Rennes Rencontres d’Histoire. Le Marathon des images de la rédac’

Rencontres d'histoire le cuisinier le voleur sa femme et son amant
Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway (1989)

Les Rencontres d’Histoire, événement co-organisé par Les Champs Libres, le département histoire de l’université Rennes 2 et les étudiants de l’association Histoire Deux, se dérouleront ce weekend du 24 au 26 novembre 2023. Dans ce cadre, le Marathon des images revient samedi 25 novembre, huit historiens se succéderont et commenteront des images sur le thème de l’alimentation. 

Le Marathon des images met aux défis des historiens intervenants aux Rencontres d’histoire de contextualiser, décrire et analyser une image sur le thème de l’événement : l’alimentation. Le choix de l’image est complètement libre, en revanche il y a une contrainte majeure, l’intervention ne doit pas excéder cinq minutes montre en main. Ce samedi 23 novembre 2023, les intervenants s’appuieront sur des menus, des cartes postales, une image générée par intelligence artificielle et autres surprises.

Pour vous mettre en appétit, la rédac’ d’Unidivers reprend l’idée à l’écrit, avec une règle supplémentaire : l’image de film. 

Hook, Steven Spielberg (1991) par Inès Collet

Bienvenue au banquet des enfants perdus, au Pays Imaginaire. Vous ne voyez rien ? C’est normal… Peut-être que, comme Peter Pan, êtes-vous devenu un adulte. Mais peut-être qu’une part de votre enfance se cache dans cette scène. Dans Hook de Steven Spielberg, Peter Banning s’est oublié, il ne sait plus qu’il n’est autre que Peter Pan, le garçon des contes de Neverland. Cette amnésie induit la vision du héros à ne distinguer que des enfants feignant d’ingurgiter des mets délicieux… et invisibles.

Enivré dans un combat d’insultes pétillantes avec le jeune Rufio, voilà qu’un changement s’opère en Peter. Et sur la table ! Des plats apparaissent par centaines, un festin aux couleurs chaudes, aux aspects succulents, rappelant les peintures des banquets et l’abondance de leurs mets. À l’instar de la Tête réversible avec panier de fruits du peintre de la fin du XVIème siècle Giuseppe Arcimboldo, et de manière plus radicale, le banquet prend une autre forme : ce qui était vide se remplit… d’un simple coup d’imagination ! « You’re doing it, Peter. You’re using your imagination ».

The Virgin suicides, Sofia Coppola (1999) par Clara Languille

Marathon des images Rencontres d'histoire The Virgin suicides
The Virgin Suicides, Sofia Coppola (1999), 8’40

Adapté du roman de Jeffrey Eugenides, le scénario de Sofia Coppola met en scène la vie de famille puritaine des Lisbon dans une ville américaine des années 70. Cette scène de repas cristallise les enjeux symboliques du film. D’un côté, le royaume des apparences régi par Sara Lisbon, la matriarche de la famille. De l’autre, les pulsions intimes. Dans la scène, la famille reçoit un garçon de l’école des cinq filles, on y voit le rituel du bénédicité et l’idée de la bonne tenue à table. Sofia Coppola, la réalisatrice, nous montre que cette tradition est artificielle, sans substance profonde, une machine oppressante qui tourne à vide.

La mise en scène présente un fort contraste entre l’expression des désirs des sœurs Lisbon et la cadette de la famille, Cecilia, qui n’en a plus aucun. Cette scène existe comme anticipation de son suicide, elle a des pulsions comme tout le monde, mais elles sont différentes de celles de ses sœurs. La scène de repas est en apparence joyeuse et légère, mais elle laisse entrevoir le trouble qui s’installe dans la famille. Cecilia (en arrière plan) a une attitude qui tranche particulièrement avec celle de sa soeur Lux (au centre) qui prend plaisir à jouer un jeu encore naïf et enfantin : la séduction avec le jeune garçon (jeux de regard, de pieds, de jambes). Cecilia a le regard perdu, le visage inexpressif, ne parlant pas et ne bougeant pas. Le repas au cinéma peut être aussi le moment où les personnages révèlent leurs motivations. Les intentions des filles Lisbon sont claires dans la scène pour autant elles passent complètement inaperçues auprès de leurs parents, enfermés dans les contraintes sociales et religieuses qu’ils infligent à eux-même et à leur famille. 

