RACONTARS ARCTIQUES, CONTES MORAUX ET DROLATIQUES REVIGORANTS

En cette période hivernale, une BD formidable vous réchauffera le coeur. Elle se passe dans le Nord Est du Groenland…mais l’humanité et l’humour de personnages perdus dans la nuit polaire alimenteront vos zygomatiques.

RACONTARS ARCTIQUES

Dans sa jeunesse, Rembrandt dessine des «Tronies», de petits portraits qui cherchent à saisir des expressions dans les visages, à coups de crayon ou de pointe sèche. Ce sont ces «têtes d’expression», ou ces «trognes» auxquelles on pense lorsque l’on ouvre Racontars arctiques.

Cette BD est avant tout une collection formidable de personnages hirsutes, déglingués
ou ravagés aux nez proéminents, aux ventres dégueulant, aux fronts plissés de soucis ou
d’inquiétude. Des trognes inoubliables. Ils s’appellent Valfred, Anton, Lodvig, Herbert ou encore William le Noir. Ils vivent seuls, totalement isolés, dans le Nord Est Groenland et sont sortis du vécu et de l’imagination du romancier danois Jorn Riel, qui passa 16 années dans cette région dans le cadre d’expéditions scientifiques, pour en tirer une oeuvre littéraire mondialement reconnue.

RACONTARS ARCTIQUES
De ces personnages du bout du monde, qui partent sur leurs traîneaux pour raconter à leurs
lointains voisins des histoires, le jeune Lasselille devine, lors d’une inoubliable digression sur le
sens de l’Histoire Universelle, que «les gosses devront lire des choses à notre sujet et nous
serons juste un tas de noms et d’années dont personne n’arrivera à se souvenir».

RACONTARS ARCTIQUES
Hervé Tanquerelle au dessin et Gwen de Bonneval au scénario veulent donner tort au jeune chasseur-trappeur. Et le trio d’auteurs réussit parfaitement dans une sarabande, drôle et poétique à nous faire pénétrer la vie intérieure d’individus, curé d’enfer ou peintre sans crayon, amoureux de coq ou Comte déclassé, qui cherchent dans l’obscurité polaire à survivre à la solitude et à l’absence de cet être fantasmé: la femme.

la vierge froide et autres racontars

Emma, tiens, c’est comme si elle était faite qu’avec des beignets aux pommes. Les fesses, les seins, les joues et tout et tout. Rien que des beignets mon garçon. Et au milieu de toute cette pâtisserie, deux yeux bleu ciel et une moue rouge.

Les histoires s’enchaînent les unes après les autres, comme des fables de La Fontaine, révélant au bout de quelques pages des morales que le lecteur s’inventera lui même car comme le confie Jorn Riel, un racontar «c’est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l’inverse». L’humour, la dérision, sont présents au détour de chaque page et la BD s’associe parfaitement aux récits multiples pour raconter les silences de taiseux, soumis à l’absence de lumière, ou aux bavardages incessants et ininterrompus d’hommes qui rêvent et créent une «vierge froide» imaginaire prête à réchauffer leurs corps mais aussi leurs âmes.

le roi oscar et autres racontars
Parfois alors, ces êtres hâbleurs deviennent sans le savoir de petits philosophes capables de
sombrer dans une profonde tristesse pour ressurgir plus vivant que jamais grâce à un tatoueur qui va créer un gigantesque dragon sur le dos d’un vieil homme, tatouage redonnant force et joie de vivre. La BD pétille, naviguant entre poésie et tendresse, drôlerie et âpreté. C’est vivant, gai, revigorant. Les personnages sont dessinés avec un trait précis et rigoureux.

Un petit détour et autres racontars

Mais lorsque les hommes, las de solitude, partent en traîneau pour raconter de nouvelles histoires à d’éloignés voisins, le dessin se fait ample et flou, de vastes lavis noir et blanc d’encres de chine, rendent majestueux des paysages où les ours blancs côtoient les phoques. La nuit polaire, la neige, le vent d’est qui refroidit les ardeurs sexuelles, deviennent des personnages à part entière, et comme pour Rembrandt, les scènes de clair-obscur, où la respiration de l’ours blanc nous frottent le visage, sont magnifiques.

Il se trouve qu’il en va ainsi en Arctique : jamais on ne rejette une idée a priori, primo parce que cette idée pourrait, à y regarder de plus près, se révéler intéressante, secundo parce qu’on y voit toujours l’occasion de longues conversations et de discussions instructives entre chasseurs.

Racontars arctiques nous ramènent ainsi au temps des veillées de chez nous, celui où la parole et le silence valaient de l’or, au temps des relations humaines riches et fortes. Alors, « pourquoi pas se fader une bouteille ? On y voit un peu plus clair quand on a sifflé une bouteille entre copains. »

Y voir plus clair pour avoir chaud au coeur. On y revient.

Racontars Arctiques. L’intégrale à tirage unique réunit trois BD préalablement éditées séparément. Jørn Riel, Gwen de Bonneval et Hervé Tanquerelle. Éditions Sarbacane. 384 pages. 29,90 €.

L’auteur

Jørn Riel est né au Danemark en 1931. Il a passé seize ans au Groenland, où il a côtoyé Paul-Émile Victor. Écrivain, ethnologue, c’est aussi un conteur fabuleux. Le succès de ses fameux Racontars Arctiques, puis celui de trilogies comme Le Chant pour celui qui désire vivre ou Le Garçon qui voulait devenir un Être Humain, lui ont apporté la reconnaissance. Il vit actuellement en Malaisie.

L’illustrateur

Hervé Tanquerelle sort 1998 sort son premier livre, La Ballade du Petit Pendu, chez l’Association. Suit une collaboration avec Hubert sur la série Le Legs de l’Alchimiste. En parallèle, il reprend le dessin de la série Professeur Bell de Joann Sfar. Il est le dessinateur de l’adaptation littéraire des Racontars Arctiques de Jørn Riel, en collaboration avec Gwen de Bonneval : série en 3 tomes chez Sarbacane. Il a publié Groënland Verigo chez Casterman (2017). Il vit à Nantes.

Le scénariste

Gwen de Bonneval est né le 9 janvier 1973 à Nantes où il vit. Il dessine – entre autre – pour son complice Fabien Vehlmann, Les Derniers Jours d’un immortel (Futuropolis, 2010), qui reçoit le prix du meilleur album de SF aux Utopiales en 2010, et collabore avec Hervé Tanquerelle à « La Vierge froide et autres racontars » (Sarbacane, 2009-2013), l’adaptation en BD des Racontars Arctiques de Jörn Riel.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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