L’exposition préalable à une vente aux enchères, c’est toujours la promesse d’un voyage dans le temps et la perspective d’un régal pour les yeux et pour l’imaginaire. Celle de Rennes Enchères, le 2 février prochain, offrira également le charme d’une scénographie orchestrée par Véronique Boyeldieu d’Auvigny. Prêts pour l’évasion ?
Commençons par marcher dans les pas d’un « Jeune berger berbère ». Ce bronze doré coulé chez le fondeur Colin porte la signature prestigieuse de Marius-Joseph Saïn (1877-1961). « Cette œuvre attachante, d’une exécution soignée, s’inscrit dans la veine orientaliste », précise la critique d’art Gwénaëlle de Carné. « Enfant d’Avignon, formé dans cette ville, puis à Marseille et à l’école des Beaux-Arts de Paris où il est admis en 1902, Saïn participa en 1910 au Salon de la Société coloniale des artistes français, ce qui lui valut une bourse de voyage en Algérie » poursuit-elle. « De ses quelques mois passés là-bas, avant de s’embarquer pour la Grèce en 1912 et d’être mobilisé en 1914, Saïn garda un souvenir ébloui : une inspiration nouvelle, des modèles charmants, véritables “tanagras” du Maghreb. Le bronze de Rennes Enchères est entièrement doré et les étoffes sont rendues à la perfection : brillantes et moirées ».
Quittons le sud pour l’est, en nous mettant au samovar. La fontaine à eau chaude en argent, digne de figurer chez Tolstoï, est d’une facture exceptionnelle. Le modèle balustre en côtes torses avec deux anses à volutes en ébène repose sur trois pieds terminés par des patins en ébène formant support pour le réchaud. Son corps renflé et ciselé porte un médaillon à rocailles assorti de motifs de lauriers et de joncs : il est gravé du mystérieux monogramme CSL (proposons Cara Saint-Laurent !). Cette pièce (estimée entre 1800 et 2000 €) est le clou de la vente d’orfèvrerie qui comporte par ailleurs de magnifiques cafetières, légumiers, couverts, timbales et plats en argent, issus de grandes maisons comme Aucoc, Odiot, Puiforcat et Boin-Taburet.
La vente de sculptures ouvrira sur un extravagant trophée en argent reposant sur un socle de marbre vert agrémenté d’appliques en argent. Pour l’expert Bertrand Berthelot, « cette pièce illustre non seulement le savoir-faire de l’orfèvre parisien Fernand Poisson, mais aussi une époque où on glorifiait le travail et l’agriculture avec des références à la mythologie ». Ici, c’est Cérès, déesse romaine de l’agriculture qui pose majestueusement avec des gerbes de blé, du raisin, une corne d’abondance et autres symboles de fécondité (estimation 1800/2500 €). Parmi les sculptures de rois, cavaliers, danseurs et puttis, deux attireront l’attention des collectionneurs : un important groupe figurant la nymphe Amalthée menant la chèvre de Jupiter au ruisseau (2500/3000 €) et un ravissant bronze patiné signé François Méheut (1905-1981) dans l’esprit Seiz Breur. L’Attente représente une mère et son enfant regardant dans la même direction – probablement la mer, dans l’espoir de voir apparaître la voile du bateau de pêche du pater familias (2300/2800 €).
Avec les tableaux du XIXe, on se promène dans l’art des écoles italienne, flamande, anglaise ou hollandaise. On y repère des paysages bucoliques (de 80 à 400 €), un portrait de marquise en robe bleue (800/1000 €), un somptueux vase de fleurs du début XVIIIe (4000/4500 €), un surprenant jeune homme cheminant, portant perruches et perroquets ((500/800 €) et un magnifique départ de chasse à courre à Baden-Baden d’August Knip (5000/6000 €). La vente de peintures se clôt avec une quinzaine de miniatures peintes sur ivoire (très jolie Femme du Moyen-Age devant un cloitre, de Paul Victor Grandhomme : 400/600 €) ou sur cuivre (remarquable Femme au châle rouge du même artiste : 800/ 1000 €).
On file à Venise ? Deux magnifiques vases boules du XVIe s. en proviennent. Leurs décors polychromes de personnages dans des médaillons jaunes se détachent sur un fond bleu orné de larges palmes fleuries. L’un en parfait état est estimé 3000/3500 € ; l’autre, cassé et restauré vaut trois fois moins. Beaucoup plus moderne, un sublime vase tulipe des années 60, en verre à décor millefiori, illustre le talent des maîtres-verriers de Murano (L. Gamboro, 300/400 €).
Quittons la cité des doges pour partir sur les pas de Marco Polo vers l’Extrême-Orient. Souvenir de vos pérégrinations imaginaires : une paire de vases en bronze cloisonné à décor de volatils et fleurs sur fond vert émeraude (400/500 €), des personnages en porcelaine d’époque Jiaqing (1796-1820) estimés 3500/4500 €, des panneaux en bois incrustés (150/200 €) ou mieux, une plaque en forme de disque avec gracieux volatiles sur un fond bleu entouré de bois laqué noir (100/180 €).
Pour ceux qui sont plus tradis dans leurs goûts, l’expert Bertrand Berthelot souligne la présence d’intéressantes céramiques (grand vase ovoïde de G.M. Chanteau pour HB Quimper au décor symboliste d’une sirène lascive parmi une végétation aquatique. 1500/2000 €), de vases en verre signés (Lalique, Gallé, Delatte, Charder…) et de mobilier français prestigieux, d’époque Louis XVI (console en bois doré, 1000/1400 € ; desserte à plateaux de marbre, signée Pierre Roussel, 8000/10 000€ ; paire de fauteuils, 1600/2000 €), Empire (pendule en bronze doré et ciselé, 1200/1500 € ; table trictrac en acajou 800/1200 €), ou Louis-Philippe (secrétaire en palissandre et filets de buis à plateau de marbre, 600/900 €). Pour remonter encore plus dans le temps, misez sur une exceptionnelle bergère à oreilles estampillée L. Delanois, ébéniste chouchou des aristocrates (1200/1500 €). Elle fera très bon ménage avec sa contemporaine, une commode en palissandre à rehauts de bronze, estampillée M. Criaerd (3000/3500 €). Le plateau de marbre de celle-ci appelle bien sûr des candélabres, çà tombe bien : en voici deux de la fin XIXe, de style Louis XV, tarabiscotés à souhait en bronze et marbre (8000/10 000€). Problème : ils ne laissent pas de place à une horloge. Il faudra donc opter pour un cartel d’applique, dont le mouvement (exécuté par le maître-horloger P.-M. Barancourt) est encadré de feuillage et surmonté d’un petit vase et de pommes de pin en bronze doré et ciselé. Des pendules de Barancourt sont conservées à Madrid, Londres, Stuttgart et San Francisco. Les horloges voyagent aussi…
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Expositions publiques : Vendredi 30 janvier de 15h à 18h Samedi 31 janvier de 10h à 13h et de 15h à 18h Dimanche 1er février de 15h à 18h
Lundi 2 février de 9h à 11h
Vente : Lundi 2 février 2015 à partir de 14h
Rennes enchères – Hôtel des Ventes (voir le plan et les infos pratiques)