Depuis le 14 aout 2019, date d’ouverture de La Bijouterie Éthique, Adeline Grelaud s’est lancé un défi : faire coïncider travail des métaux précieux et développement durable. Aidée de sa cheville, entre coups de scies, de forets ou de fraises, la jeune femme façonne les matériaux au grand bonheur, notamment, des futurs mariés.
Forte d’une expérience de plus de dix ans, Adeline Grelaud, artisane-joaillière a voulu donner du sens à sa profession, mais aussi la faire correspondre à un certain nombre de valeurs qu’elle porte depuis maintenant quelques années. Soutenue par l’association Entreprendre au Féminin Bretagne, elle a pu concrétiser son objectif d’une joaillerie plus respectueuse de l’environnement. Dans son petit atelier de La Bijouterie Ethique qui abritait autrefois un barbier, situé rue d’Argentré, elle fabrique divers bijoux issus du métal qu’elle fond ou transforme, mais propose également des travaux de réparations d’objets abimés. De ce travail varié naissent des créations faites d’une multitude de matériaux (quartz, or, argent, saphir, diamant). Adeline confectionne avec soin bagues, boucles d’oreilles, pendentifs et même montres pour une clientèle désormais regardante sur la qualité des bijoux.
Dès l’enfance, à l’âge de huit ou neuf ans, elle réalisait des colliers de perles avec ses voisins et les vendait dans les mini-brocantes du quartier. « Ce sont mes grands-parents qui m’ont donné ce goût du bricolage, de l’artisanat et du travail des matériaux » nous explique-t-elle lors de notre visite à la boutique pour laquelle Adeline nous a ouvert les portes de son arrière-boutique. L’environnement manuel de ses jeunes jours a donc joué un rôle déterminant dans la route qu’elle a suivie. Son baccalauréat général en poche, la jeune femme originaire du Berry, a voulu s’orienter vers le stylisme avant d’essuyer quelques échecs. Finalement, c’est dans la joaillerie qu’elle fait ses premières armes par l’intermédiaire d’un CAP bijouterie-Joaillerie en un an, puis d’un Brevet des Métiers d’Arts en apprentissage. C’est à Rennes qu’elle trouve son premier CDI en sous-traitance d’antiquaire, réparation et fabrication de bijoux. À partir de là, l’idée de créer son entreprise naît et avec elle, émergent les soucis inhérents à toute fondation d’entreprise (plan comptable, constituer une clientèle, financements). Adeline nous raconte la difficulté des débuts « J’ai commencé mon activité seulement 6 mois avant le COVID, j’ai pu avoir quelques temps d’activité “normale” avant que les restrictions ne viennent perturber tout cela ».
Grâce à des collaborations récurrentes avec des professionnels du métier du mariage, l’artisane est mise en valeur par le biais de séances photo où ses alliances équitables sont à l’honneur. Quoi de mieux que se dire « oui » tout en protégeant la planète ! Les créations d’Adeline Grelaud se déclinent en trois collections avec pour chacune des caractéristiques spécifiques. On retrouve d’abord Les Précieuses, composées de bijoux poétiques, de bagues de fiançailles, de bijoux avec pierres. « Cette collection est plus éclectique et dépend de mes inspirations » nous indique la joaillère. Vient ensuite la collection Je marche sur la Lune, dont l’effet martelé des bijoux évoque les cratères du sol de notre satellite « Mon conjoint écrit beaucoup et je me suis inspirée de cette poésie pour la collection ». La collection Les Feuilles de Chêne, elle, met en avant des bijoux fins et inspirés de la nature. Pour la créatrice, le chêne est un « symbole fort » : celui de la longévité. Comme lui, les bijoux traversent les âges et peuvent se transmettre de génération en génération. Il s’agit aussi d’un souvenir d’enfant vivace, lorsqu’elle jouait dans la cabane construite dans le chêne de son grand-père « Le chêne de mon grand-père c’est un élément crucial de mon enfance, quelque chose de réellement important ». Du fait de la pandémie de COVID-19, les deux années passées ont considérablement réduit l’activité d’Adeline. Confinée, elle a dû concentrer son activité sur les livraisons sur rendez-vous, mais aussi sur le travail en atelier. Avec nous, elle revient sur cette période « Ça a été un moment relativement difficile pour mon activité. Cela dit, après le premier confinement, beaucoup de personnes sont venues à la boutique ne serait-ce que pour m’encourager et me soutenir; ça fait du bien de sentir que ce que l’on fait a du sens ».
