Depuis plus de 50 ans, Rennes entretient des relations étroites avec les États-Unis. En ce matin de résultats électoraux, les membres du consulat, de School Year abroad, de l’Institut franco-américain, du comité de jumelage Rennes-Rochester, des élèves du lycée Victor et Hélène Basch de Rennes ou de Saint-Joseph de Bruz et autres citoyens du monde suivaient, stupéfaits, l’avènement de Trump.
Dans l’amphi de la Maison Internationale, deux grands écrans transmettent CNN en direct. En l’absence de la Consule (en congé maternité), Eric Beaty, attaché économique et commercial au consulat des États-Unis pour le grand ouest, anime le breakfast. Il demande aux participants s’il y en a qui viennent des swing states, ces États indécis qui peuvent faire basculer le résultat (un système compliqué qui donne une plus large importance aux « grands » électeurs qu’au vote du peuple – Al Gore en a été la victime face à Bush en 2000). La gorge serrée, une jeune fille du New Jersey, d’ascendance hispanique, exprime son inquiétude pour tous les travailleurs précaires d’origine étrangère. Une autre de Géorgie extériorise son désarroi avant de fondre en larmes. Une étudiante du New Hampshire qui a voté pour la première fois s’affirme très déçue. Une ressortissante de Pennsylvanie souligne le grand contraste des résultats entre les grandes villes et les zones rurales. Issu de Caroline du Nord (autre État qui a basculé), un participant tente de (se) rassurer : « le parti des Républicains a de grands leaders qui ne supportent pas Trump. On peut compter sur eux pour le tempérer. En tous cas, j’ai confiance ». Un jeune homme de l’Ohio formule sa perplexité face au processus de la campagne : « on peut dire que Hillary Clinton est sortie renforcée des trois débats, et au final, elle perd. So what ? » Même dégoût chez une New-yorkaise qui comprend mal pourquoi « les gens à faibles revenus ont voté pour Trump qui ne va surement pas servir leurs intérêts. Ils vont souffrir encore plus ». Sa voisine du Connecticut, les larmes aux yeux, rappelle que son état est un des rares à avoir voté Clinton ; elle s’inquiète profondément pour la cause des femmes et des gays. Une ex de School year abroad qui s’apprête à retourner en Californie avec son compagnon et leur enfant de 3 ans, affiche sa tristesse de cette perspective et le réconfort du souvenir de ce moment partagé à Rennes et des réactions de ses concitoyens.
Parmi les Français présents, un homme demande s’il y a là un Américain heureux du résultat. Silence. Nobody. Il reprend la parole : « Vous voyez, on a le même problème en France. Personne ne dit qu’il vote pour le Front national, et pourtant ils sont nombreux à le faire ! » Et de préciser : « J’ai vécu deux ans aux États-Unis, il y a une chose qui m’a frappé là-bas : c’est votre fierté d’être Américain. Là, ça va être dur pendant quatre ans, mais la vie continue ». Certes, pourtant certains s’affolent. Louis, Franco-Américain, dont le père G.I. a grandi dans « un patelin texan, le plus petit et le plus moche des U.S.A. » raconte avoir reçu un coup de fil de sa sœur éplorée qui songe à le rejoindre en France, car « il vaut mieux vivre dans votre belle Bretagne ». Même son de cloche chez Kevin, étudiant à Sciences Po, en master Les Amériques : « Je suis dépité. Ce sont les ploutocrates qui gagnent. Pas la démocratie. J’ai des amis américains qui disent ne pas vouloir repartir dans leur pays. Moi ce qui m’inquiète, c’est ce qui va arriver chez nous en 2017 ».
8 h 44, 2 h 44 là-bas. Breaking news. Une ligne en bas de l’écran informe que « Clinton calls Trump to concede election » (Clinton a appelé Trump pour reconnaître le résultat). Le futur 45e président des « États-Unis d’Amérique monte sur scène pour faire son premier discours post-campagne. Il rend hommage à son challenger, promet d’être le président de tous les États-Unis, remercie sa famille et assure que maintenant, il va lancer son grand plan de relance économique. Oh yeah ! La salle se vide. Reste un public clairsemé pour écouter les réponses au quizz distribué en début de matinée. Visiblement ébranlé, Éric Beaty conclut son speech par “on va continuer. Les affaires reprendront”. Business is business. Ce n’est pas Trump qui le contredira sur ce point-là.
Un souvenir ? Marie et Éva distribuent des cartes Michelin des USA. Mais franchement, qui a envie d’y aller ce matin ?