Naviguez à la rencontre des eaux avec Mylène Durand

mylène durand la rencontre des eaux

Il aura fallu assurément un temps long et une volonté sans faille à Mylène Durand pour pouvoir écrire le roman La rencontre des eaux. Son histoire en effet prend naissance en 1650 dans une île où se sont réfugiés des Wendat°, plus connus chez nous sous le nom de Hurons. Gahoendoe, tout au fond de la baie Georgienne en Ontario. Ce qu’elle nous raconte est une fiction bien sûr, mais…

… elle a aussi une autre histoire et peut-être même plusieurs, étroitement entrelacées. Ce qui est ici la genèse du roman se situe dans de lointaines racines. Il faut savoir en effet que le premier Durand, Jean de son prénom, à mettre le pied sur ces terres d’Amérique en 1657 à l’âge de 21 ans, a épousé une femme Wendat, Annenonta°°. C’est ce que nous dit ce gros livre rouge aux lettres d’or en couverture dont Mylène nous parle en préambule, un livre habité par tous ses ancêtres°°°, qu’elle parcourra des yeux enfant puis, adulte, qui s’offrira à elle pour reconstruire sa famille et savoir d’où elle vient.

Gahoendoe. Là vivent trois cent Hurons accompagnés de quelques dizaines de Français, des Jésuites, des engagés ou des trente-six mois, et six soldats, tous pauvrement armés, tous déjà affamés à la suite de mauvaises récoltes et pourchassés par les Haudenosaunee, les Iroquois dans notre langue. Il faut tout abandonner et c’est cette fuite que nous raconte La rencontre des eaux. Si cette échappée appartient de fait à l’histoire, nous la vivons ici de l’intérieur et au cours de cet interminable voyage nous avons sans cesse l’envie de déplier les cartes et d’en tracer la route. La rivière des français, le lac Nipissing, les rivières Mattawa et Outaouais, le chemin qui marche jusqu’aux rapides de Lachine avant Ville-Marie, c’est-à-dire Montréal et enfin Québec.

Mylène Durand

Ces courants imprévisibles, ces rapides, ces immenses chutes à contourner en portant à bras les embarcations, la peur sans cesse d’être attaqués, la faim, les forces qui manquent, de tout cela nous souffrons avec Annenonta et sa fille Yarahkwa encore allaitée. Nous sommes avec sa cousine Sandiessa et ses compagnons de route Thodatooan, Oneonti. Et les Robes noires dont le père Chaumonot qu’elle tient à distance comme les autres Jésuites. Car Annenonta, plus que d’autres, veut protéger sa culture et ses croyances qu’elle soupçonne menacés. C’est à travers elle que nous découvrons les regards des Wendat sur le monde, que nous apprenons leurs rêves, que nous partageons leurs amours. La terre-mère, l’esprit de l’eau, les maisons longues, la fête des âmes, les arbres géants… La grande réussite de Mylène Durand est de nous entraîner avec elle, d’être des leurs dans ce périple de tous les dangers.

Il leur faudra un mois et demi pour atteindre Québec ! 1200 kilomètres ! À pagayer en silence, marcher, veiller, porter, pagayer encore et encore. 10 juin-20 juillet 1650. Il fallait pour ne pas être emporté dans les tumultes des eaux, des respirations. Mylène les trouvera dans d’autres histoires dans l’histoire et pourtant toujours la sienne. Là où s’entremêlent le présent et le passé immédiat, où elle se rend sur les lieux mêmes de leurs passages et remet ses pas dans les leurs, parle et joue avec son fils comme Annenonta avec Yarahkwa, apprend tout simplement à être femme et mère. L’ensemble est un chant de grâce aux premières nations, à leurs mémoires et aux femmes. En un mot un ton de vérité, des phrases qui sonnent juste, un vrai beau livre qui nous interpelle dans nos certitudes.

mylène durand

La rencontre des eaux de Mylène Durand, 276 pages, éditions Pleine lune. Parution : 27 octobre 2024.
Il peut être trouvé dans toutes les librairies au Québec (27,95$ canadien) et en France (31,50 €) à la librairie du Québec à Paris.

  • 1. L’usage est d’omettre le pluriel.

2. Cette femme s’appelle Annenontak dans le livre rouge.

3. Établi et régulièrement actualisé par deux autres Durand bien d’aujourd’hui ceux-là, Louis-Gilles et Brigitte.

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Jean-Louis Coatrieux
Jean-Louis Coatrieux est spécialiste de l’imagerie numérique médicale, écrivain et essayiste. Il a publié de nombreux ouvrages, notamment aux éditions La Part Commune et Riveneuve éditions.

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