui s’opposent, mais dénonçant violemment les travers de la société japonaise. N’y voyez pas un manga tourné exclusivement vers des particularités insulaires et nippones. Non, tout cela peut être retranscrit en France ou ailleurs.

À noter que dans l’une des « prédictions », Paperboy s’attaque à une organisation de protection animale bien connue, malgré le changement de nom : Le Sea Shepherd du capitaine Paul Watson. Il ne le fait pas parce qu’il est pour la chasse à la baleine, mais contre une déclaration, bien réelle, de Watson à l’époque du Tsunami et qui avait alors scandalisée le pays tout entier : une parabole autour d’une vengeance divine de la mer sur les humains. Comme quoi, une mauvaise communication peut gâcher une somme de bonnes actions.

Un manga que l’on prend plaisir à lire et relire (surtout en attendant la fin), qui s’adresse autant aux adolescents qu’aux adultes. Et Testuya Tsutsui continue de s’affirmer comme l’un des auteurs à suivre dans le domaine du manga d’auteur, sans devenir trop opaque pour le grand public.

Tome 1, Editions Ki-oon (juillet 2012), 7,90€
Tome 2, Editions Ki-oon (janvier 2013), 7,90€

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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