Rafaële Rivais Conflit de voisinage, l’enfer, c’est les voisins !

L’enfer, c’est les autres, c’est bien sartrien. Et surtout les voisins, ceux qui font du bruit à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit (avec une préférence pour le milieu de la nuit et beaucoup de bruit), ceux qu’on croise dans l’escalier ou l’ascenseur et qui ne disent jamais bonjour, ceux qui râlent pour un rien, mais salopent le hall d’entrée avec leurs chaussures crottées, ceux dont les chiens aboient, dont les chats miaulent, dont les enfants crient ou sautent à pied joint sur le vieux parquet, ceux qui se chamaillent et cassent la vaisselle, ceux qui piquent votre courrier… Bref, à différents degrés, nous avons tous un jour ou l’autre eu un voisin indélicat, voire carrément désagréable.

Mais dans le cas de Rachel Kubler, ce n’est plus d’indélicatesse dont il est question, mais bien de vraie violence, accompagnée de folie. Une histoire qui pourrait magnifiquement illustrer les émissions télévisées sur le sujet et que le lecteur pourrait trouver peut-être incroyable, mais qui est pourtant très fortement inspirée de faits réels. Et du coup, ce petit roman fait vraiment froid dans le dos.

Rachel vient d’arriver à Paris avec ses deux petites jumelles et une baby-sitter, quittant Bruxelles, son compagnon et son ancien boulot. Elle a eu la chance de bénéficier d’un appartement par l’intermédiaire de son nouvel emploi et même s’il ne correspond pas à ses critères de rêve, elle est heureuse d’y emménager. C’est sans compter Audrey Nichelong, sa nouvelle voisine. Cette jeune femme qui travaille en intérim de-ci de-là, est divorcée et vit avec son fils adolescent. Elle n’aime rien ni personne sauf ses chats, fume et picole, en fait le moins possible à son boulot, est agressive, mal élevée… en bref, elle est détestable et veut faire payer à tous sa vie ratée. Elle est aussi d’une jalousie féroce, et focalise sa rage sur Rachel dont elle se persuade qu’elle est responsable de tous ses malheurs.

La première rencontre ne se passe pas très bien, mais l’ambiance entre les deux femmes va dégénérer à une vitesse folle, folle étant le mot parfait pour qualifier Audrey, qui fait une fixation sur la nouvelle locataire et n’a de cesse de tout mettre en œuvre pour la faire déguerpir de ce qu’elle estime être « chez elle », malgré les efforts de Rachel pour se faire accepter.

Le lecteur, s’il est parfois tenté de se dire que cette histoire est un peu trop extrapolée et dépasse la vérité, ne peut pourtant s’empêcher de se mettre à trembler pour Rachel et ses filles, totalement démunies contre la furie qui ne les lâche plus d’une semelle, tout en étant scandalisé par la non-réaction des uns et des autres. Politique de l’autruche, chacun chez soi et surtout, ne pas prendre parti ni se mouiller, ou alors pour son seul profit ! La jeune femme, à bout de nerfs (et de trouille) tente de se faire aider du bailleur (un crétin lâche et bureaucrate), d’autres voisins (lâches eux aussi, et qui ne veulent pas que ça leur retombe dessus), de la police (pas intéressée par le sujet tant qu’il n’y a pas de vraies violences) et s’adresse même à la justice (qui n’a de justice que le nom). Bref, elle essaye tant bien que mal de se protéger de ce véritable harcèlement qui monte crescendo jusqu’à la violence, verbale tout d’abord, puis physique.

Et d’une petite histoire un peu légère au départ, on passe à un véritable thriller angoissant, auquel on ne peut qu’imaginer un dénouement violent. On pense également bien sûr au film « Jeune femme partage appartement » dont il est d’ailleurs fait mention dans l’histoire.

Entre roman et récit, ce livre au style journalistique assez direct (mais néanmoins agréable à lire, rassurez-vous) ne pourra pas vous laisser indifférent sur un sujet qu’on occulte souvent, mais qui est bien réel. Et après l’avoir lu, au moment de choisir votre maison ou votre futur appartement en fonction de son emplacement, du prix ou de ses qualités intrinsèques, vous ne pourrez pas vous empêcher de faire une petite étude discrète du voisinage…

Elle se mit à guetter les allées et venues de sa voisine. Quand elle la savait prête à sortir de l’immeuble, elle préparait une bassine d’eau. Elle la vidait sur sa tête. Elle l’entendait avec jubilation remonter chez elle pour se changer. Lorsqu’elle l’apercevait dans la rue en train de rentrer chez elle avec sa poussette double et les petites dedans, elle bravait le flot des voitures pour arriver avant elle au pied de l’immeuble : elle maculait d’huile la poignée de la porte d’entrée.

Rafaële Rivais Conflit de voisinage, Max Milo, juin 2013, 192 pages, 16€

 

*

Rafaële Rivais Conflit de voisinage : l’enfer, c’est les voisins !

Article précédentDésir et volupté à l’époque victorienne au musée Jacquemart-André, tonitruant et sensuel
Article suivantLe plébéien enragé d’Alain Brossat, Contre-histoire de la modernité

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici