RENNES EXPO. HAYTER ET L’ATELIER DU MONDE DE LA GRAVURE

Le 12 février 2021 s’ouvrait l’exposition Hayter et l’atelier du monde au musée des Beaux-Arts de Rennes. Entre abstraction et surréalisme, cette nouvelle exposition montre à voir la pratique du peintre et graveur britannique Stanley William Hayter et l’activité de l’Atelier 17, atelier de gravure. Reconnu dans le milieu de la gravure et encensé en Europe, qui était l’artiste ? Comment expliquer l’effervescence artistique autour de cet espace ? De quelle manière a-t-il renouvelé l’utilisation de la gravure en tant que force créatrice ? Malgré la fermeture du lieu, Laurence Imbernon, conservatrice des collections XXe et XXIe siècle au musée et commissaire générale de l’exposition, a reçu notre rédaction pour une visite inédite…

La date de réouverture des lieux culturels n’étant pas encore définie, notre rédaction s’évertue à donner une meilleure visibilité à la culture confinée et au travail fourni par les acteurs culturels locaux. Il y a peu, nous avions parlé de l’exposition Juke Joint Blues d’Alain Keler à la Maison des Associations et plus récemment des expositions Mauve Zone(No)Time et Go Ghost ! présentée au Frac Bretagne.

Malgré la fermeture de leurs salles d’exposition, associations et structures culturelles poursuivent leurs efforts et se tiennent prêts à accueillir leurs fidèles. Après avoir démonté l’exposition inédite sur l’art aborigène d’Australie, Kulata Tjuta, qui n’a malheureusement pas reçu le public mérité, le musée des Beaux-Arts de Rennes s’est lancé dans le montage de sa nouvelle exposition : Hayter et l’atelier du monde, une exposition sur l’œuvre du peintre et graveur britannique Stanley William Hayter et l’activité de l’Atelier 17, atelier de gravure créé en 1927.

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Laurence Imbernon, conservatrice XXe et XXIe siècle et commissaire de l’exposition Hayter et l’atelier du monde.

Qui était donc le Britannique Stanley William Hayter (1901-1988) ? De formation scientifique, ce fils d’artistes (depuis trois générations) semblait prédestiné à emprunter la voie artistique, « son grand-père était le peintre de la reine Victoria ». C’est après un séjour professionnel en Perse, l’Iran actuel, « l’occasion pour lui de se promener et de réaliser des paysages », qu’il se décide à devenir artiste, d’abord en tant que peintre, avant de déménager à Paris en 1926.

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Atelier 17, 1946 © DR

La gravure, nouvel espace de création

La gravure est le sujet principal d’Hayter et l’atelier du monde, mais les lignes fines et raffinées de Stanley Hayter en dessinent le fil rouge. Élève de l’artiste polonais Jozef Hecht, qui lui enseigne la technique du burin, l’artiste n’a eu de cesse de vouloir renouveler l’utilisation de la gravure, la redéfinissant comme espace propice à une création pure. L’exposition est une immersion dans plus de soixante années de pratique et d’expériences graphiques. Et ce, depuis l’ouverture de l’Atelier 17 – initiée par l’artiste canadienne Dallas Hubsand en 1927. « Le premier atelier était installé à Paris 17 rue Campagne Première », précise Laurence Imbernon, conservatrice XXe et XXIe siècle du musée des Beaux-Arts de Rennes et commissaire générale de l’exposition.

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Situé dans le 14e arrondissement, le petit monde artistique et celui de la création contemporaine se retrouvent à Paris. Rapidement, tous les artistes actifs et en relation avec le mouvement surréaliste viennent à l’atelier.

Au total, plus de mille artistes du monde entier franchiront la porte de l’atelier, avec plus ou moins de talent. 73, dont 26 femmes, sont actuellement exposé.es au musée des Beaux-Arts de Rennes. Parmi eux, des noms célèbres : Pablo Picasso, Joan Miro, Louise Bourgeois, Vassily Kandinsky, Marc Chagall, Jackson Pollock, etc. À leurs côtés, d’autres moins connu.e.s., tel Anton Prinner, artiste femme hongroise qui a pris une identité masculine à son arrivée à Paris. Comment expliquer l’émulation artistique autour de ce lieu ? « Ils viennent pour expérimenter ou découvrir la gravure, comme Yves Tanguy. Pablo Picasso avait déjà au contraire une grande pratique de la gravure. » Des artistes d’horizons géographiques totalement différents se rencontrent, artistes confirmés et jeunes artistes, pour développer ensemble une nouvelle pratique dans ce laboratoire de création unique.

Considérée comme de l’illustration, représentation d’une image déjà existante, la gravure devient entre les mains de Stanley Hayter le symbole d’une création nouvelle, influencée par l’onirisme, le surréalisme et les nouvelles formes de l’abstraction, sans pour autant s’inscrire réellement dans l’un ou l’autre des deux mouvements. « Ce travail se développe autour de l’idée du surréalisme, mais surtout autour de l’idée du geste. Ce que Hayter retient des surréalistes c’est tout ce qui relève de l’image automatique, celle qui vient automatiquement à l’esprit et qui relève de l’inconscient. Pour lui, la gravure est une porte d’accès à cette part d’inconscient en nous. » Des préceptes qu’il n’a eu de cesse de transmettre à ses élèves au milieu du XXe siècle.

