La crise que connait l’association Rue des Livres ne promet aucune résolution tant la perception de chacun est divergente, comme l’attestent les points de vues que nous avons recueillis (voir au pied de l’article). Reste une évidente défaillance dans la communication interne et la gestion humaine de l’association. Au demeurant, le festival 2023 n’aura pas lieu et l’association, une fois la démission des administrateurs entérinée, se retrouve comme une coquille vide. Est-ce à dire que tout est fini ? En l’état, oui. Mais cette mort promet la possibilité d’une nouvelle gestation susceptible d’accoucher d’un festival rennais aux périmètres et ambitions repensées. Ce que souhaitent plusieurs acteurs liés de près ou de loin au festival Rue des Livres.
Rue des Livres : un avenir menacé. Communiqué du conseil d’administration de Rue des Livres.
Rue des Livres traverse depuis mars une crise interne qui met en cause l’avenir de l’association et la pérennité de son festival annuel. D’ores et déjà nous pouvons annoncer que sa prochaine édition ne pourra pas se tenir au printemps 2023.
Un conflit a éclaté au lendemain de l’édition de mars 2022 entre les élus du conseil d’administration présidé par Élisabeth Lemau et les trois salariées, dont la directrice Emmanuelle Callac, recrutée six mois plus tôt. Aujourd’hui, Rue des Livres se retrouve sans personnel, les trois salariées ayant démissionné par rupture conventionnelle de leur contrat de travail.
Après avoir assuré la permanence de l’association depuis le 18 mars, nous, les cinq élus du conseil d’administration, lassés par les mises en cause dont nous nous sommes senti injustement l’objet de la part des salariées et d’un certain nombre d’adhérents, venons de prendre à notre tour la décision de nous retirer.
L’assemblée générale fixée au mercredi 19 octobre entérinera cette démission collective. Et permettra à l’association de prendre, nous l’espérons, un nouveau départ.
Dépourvu de salariés et d’administrateurs, Rue des Livres reste donc à reconstruire. Nous souhaitons ardemment que des personnes de bonne volonté, parmi les adhérents et plus largement parmi les acteurs culturels de Rennes et des environs, se manifestent pour prendre la relève et faire vivre ce beau projet qu’est Rue des Livres.
Car il est à noter qu’après deux ans d’absence, le festival 2022 qui s’est tenu les 12 et 13 mars aux Cadets de Bretagne fut une parfaite réussite. Que par ailleurs la situation financière de Rue des Livres est saine. Que la dynamique de l’association forte de quelque 80 adhérents est toujours vive.
Malheureusement, notre aventure collective au service du livre et de la lecture, unique à Rennes, a trébuché sur un conflit classique dans les associations où la relation entre élus et salariés, entre bénévoles et professionnels, reste toujours précaire et sans cesse à réinventer.
Le conseil d’administration : Élisabeth Lemau, présidente, André Bouaissier, vice-président et trésorier par intérim, Georges Guitton, secrétaire, Moune Faucheux et Maryse Guivarch, administratrices.
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Élisabeth Lemau : – Tout a débuté par une erreur de recrutement de la nouvelle directrice. Avec Georges Guitton, nous avons appuyé sa candidature alors que les autres ne la souhaitaient pas. Nous avons fait une erreur. Puis, s’est noué un sac de nœuds autour d’une augmentation inquiétante des heures supplémentaires réalisées par des salariées. S’en est suivie une situation complexe liée au départ des trois salariées (rupture conventionnelle), précédé de plusieurs mois d’arrêts maladie. Le CA s’est retrouvé avec le dossier financier sur les bras, car les factures n’avaient pas été réglées par les salariées qui étaient en arrêts maladie. Et nombre de justificatifs manquaient. Bref, il était ensuite impossible de reprendre le dialogue. Et puis, le CA s’est senti abandonné par la mairie de Rennes et nous a donné le sentiment que nous étions trop vieux. Nous en avons été émus. Et nous avons décidé de tous démissionner. Désormais, la ville va pouvoir faire les choses à sa manière. Ce qu’elle souhaite. Au final, je dirais que l’édition 2022 du festival a marqué la rupture de la communication entre bénévoles, salariés et membres du Conseil d’administration. Le CA a pourtant été très présent afin d’aider les salariées, mais visiblement notre aide a été perçue comme une forme déplacée de pression. Les salariées se sont plaintes de harcèlement managérial. Mais l’inspection du travail a rejeté cette assertion après enquête. Au final, la Ville veut confier à d’autres personnes – des prestataires extérieurs (?) – la gestion de ce festival qu’elle veut installer dans le centre-ville. Dont acte.
Nicolas Roberti – J’entends votre point de vue, mais il s’avère qu’en écoutant toutes les parties, revient souvent le terme de « pression managériale », voire « d’acharnement », par certains membres du CA. En outre, certains regrettent le comportement qu’ils jugent « colérique et autoritaire » d’un des membres en particulier.
Élisabeth Lemau – Mais on est vraiment loin du harcèlement… A contrario, les bénévoles se sont plaints auprès du CA de la conduite autoritaire d’une des salariées récemment arrivée dans l’équipe. Tout est donc affaire de point de vue…
Nicolas Roberti – Certes mais, au demeurant, trois administrateurs ont démissionné fin mars 2022 (le trésorier Gilbert Garnier, Nicolas Léger, Emmanuelle Pavain), notamment pour faire suite à un différend avec Georges Guitton survenu à la toute fin du festival. Cela aurait dû tirer la sonnette d’alarme, non ?
Elisabeth Lemau – Pas vraiment. Leur démission s’est faite sans accroc. Ce sont des démissions qui se profilaient doucement depuis un certain temps. On ne pensait vraiment pas que la situation allait dégénérer ainsi…
Nicolas Roberti – …
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Georges Guitton – De mon point de vue, il y a eu une erreur de recrutement : la nouvelle directrice connaissait mal la dimension événementielle. Et elle a éloigné les salariées du CA et des bénévoles. Cerise sur le gâteau, le soir de la fin du festival, Moune Faucheux et moi avons poussé un coup de gueule à l’égard des trois salariées qui nous laissaient en compagnie de bénévoles débarrasser les tables pourtant très lourdes pour nos vieux os. Une salariée s’est mise à pleurer et la situation est montée en température. De fil en aiguille, c’est parti en sucette, les trois salariées se sont mises en arrêts maladie, nous laissant en plan. Le trésorier a rejoint les salariés. Mi-mai, les salariées ont demandé une rupture conventionnelle que nous avons acceptée. Désormais que faire ? Nous sommes tous bénévoles depuis des années, nous sommes fatigués par cet incident. L’association est arrivée à un terme Je garde espoir que des personnes reprennent l’association et relancent le festival. Mais Élisabeth, André et moi jetons l’éponge. Bonne chance à la nouvelle équipe.
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Benoit Careil – Une AG est annoncée prochainement pour élire un nouveau CA qui j’espère permettra de relancer l’activité de l’association. Celle-ci est très précieuse pour le territoire rennais, tant pour le festival Rue des Livres que pour les actions d’éducation artistique et culturelle et de médiation menées toute l’année. À suivre…