Mourir, quelle histoire ! est visible du 16 mars au 22 septembre 2024 au musée de Bretagne sis aux Champs libres de Rennes. Coproduite avec l’Abbaye de Daoulas, l’exposition interroge le rapport qu’entretiennent les vivants à la mort et aux morts. Équilibre savant entre objets funéraires de Bretagne et de pays lointains, l’exposition propose une plongée dans la pluralité des pratiques culturelles liées aux rituels funéraires afin de, peut-être, mieux comprendre les nôtres, avant de s’interroger, à titre individuel, sur le sens de… toute cette histoire.
Après avoir attiré plus de 50 000 visiteurs à l’Abbaye de Daoulas, le musée de Bretagne inaugure à son tour l’exposition Mourir, quelle histoire !. Avec un titre et une identité graphique qui détonnent, le musée de Bretagne invite à plonger dans un sujet universel : la mort, particulièrement les rites funéraires. Comment les êtres humains se confrontent-ils à la finitude de l’être humain ? Quelles pratiques individuelles et collectives sont mises en place à la fin d’une vie, à la mort d’un humain proche, voire avec les morts ? À l’heure des débats au sujet de la fin de vie introduits par Emmanuel Macron le lundi 11 mars 2024, l’ouverture de l’exposition prend un relief particulier : les rites funéraires immémoriaux comme les pratiques modernes, les nouvelles lois, traitements, habitudes jusqu’à la volonté de dompter la mort, sont là pour apaiser la souffrance des vivants.
En préambule, une série de vidéos de témoignages. Des enfants et des personnes âgées répondent chacun à sa manière à la question que chaque humaine se pose : « qu’y a-t-il après la mort ? ». Les visiteurs doivent-ils s’attendre à une exposition effrayante, du moins dérangeante. Pas du tout. Dans « ce musée de la fabrique du patrimoine commun », comme le souligne le directrice du musée de Bretagne Céline Chanas, le titre peut être trompeur : l’exposition ne traite pas de la mort en elle-même, mais de la façon dont en Bretagne et dans le monde les sociétés humaines ont agi face à elle. « Le but n’était pas de faire du sensationnalisme autour de ce sujet, nous n’avons pas exposé d’ossements », rassure la co-commissaire Edith Joseph, chargée de conception des expositions pour Chemins du patrimoine en Finistère. « Nous n’avons pas montré des éléments physiques qui, pour les personnes issues des cultures qui les pratiquent, sont faits pour rester cachés ou tabous. »
Contrairement à l’expo Celtique ?, qui avait eu le courage d’opérer une mise au point au sujet d’une vaste entreprise de reconstruction identitaire fantasmée, aucune polémique n’est ici à prévoir. Les commissaires d’exposition ont choisi de ne pas traiter les questions actuelles et médicales, comme le suicide assisté ou l’euthanasie. « L’exposition n’avait pas cette vocation », précise Laurence Prod’homme, conservatrice au Musée de Bretagne. « Elle tourne autour des rites funéraires, ce que font les vivants pour supporter ces événements douloureux. »
Différentes thématiques communes à toutes les sociétés humaines constituent la narration. Elles sont liées à l’attachement : la retenue, la séparation, la commémoration, le souvenir, etc. « Il n’y a aucune société humaine, depuis le néolithique et même avant, qui ne traite pas ses morts, qui n’a pas de rituels liés à la mort et aux morts », commente Edith Joseph. À travers une juxtaposition peu ou prou comparatiste d’éléments variés (statuaires, peintures, archives, etc.) datant du XVIe au XXe siècle, l’exposition souhaite rapprocher les différentes cultures. Même éloignés géographiquement, certains objets se font écho et expriment la même énergie. Le passeur d’âmes préféré des Bretons, nommé l’Ankou, trouve son pendant en Indonésie avec Korwar, sculpture qui reprend les traits d’un enfant pas content. Il s’agit en réalité d’un réceptacle pour une partie de l’âme du défunt afin qu’elle n’erre pas sur terre…
S’il existe des similitudes dans certaines pratiques, la singularité de certains rites est également valorisée. En Bretagne, la cérémonie de la Proella est caractéristique de l’île d’Ouessant. Quand le corps d’un marin disparu en mer n’était pas retrouvé, une croix en cèdre ou en osier se substituait à sa présence absente. Un peu plus loin, direction la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Un masque funéraire Nakanai en tapa rappelle une tradition funéraire papouasienne. Lors de funérailles, le maître de cérémonie portait un costume de danse en tapa. Une fois le corps mis en terre, il est recouvert de 20 couches de tapa décorées. À ses côtés sont déposés les capes et masques en tapa.
La gestion du deuil par les vivants connaît ces mêmes différences : l’hommage et la retenue en Occident, tout de noir vêtu, et la célébration et la fête en Afrique avec des pratiques extrêmement vivantes, comme le montre la vidéo saisissante “La danse du défunt” au Ghana.
L’exposition Mourir quelle histoire ! se termine sur une note contemporaine, révélatrice d’une permanence dans les pratiques : des objets de différentes personnes, souvenir d’un défunt, trônent sur une étagère et rappellent que la question de la mort est une affaire qui concerne bien tous les vivants.
Avec une scénographie cohérente qui invite à déambuler en s’enrichissant et en s’interrogeant, Mourir, quelle histoire ! expose des objets, pour certains d’intérêt majeur et/ou somptueux, dans une forme de cabinet de curiosités dédié. Sa vision d’ensemble des rites funéraires avec de courts textes explicatifs plaira à tout le monde. Un conseil toutefois : préférez une visite guidée avant de la visiter une seconde fois par vous-même.
Petit regret : l’absence d’un volet dédié à la résistance à la mort et son corollaire qu’est la recherche d’immortalité. Au cœur de l’Épopée de Gilgamesh, le plus ancien texte de l’humanité, cette « quête » se prolonge dans tous les bassins civilisationnels, notamment dans le cycle arthurien et le Graal, objet mythique qui a fait connaître la Bretagne armoricaine, anglaise et galloise partout dans le monde. Le Graal qui trouve désormais un prolongement dans la quête transhumaniste dont les pratiques et les développements techno-psychiques marquent un tournant dans le rapport de notre société à la gestion de la vie et de la mort. Mourir, fin de l’histoire ?
Mourir, quelle histoire !, du 16 mars au 22 septembre 2024 au Musée de Bretagne aux Champs libres de Rennes
Horaires d’ouverture :
• du mardi au vendredi de 12h à 19h
• samedi et dimanche de 14h à 19h
Petites vacances scolaires :
• du mardi au vendredi de 10h à 19h
• samedi et dimanche de 14h à 19h
Tarif : Plein tarif : 4 €. Gratuité : titulaires de la carte Sortir!, minima sociaux et moins de 26 ans. Gratuit tous les premiers dimanche du mois.
Tarifs & horaires détaillés sur leschampslibres.fr