Rennes Cleunay : une opération anti-drogue révèle l’implication croissante de mineurs

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Mercredi 9 avril 2025, une quarantaine de policiers — dont des membres de la CRS 82 — ont été mobilisés en milieu d’après-midi dans le quartier de Cleunay, à l’ouest de Rennes, pour une opération qualifiée de « classique » mais ciblée contre un point de deal identifié. L’intervention s’est appuyée sur une surveillance par drone et des renseignements collectés en amont, dans un secteur de plus en plus touché par le trafic de stupéfiants.

Une opération policière d’envergure dans un quartier de plus en plus sous tension

Au total, 17 personnes ont été interpellées : un vendeur, quatre acheteurs et douze guetteurs. Parmi ces derniers, dix étaient mineurs, dont un garçon de seulement 12 ans, un fait rare mais révélateur de l’ampleur de l’enrôlement des enfants dans ces réseaux.

Les interpellations ont eu lieu dans un secteur résidentiel où les habitants dénoncent depuis plusieurs mois l’occupation des halls d’immeubles par de jeunes trafiquants, souvent très jeunes, et parfois armés. Une habitante parle d’un « climat de peur permanent », où les plus jeunes du quartier servent de vigies ou de mules.

L’enrôlement des mineurs dans les trafics : un phénomène national préoccupant

L’implication d’un enfant de 12 ans dans une opération de deal illustre un phénomène en nette recrudescence dans plusieurs grandes villes françaises. Les réseaux de trafiquants ciblent de plus en plus les adolescents et préadolescents pour des fonctions de guet ou de livraison. Cette stratégie s’explique par plusieurs facteurs :

  • Une faible exposition pénale : les mineurs, en particulier les moins de 13 ans, ne peuvent pas être incarcérés, ce qui en fait des acteurs juridiquement « peu risqués » pour les réseaux.
  • Une grande vulnérabilité sociale et familiale : les jeunes issus de milieux précaires, parfois déscolarisés, sont plus facilement manipulables et sensibles à l’appât du gain.
  • Un enrôlement progressif : souvent, les enfants commencent par rendre de petits services, puis sont impliqués plus profondément, jusqu’à rompre complètement avec leur vie scolaire ou familiale.

Dans certaines cités, comme à Marseille ou Nice, on parle d’un modèle d’ »esclavage moderne », où les jeunes guetteurs peuvent être menacés, battus ou retenus de force par les « caïds » s’ils cherchent à s’extraire du système. Le procureur de Rennes a rappelé récemment que les vacances scolaires représentent une période de « haute vulnérabilité », propice au recrutement d’adolescents.

Une réponse institutionnelle encore incomplète

En réponse à l’ampleur du phénomène, les réponses judiciaires et éducatives peinent à suivre. Si les opérations policières comme celle de Cleunay permettent de perturber temporairement les réseaux, elles ne suffisent pas à enrayer les dynamiques de fond.Le gouvernement envisage la création d’un parquet national dédié à la criminalité organisée, qui pourrait inclure une compétence sur les trafics impliquant des mineurs. Parallèlement, plusieurs associations demandent :

  • Des campagnes de prévention ciblées dans les collèges et quartiers sensibles ;
  • Le renforcement de la présence éducative et sociale dans les zones touchées ;
  • Des alternatives concrètes à l’économie souterraine : insertion, stage, activité sportive ou culturelle encadrée.

À Cleunay, une fracture sociale de plus en plus visible

Le quartier de Cleunay semble progressivement rejoindre d’autres zones de Rennes (Villejean, Maurepas, Le Blosne) en terme de désengagement progressif des institutions publiques. L’intervention du 9 avril a permis une saisie de produits stupéfiants, dont de la cocaïne, mais aussi mis en lumière le sentiment d’abandon partagé par une partie des habitants. La question n’est plus seulement celle du trafic, mais aussi celle de la reconquête sociale de ces quartiers, avant qu’une génération entière d’enfants ne soit engloutie par les logiques du deal.