Gladiator, Ridley Scott (2000) par Sébastien Rousseau

Marathon des images Gladiateur Ridley Scott
Gladiator, Ridley Scott (2000), 1h40

Dans Gladiator, film réalisé par Ridley Scott (2000), on suit le parcours de Maximus, général des armées de Marc-Aurèle, l’empereur de Rome, à qui il devait succéder. Mais piégé par son propre fils Commode, l’empereur est assassiné ainsi que la femme et le fils de Maximus. Ce dernier est capturé par des marchands d’esclaves et vendu au laniste Proximo : il devient gladiateur. Remarqué pour ses faits d’armes dans le Colisée, l’ancien général surnommé « l’Espagnol » doit révéler son identité auprès du nouvel empereur Commode. Celui-ci ne peut le faire tuer dans l’arène, le public voulant le voir vivre.

Après le combat dans le Colisée, le repas est distribué aux gladiateurs. Les maigres portions du plat ragoûtant incarnent la déchéance sociale de Maximus qui mange comme les autres gladiateurs. Dubitatif, son regard s’attarde sur son bol : sa place n’est plus parmi la haute-sphère romaine. Juba (à gauche sur l’image) lui fait signe de ne pas manger son repas : il pourrait être empoisonné maintenant que l’identité de l’ancien général a été découverte. Voyant le doute chez Maximus, Hagen (au centre) goûte son repas à sa place. Il fait mine de s’empoisonner, puis se met à rire. Les trois hommes s’esclaffent. 

Derrière ces quelques secondes pourtant silencieuses de repas, le réalisateur montre un aspect primordial du film : malgré la déchéance sociale de Maximus, son nom et sa valeur ont survécu. Hagen montre, sans dire mot, qu’il est prêt à sacrifier sa vie pour cet homme ; or, c’est ce respect que l’on voue à Maximus qui le rend intouchable par l’empereur, s’il ne veut pas faire de lui un martyr. Cette scène incarne avec humour et sensibilité les paroles de Lucilla plus tôt dans le film : « Aujourd’hui, j’ai vu un esclave devenir plus puissant que l’empereur de Rome ».

Charlie et la Chocolaterie, Tim Burton (2005) par Emmanuelle Volage

Marathon des images Rencontres d'histoire Charlie et la chocolaterie
Charlie et la chocolaterie, Tim Burton (2005) 20′

Le film Charlie et la chocolaterie de Tim Burton (2005) est une adaptation du roman du même nom de Roahl Dahl (1964). Il retrace l’histoire de Charlie Bucket, un garçon gentil et attentionné qui adore le chocolat ! Mais Charlie vient d’une famille extrêmement pauvre et il ne peut recevoir qu’une seule tablette de chocolat par an, à son anniversaire…

L’image que vous voyez est extraite de la scène dans laquelle ses parents lui offrent son cadeau d’anniversaire, un peu en avance. Quelques secondes avant la capture d’écran, l’enfant entouré de sa famille ouvre précautionneusement l’emballage dans l’espoir de découvrir le dernier ticket d’or. Ce sésame lui permettrait de visiter la plus grande chocolaterie du monde, celle de Willy Wonka. Mais rien… Plutôt que de manger la tablette tout seul, il décide de partager avec tous les membres de sa famille, malgré le mots de son grand-père, en arrière-plan, qui lui dit de profiter son cadeau. Cette image représente Charlie entrain d’apprécier la douceur de la sucrerie, pas seulement parce qu’il aime particulièrement cette gourmandise, mais parce qu’il la partage aussi avec les personnes qu’il aime. Et cette perspective semble surpasser la déception.

Au-delà d’apprécier collectivement ce met, qui incarne tout un tas de symboles dans le film, la scène matérialise un des éléments phares du film : la valeur d’une famille et l’importance d’être bien entouré.

INFOS PRATIQUES

Rencontres d’histoire
Marathon des images (gratuit, accès libre), 25 novembre 2023, 17h30 , Auditorium des Champs Libres – 10 cours des Alliés 35000 Rennes

Hook, Steven Spielberg (1991)

The Virgin suicides, Sofia Coppola (1999)

Gladiator, Ridley Scott (2000)

Charlie et la Chocolaterie, Tim Burton (2005)

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