La joaillère nous a permis d’observer la fonte du matériau brut (billes d’or) ainsi que le polissage, deux étapes cruciales dans la conception du bijou. Derrière son établi, Adeline effectue des gestes sûrs, précis qui traduisent les années d’expérience « Créer un bijou requiert l’utilisation de nombreuses techniques et outils. Tout part d’un croquis ou d’une idée après mes balades dans la nature. Ensuite, le temps de création dépend de l’ouvrage ».
La démarche d’Adeline est claire : respecter les hommes et l’environnement. Dans le contexte actuel de crise environnementale, elle a choisi l’or équitable de FAIRMINED, organisation à but non lucratif située en Colombie. Créée en 2004 par Alliance for Responsible Mining, elle regroupe des organisations minières artisanales à petite échelle afin de lutter contre des conditions d’extraction de l’or, qui ont peu évolué depuis le XIXe siècle. Six mines labellisées sont aujourd’hui basées principalement au Pérou et en Colombie. Grâce au label Fairmined, l’or bénéficie d’une traçabilité plus importante. En effet, dans les zones minières d’Afrique ou d’Amérique du Sud, la question de la provenance des matériaux et des conséquences qu’elle engendre se pose de plus en plus durement. Esclavage, travail des enfants, pollution au mercure et cyanure, ou inégalité salariale hommes-femmes sont des problématiques alarmantes qui parasitent le secteur depuis maintenant des décennies. Rien qu’en Afrique de l’Ouest, au moins huit pays recourent au travail des enfants pour l’extraction minière artisanale de l’or, dit orpaillage.
Au Burkina Faso, on estime à 700 000 le nombre d’enfants recrutés dans le secteur minier. Privés d’éducation, ces derniers sont soumis à des conditions de travail désastreuses et rémunérés bien en deçà des réglementations. Les accidents mortels ou maladies respiratoires graves deviennent un phénomène récurrent et pour la plupart, ces jeunes sont malnutris et entraînés dans des spirales malsaines, consommant des drogues diverses ou encore victimes de prostitution.
Ouvert à tous les acteurs du marché, Fairmined fournit ainsi un accès fiable aux données de traçabilité de l’or mais promeut également des avancées sociales et des retombées économiques pour les mineurs et les zones concernées par l’exploitation. À la différence de certains grands groupes miniers, il ne finance pas les potentiels conflits dans les zones d’extraction, mais contribue à soutenir les processus communautaires de mines gérées de façon responsable. « Nous sommes environ 50 bijoutiers labellisés en France et deux sur Rennes» nous informe Adeline.
Pour les bijoutiers, il s’agit d’une sécurité, car ils peuvent se rassurer, user d’un or dont ils peuvent être fiers. Même si une majorité du secteur minier demeure encore tournée vers le profit à court terme, Fairmined constitue une étape et permet d’entrouvrir des issues possibles à tous les problèmes soulevés par une industrie toujours plus compétitive. À La Bijouterie Éthique, malgré les contraintes qui entourent la certification (réexaminations, prix plus important des matières premières), Adeline tente de ne pas répercuter ces éléments sur ses prix de vente, dans le but de rester attractive et accessible au plus grand nombre « Pour moi, c’est essentiel de travailler selon ces méthodes plus humaines et responsables de la planète. Je préviens mes clients à l’avance pour qu’il n’y ait pas de mauvaises surprises mais je ne changerai pas ma manière de faire.»
Depuis une quinzaine d’années, en France, le label émerge (Palme d’or du Festival de Cannes, trophée du prix Nobel de la Paix) et le nombre de licenciés Fairmined ne fait que croître ayant atteint la cinquantaine. En 2006, c’est Hélène Grassin qui fait figure de pionnière et crée à Paris la bijouterie responsable Paulette à bicyclette. Quant à Adeline, les pierres qu’elle utilise pour orner ses bijoux ne sont pas couvertes par le label, et la réglementation est plus aléatoire. La joaillière a donc fait le choix de se tourner vers une lapidaire de Rennes qui utilise des pierres recyclées.