La Cour de cassation vient d’annuler le licenciement d’une employée de la crèche de Baby-Loup qui portait un foulard islamique pour « discrimination en raison des convictions religieuses ». Désormais, le député Éric Ciotti et le ministre de l’Intérieur souhaitent conjointement une loi plus restrictive en matière de port de signes religieux au travail dans le secteur privé. En accord avec le principe de la laïcité. Que propose actuellement la loi et pourquoi ce soudain empressement ?
Le Droit du travail
Si la loi n°2010-1192 se prononce sur la dissimulation du visage dans l’espace public, c’est bien le Code du travail qui donne des prérogatives sur la liberté religieuse au travail. L’article L120-2 affirme que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». L’article 122-45 précise également le sujet des discriminations. « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage (…) en raison de (…) de ses convictions religieuses » et aucune personne ne peut être licenciée pour ces mêmes raisons. En dehors donc de cas particuliers comme des vêtements pouvant mettre en danger le salarié ou ne lui permettant pas d’exercer sa profession correctement, il y a liberté de se vêtir ou de se coiffer. Pour les métiers en relation avec une clientèle, la loi reste floue avec la notion « d’image de marque » de l’entreprise.
Différents signes religieux
Aujourd’hui, c’est le foulard islamique qui revient chez les partisans d’une nouvelle loi, sans précision sur son type (foulard ouvert, hijab, burka, etc.) et en délaissant les autres signes religieux. La loi 2010-1192 reste ainsi dans les mémoires comme une loi contre le voile islamique. Pourtant le signe religieux est varié, du plus discret au plus voyant, qu’il soit un turban pour les sikhs, le port d’une kippa, voire de papillotes pour les juifs orthodoxes, une tunique safran pour le moine bouddhiste, le port d’une croix ou d’un chapelet pour les chrétiens, etc. Certaines enseignes commerciales peuvent très bien revendiquer ces signes pour une certaine « image de marque ». (À l’étranger, comme à New York par exemple, le magasin de photo BH-Photo revendique clairement sa religion juive à travers l’allure de ses vendeurs.) Reste également la pratique de sa religion au travail, c’est-à-dire le jeune, la prière, la méditation qui restent à la discrétion de l’employeur et qui peuvent être opérés pendant les temps de pause à la condition de ne pas perturber le fonctionnement de l’entreprise.
Un ministre en manque de soutien
Au moment où le gouvernement est au plus bas de sa popularité et où la droite attaque Manuel Valls sur les chiffres de la délinquance, il est opportun de s’interroger sur le choix d’une telle montée au créneau du ministre. Les récents incidents lors de la manifestation des anti « mariage pour tous », ne font que conforter l’idée d’une recherche de soutien du ministre et surtout d’une divergence et dispersion de la communication. Rappelons que, dans sa propre ville comme ailleurs, Manuel Valls n’a jamais été tendre avec la religion musulmane : « Il y a très peu d’exemples dans l’histoire de l’humanité où en aussi peu de temps une religion a pris son essor dans un pays ». Étrange paradoxe, alors qu’il n’y a plus de ministre des Cultes depuis la loi de 1905, mais un bureau central des cultes au sein du ministère, les ministres de l’Intérieur qui se succèdent depuis plusieurs années recherchent tous des soutiens parmi les communautés religieuses.
La question de la religion au travail, comme dans l’espace public, reste un point épineux que le seul bon sens ne parviendra pas à régler. La tentation d’instrumentaliser un cas judiciaire pour en faire une loi n’est pas nouvelle dans notre vie politique. Pourtant, il convient de prendre du recul. Notamment pour réfléchir à la source de la définition d’une loi : existe-t-telle pour éviter des conflits ou permettre de les résoudre ?