Avec sa nouvelle exposition, l’Écomusée de la Bintinais explore les liens qui nous unissent aux Fleurs, au-delà des apparences. De la botanique aux imaginaires qu’elles incarnent, en Bretagne et ailleurs, elle donne à voir la face cachée de celles qui nous entourent au quotidien jusqu’au 31 août 2025
Comme chaque année, l’Écomusée de la Bintinais ouvre une exposition qui révèle une façon de regarder la nature, ici, c’est la fleur qui est l’heureuse élue, après le cuir l’an dernier. Fleurs, au-delà des apparences croise les disciplines avec l’objectif de montrer un regard novateur sur le sujet en abordant la botanique, les sciences naturelles, l’artistique, mais aussi la symbolique. Les fleurs retiennent notre attention pour leur beauté et leur esthétique, et la fascination qu’elles peuvent exercer, mais l’exposition soulève les feuilles et les pétales afin d’en révéler la face cachée. « Un autre titre aurait pu être “Celle que je ne suis pas”. Tout le monde connaît les fleurs, mais qu’en connaît-on vraiment ? », introduit le directeur Romain Bourgeois.
Après une partie introductive où l’on découvre notamment la série de peintures Les quatre saisons de Lucien Pouedras, le public commence sa visite dans une scénographie qui représente un intérieur aux teintes poudrées, dans un écho à l’affiche réalisée par Sophie Barel. Dans cette première section, nous en apprenons plus sur la peinture de fleurs, et particulièrement l’ambivalence entre sa pratique et le genre. L’architecte et historien français André Félibien, à l’origine de la hiérarchie des genres, a en effet conçu sa théorie en fonction de la représentation de la figure humaine. « Moins on voit d’humains, moins les tableaux ont de l’importance », précise Sarah Hatziraptis, cheffe de projets de l’exposition. Genre le plus dévalué, la nature morte est aussi le seul dans lequel peuvent s’illustrer les femmes. « La pratique venait essentiellement des femmes puisque cela ne nécessitait pas de suivre des cours d’anatomie de nu qui ont longtemps été interdits pour les femmes. »
Des dispositifs interactifs à but pédagogique cohabitent avec les œuvres et transmettent des connaissances botaniques : un jeu Qui est-ce revisité initie aux fleurs et des planches révèlent des anecdotes sur la provenance de certains noms. « Le coquelicot tient son nom de l’ancien français ”coquerico”, qui renvoie au cri du coq et à la couleur rouge de sa crête », apprend-on. Au fil de la visite, différents bancs proposent aussi des dispositifs d’écoute grâce auxquels le public peut écouter des chansons afin de mettre en valeur différentes typologies de sources, tant sonores que visuelles.
Dans l’évocation à une déambulation dans un parc – dont le Thabor a d’ailleurs été la principale inspiration -, le visiteur se balade dans une scénographie conçue à partir d’éléments naturels comme la terre, le lierre et l’osier dans le but de donner une dimension plus naturelle. La fleur accompagne son parcours, d’îlot en îlot, comme elle accompagne la vie de l’être humain. On lui révèle notamment l’association faite entre la femme et la fleur, car c’est bien connu, les garçons naissent dans les choux et les femmes dans les roses. Il suffit de regarder le dessin animé Poucelina… Depuis toujours, la fleur est le symbole de la femme, pour sa fragilité, sa délicatesse et sa pureté. Quelle petite fille n’a pas connu le jeu de société Mes jolies fleurs ?
Cette comparaison contamine aussi le vocabulaire : alors que les hommes sont comme le bon vin – ils se bonifient avec le temps -, les femmes se fanent comme des fleurs (sympa). Dans la chanson, dans la poésie et dans la publicité, il n’est pas rare que les femmes soient associées aux fleurs, et l’exposition évoque ces nombreux parallèles basés purement sur des apparences. Une sélection de cartes postales agrandies représente par exemple des femmes dans des champs de fleurs sans qu’on puisse distinguer quel est le véritable sujet de l’image : la fleur ou la femme ? « En Bretagne, et ailleurs en France, les femmes prêtaient main-forte dans les travaux agricoles et n’étaient pas les jolies fleurs que ce que laissent penser ces cartes postales. »
De même, un buste évoque le couronnement de la première rosière, dont l’événement public, la fête de la rosière, aurait pris sa source en 1625. Jusqu’au début du 20e siècle, ses élections consistent à honorer la vertu des jeunes femmes d’origine modeste dont la moralité et les agissements sont jugés exemplaires, une miss France avant l’heure en somme. « Elles postulent et sont récompensées d’une somme d’argent si elle passe par un certain nombre de validations au sujet de leur vertu, si elles ont ou pas un mode de vie qui semble correspondre aux valeurs prônées par le patriarcat. » La lauréate est couronnée de fleurs, en particulier des roses, dans un écho à la figure de la Vierge que l’on surnomme « la rose des roses » ou « la rose sans épine ». « C’est assez symptomatique d’une société qui cherche finalement à contrôler la vertu des femmes, y compris des classes populaires. »
Métaphore pour évoquer la sexualité de la femme, on dit aussi plus facilement d’une femme qu’elle se fait déflorer que d’un homme. « C’est une période où une vérité un peu oubliée va resurgir, celle que la fleur est la partie qui sert à la reproduction. Cela va créer une onde de choc dans la société de l’époque, car elle était associée à la pureté et à la virginité », informe Sarah Hatziraptis. « Découvrir que c’est l’appareil reproducteur des plantes va choquer les contemporains, ce qui mènera aussi à interdire les femmes à suivre des cours d’enseignement botanique. »
Au-delà des apparences, l’exposition révèle les évidences oubliées, donne à voir des savoir-faire du territoire et réinterroge nos relations aux fleurs, sans oublier l’impact environnemental des circuits de vente et des modèles de production industrialisés. « Offrir un bouquet de roses du Kenya à la Saint-Valentin, n’est-ce pas un massacre naturel célébré dans la joie et l’amour ? » questionne le directeur Romain Bourgeois.
Deux temps forts seront proposés pendant la durée de l’exposition : « Fleurs d’hiver », le 26 janvier 2025, est une invitation à passer une après-midi à confectionner des tisanes, découvrir l’herboristerie et créer à partir de fleurs séchées (Pour plus d’information sur les inscriptions aux ateliers). « Fleur d’été », le 29 juin 2025, sera le jour où la rose de la Bintinais, conçue spécialement pour l’occasion par la rosiériste Michel Adam, sera présentée. Ce baptême de rose festif sera accompagné d’animations, de poésie, de fleurs comestibles et d’ateliers pour toute la famille !
INFOS PRATIQUES
Écomusée de la Bintinais, route de Châtillon-sur-Seiche, 35 2000 Rennes. Site Internet
Tarifs : 5 € / 3€ (groupes adultes, demandeurs d’emploi, etc.) / Gratuit pour les moins de 26 ans et les étudiants, pour toutes et tous les premiers dimanches du mois.
Horaires : du mardi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 18h ; le samedi de 14h à 18h ; le dimanche de 14h à 19h