L’association Les Tombées de la Nuit a nommé début décembre 2022 sa nouvelle directrice, Morgane Le Gallic, à l’unanimité. Après une mission de programmation du festival et du second semestre 2023 en tandem avec Claude Guinard, elle a pris ses fonctions à plein temps le 1er mars. Itinéraire d’une jeune directrice à l’éloquence franche, à la simplicité sans fard, à la réflexion comme son regard à la fois profonds et pétillants.
Unidivers – Morgane Le Gallic, quelque chose me dit que vous avez des origines bretonnes…
Morgane Le Gallic – En effet (rires) ! Mon père était d’origine morbihannaise, de Pluméliau non loin de Pontivy. Avec ma mère, ils se sont installés à Paris dans les années 60. Nous habitions tout près de la Tour Montparnasse ; ce qui avait conduit mon père à en conclure que nous formions le front breton le plus avancé à l’est et que nous étions fixés à la Tour comme une bernique ou une huître sur son rocher…
Unidivers – Un rocher parisien où il faisait bon vivre ?…
Morgane Le Gallic – Oui, tout à fait. J’ai d’ailleurs réalisé toutes mes études autour de chez moi jusqu’à Sc. Po. Je m’intéressais déjà au théâtre et à son monde et j’ai orienté autant que faire se peut mes études vers le monde de la culture. J’ai eu la chance de faire un bac théâtre et me suis ensuite plus orientée vers les questions de politique culturelle. Puis un stage dans une structure de théâtre de rue a marqué un tournant. Le directeur m’a rapidement laissé participer à la coordination et programmation du projet jusqu’à me salarier comme chargée de prod.
Unidivers – Là encore, de bons souvenirs ?…
Morgane Le Gallic – Tout à fait. Ce fut un moment d’intense activité. Nous avons organisé plusieurs tournées dans des espaces publics puis implanté des chapiteaux sur la pelouse de Reuilly, lesquels ont donné vie au Village de cirque qui en est aujourd’hui à sa 18e édition. À la suite de ce lustre circassien, le directeur des services de Pantin m’a recrutée à la direction des théâtres de la ville de Pantin. 12 ans à travailler un territoire, la Seine-Saint-Denis, qui est à la fois cosmopolite, engagé, bourré d’énergies. Un changement a rebattu les cartes et a permis l’essor de nouveaux projets au profit d’une culture collective vivifiante.
Unidivers – C’est à cette époque que vous avez entendu parler des Tombées de la Nuit ?
Morgane Le Gallic – En fait, je les connaissais de nom depuis longtemps et j’ai assisté au festival dès… 2008. J’ai tout de suite apprécié ce goût du partage que Claude a su promouvoir, cet humanisme généreux dont il a innervé toutes les actives de Tombées. Dès lors, je suis revenue régulièrement. Pour de nombreux confrères et moi-même, le travail de Claude de promotion de l’activité hors les murs avec des interactions inédites avec le public est soudain apparu comme un outil d’invention nouveau, prospectif, interactif, créatif. Une voie de compréhension inédite du territoire était ouverte. Et j’avais envie de la suivre tant elle correspondait à mes conceptions et aspirations.
Unidivers – Maintenant que vous êtes aux commandes, c’est la voie que vous allez poursuivre ?
Morgane Le Gallic – Oui. Vous savez, entre le festival à proprement dit et le dispositif Dimanches à Rennes, c’est un vaste écosystème d’opérateurs culturels de toutes tailles qu’il s’agit de mettre en partition. C’est riche et passionnant.
Unidivers – Et quelles sont les premiers marqueurs de votre patte personnelle ?
Morgane Le Gallic – Le choix de la compagnie de funambules Basinga symbolise en partie mon arrivée et mon regard programmatique : une expérience sur le dépassement, collective et en tension à 30 m au-dessus du sol. Je me retrouve aussi bien dans le travail sur le futur du collectif 3615 Dakota, son regard ironique et décalé sur la société contemporaine.
Autre versant auquel je vais m’attacher dans les années à venir : l’enfance, faire ressortir les enfants dans les villes, car c’est un fait les enfants ont quasi disparu des espaces collectifs en dehors des lieux clairement dédiés comme les aires de jeux. Le problème se pose aussi avec les ados, bien que dans des termes différents. Je viens d’un département de travail, la Seine-Saint-Denis, où j’ai beaucoup travaillé la question des résidences dans les lycées, la présence dans les établissements scolaires. Les Tombées de la Nuit ont sillonné l’ensemble de la géographie rennaise. Pour certains projets et dans une volonté d’implication, j’aimerais choisir un ou deux quartiers dans la ville, y revenir régulièrement, mais aussi sortir dans la métropole, voire dans le département… Je vais tenter d’instaurer des transmissions, du rayonnement, des courroies de transmissions par capillarité.
J’ai envie de prendre le pouls de Rennes et de son effervescence, de saisir par observation et par intuition la nature artistique du territoire en question. J’aime son esprit frondeur… C’est pourtant là qu’il convient de puiser des vibrations et de comprendre les attentes créatives afin de la conjuguer à des projets artistiques aux formes originales, décalées, réflexives, exigeantes. C’est ainsi que je conçois les retombées des Tombées. Avec ce souffle qui anime son esprit et sa pratique : le croisement d’énergies puissantes, un humour teinté de dérision critique, le traitement décalé des sujets sérieux.
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