Jeudi 12 mars, les Ateliers du Vent inauguraient leur nouvelle ZAC, autrement dit leur zone aménagée de containers. En ces temps de travaux et de restructuration, ces derniers vont permettre au collectif de continuer leurs actions artistiques, à haute valeur conviviale ajoutée. Rappel du circuit.
Attention, à l’entrée, ça rigole pas (ou alors, sous casque !). On vous fait signer une « décharge de responsabilité » en cas d’accident au cours de cette visite de chantier du futur bâtiment. Ensuite, on vous prie d’essuyer vos pieds sur le paillasson, ce qui donne le ton de cette déambulation qui privilégie l’absurde. Après un petit verre bien épicé, deux « guides » casqués – un binoclard moustachu et un autre qui porte en médaillon une pelle qui sourit – invitent à poser les yeux sur les œuvres.
Très finement, la première est une main sur un mur de béton décrépi, allusion aux premières traces picturales des cavernes. Le guide souligne l’intérêt de cette main « typique de la première période » et précise qu’« ils avaient déjà cinq doigts ». Ensuite, on découvre diverses œuvres de Michel Travaux, heureusement accompagnées d’un cartel – sinon, comme souvent en art contemporain, on ignorerait qu’il s’agit d’une œuvre ! Ici et là, d’autres cartels indiquant un « point de vue remarquable » amènent l’œil à saisir la vue cadrée par deux barres de cloisons de chantier métalliques. Ici, « un tas de sable. Assez beau. Assez gros. Les traits sont des traces d’ouvriers ». Là, un savoureux « triptyque d’Escher » (artiste hollandais auteur des célèbres dessins explorant l’infini en trompant l’œil avec de savantes combinaisons géométriques) constitué de trois cônes en plastique rayé rouge et blanc, relié par du ruban de chantier de même couleur. Le moustachu s’attarde sur les « vestiges », gros sacs de chantier remplis de gravats, dont il donne aux visiteurs quelques morceaux, assurant que « ça va prendre de la valeur ». Il nous incite à entrer dans le bâtiment pour y admirer une « très belle zone de désamiantage ». À la sortie, il nous montre des traces qui pourraient être « le souvenir de tombes d’ouvriers roumains ». À côté, deux parpaings posés sur une table de pique-nique rétro procurent un arrière-goût de l’édition 2012 de la Biennale rennaise. Le guide y voit une incitation à jouer au kung-fu (plutôt référence à l’édition 2014, alors !). Reprenant provisoirement leur sérieux, les guides expliquent le rôle et les objectifs des Ateliers du vent.
Au-delà du volet artistique, il y a une volonté d’apporter du rêve à ce nouveau quartier peu propice à en générer, et aussi de favoriser le lien social. La Zone Aux Containers se transforme en petite place de marché où les inscrits à l’AMAP du Pont-Neuf viennent récupérer poireaux, patates et épinards, œufs et poulets. Le (bon) pain quotidien est fourni par Carole, paysanne-boulangère installée avec Kevin Pêcheur à la Ferme du Launay à Bovel.
Pas d’inauguration sans coupe de ruban, discours et remerciements. Ceux-ci, aussi longs et infiniment plus drôles que les habituels étaient adressés pêle-mêle à Oum Khalsoum, Paul Bismuth, Pyong-Yang, Sanofi, la SNCF, Gallimard… un inventaire à la Pérec précédant une longue liste de prénoms plus crédibles – probablement ceux des nombreux semeurs de vent qui œuvrent à ce « carrefour entre Lorient et l’Occident ». Champagne ? Ben non. Par un ultime clin d’œil décalé, la bouteille censée péter sur le container jaune ne s’est pas brisée. Elle y a adhéré. Tout comme nous aux Ateliers du vent !
Photos : Florence Audebert