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Œuvres d’Anton Prinner (Hongrie, 1902 – France, 1983)

Les sujets développés sont multiples et empruntés à ce que l’on enseigne dans les ateliers. Les premières gravures révèlent les premières expérimentations autour des figures mythologiques, comme le taureau. Elles s’incrustent sur les plaques de cuivre avant de s’imprimer sur le papier. Celui de l’Espagnol Pablo Picasso se transforme selon le traitement post-gravure. À partir de quelques traits de gravure, l’image – sa lumière, son grain – se modifie. Tout comme le peintre espagnol, la sensibilité et l’empreinte de chaque artiste ressort, selon les techniques privilégiées, avec lesquelles « les artistes inventent beaucoup » : les paysages rêvés à l’eau forte d’Yves Tanguy, les figures biomorphiques travaillées au burin de Roger Vieillard, les autoportraits au vernis mou d’André Masson ou encore les compositions photographiques d’Anton Prinner, à l’origine d’un procédé d’image qui utilise négatif et positif, pas sans rappeler les radiographies de Man Ray. « Les techniques de la gravure permettent cette création par leur multiplicité. » Mais ces lignes singulières et propres à chacun convergent en une même idée, celle d’une liberté créative.

Hayter, entre surréalisme et abstraction

Au-delà de l’enseignement, Stanley William Hayter n’a cessé de développer les multiples techniques de la gravure dans l’expérimentation du mouvement. Les fils se croisent et s’entrecroisent, les formes en circonvolution se mêlent et se démêlent dans des compositions novatrices. À l’instar de Cheiromancy (1935), son œuvre est organique, les formes parfois moléculaires, une approche qui rappelle sa formation scientifique. « Les lignes de la main se confondent avec le réseau sanguin. C’est à la fois celle [la main] du créateur, celui qui fait et l’idée d’une main. » L’illusion d’un corps s’esquisse dans chacune de ses œuvres, par touche : une main, un pied, parfois un visage, apparaît dans ce foisonnement de fils qu’il continuera à développer jusqu’à la fin de sa vie, en 1988. Des paysages surréalistes, des tableaux oniriques où un petit cercle blanc figure toujours, plus ou moins visible. Ce détail, réalisé par une technique de gravure en relief qui met à nu la feuille de papier après avoir été gravée, semble une de ses marques fabriques, une signature.

Au milieu de ces multiples gravures, des peintures ponctuent le parcours. Celles de Hayter, mais pas seulement. Sculpteur ou peintre, tous et toutes avaient une pratique autre que celle de la gravure. « La gravure est à la fois un espace nouveau et une technique qui leur apporte quelque chose dans leur propre création. »

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L’atelier 17 ferme en 1939, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, avant de rouvrir à New-York à la New School for Social Research. L’espace devient rapidement le repère des surréalistes en exil. Un nouveau chapitre s’écrit, mais l’objectif reste inchangé. « La gravure a toujours été au second plan et Hayter voulait que ce soit le contraire. Il a réinventé l’utilisation de la gravure en France et aux États-Unis. »

Vers les nouvelles formes de l’abstraction…

À l’atelier de New-York, les étudiants, futurs expressionnistes abstraits, côtoient les surréalistes, plus âgés, et développent, par la gravure, une pratique nouvelle. Cette jeune génération d’artistes américains trouve en ces techniques une source de création inépuisable. Au travail raffiné et détaillé de la gravure s’ajoute la couleur, avec parcimonie. Elle est de plus en plus présente dans le parcours et révélatrice de l’évolution de l’atelier, au fil des générations d’artistes qui franchissent la porte de l’atelier. « Chaque artiste a une forme d’abstraction différente. »

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Cette recherche de la couleur se poursuivra quand l’atelier retrouvera ses quartiers à Paris, en 1950. À la couleur s’ajoute les nouvelles formes de l’abstraction, « des artistes du Japon ou d’Amérique Latine avancent des couleurs saturées qui semblent remonter d’un fond noir », à l’image de Whirphool de Krishna Reddy. Stanley Hayter continuera également ses expérimentations colorées et gravées, « il ne s’arrêtera jamais ». Les couleurs se superposent et peu à peu la palette se réduit. « Plus le temps passe, plus cela devient monochrome. La couleur vient juste révéler, réveiller la gravure. » En résulte un travail abstrait avant-gardiste saisissant qui résonne étrangement avec l’univers de la science-fiction d’aujourd’hui…

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Stanley William Hayter, Les Erinnyes, 1957. Impression en noir et jaune © Musée des Beaux-Arts de Rennes, photographie de Jean-Michel Salingue, 2021.

Du 12 février au 23 mai 2021, exposition Hayter et l’atelier du monde

Musée des Beaux-Arts de Rennes

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L’exposition s’inscrit dans la programmation Une saison américaine en France qui traite des artistes venu en Europe, en partenariat avec le Centre de la Vieille Charité de Marseille, le musée d’Arts de Nantes et le musée Fabre à Montpellier.

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Catalogue édité : Hayter & l’atelier du monde, Entre surréalisme et abstraction (1927 – 1964)

176 pages. Prix : 29 €

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MUSÉE ACTUELLEMENT FERMÉ

HORAIRES

du mardi au vendredi : 10h >17h

samedi et dimanche : 10h>18h

Fermé le lundi et les jours fériés

ACCÈS

Musée des Beaux-Arts de Rennes
20 quai Emile Zola
35000 Rennes

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